L’industrie du transport collectif salue l’aide de 400 millions du gouvernement en 2023, qui devrait permettre d’éviter d’importantes coupes de service. Plusieurs questions restent en suspens, au moment où des discussions doivent s’entamer sur le financement pour les cinq prochaines années.

Québec a confirmé dans son budget annuel, mardi, qu’il offrira cette année quelque 400 millions à l’industrie du transport collectif, secoué par une crise de financement. Le but : mettre en place les solutions qui auront été identifiées à la suite de la tournée de consultations que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, entamera dans les prochaines semaines.

« Cette aide pour 2023 est bienvenue. Au cours des prochaines semaines, le conseil d’administration devra équilibrer le budget 2023 sans affecter le niveau de service aux usagers », a confirmé mardi l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), qui touchera environ 340 des 400 millions de l’aide d’urgence octroyée par le gouvernement Legault. Au total, le manque à gagner des sociétés de transport du Grand Montréal est d’environ 500 millions.

Le directeur général de l’Autorité, Benoit Gendron, assure avoir pour « priorité de s’assurer que chaque dollar investi » par le gouvernement se traduise « en un maximum de services ». « Il en va de notre devoir en tant que gestionnaires de fonds publics. […] Nous voulons aller plus loin, faire mieux et offrir plus », dit-il.

Son groupe rappelle toutefois que « pour que la vision et les intentions se traduisent en actions, des sources de financement conséquentes doivent être identifiées ». « Le défi du financement du transport collectif demeure entier pour les prochaines années », insiste M. Gendron.

Même son de cloche à la Société de transport de Montréal, dont le président Éric Alan Caldwell accueille favorablement l’aide de 400 millions, mais soutient que « les montants alloués ne sont pas suffisants à nos yeux pour tendre vers une relance du transport collectif, qui est nécessaire à la transition écologique ».

L’opérateur montréalais est aussi préoccupé par la faible hausse des investissements dédiés au maintien des actifs. « L’entretien et le maintien de nos infrastructures sont une condition obligatoire pour offrir un service performant et sécuritaire. […] Il est essentiel d’identifier des sources de financement dédiées, indexées et récurrentes pour enfin se donner le moyen de nos ambitions », persiste M. Caldwell.

« L’aide financière présentée par le gouvernement pour 2023-2024 est un pas dans la bonne direction en attendant de mettre en place des solutions structurantes pérennes aux problèmes de financement du transport collectif. […] Nous réitérons l’importance d’instaurer un cadre financier qui soit stable », explique quant à elle Josée Roy, directrice générale de la Société de transport de Laval (STL).

Exo, le gestionnaire des trains de banlieue, a aussi fait valoir qu’au cours des dernières années, « la croissance de l’offre de transport collectif dans les banlieues n’a pas suivi la croissance démographique ». « Un cadre budgétaire et un financement prévisible, qui prendront en compte ces particularités, permettront à exo de transformer son réseau », affirme son DG, Sylvain Yelle. Au Réseau de transport de Longueuil (RTL), la présidente Geneviève Héon a enfin salué l’aide d’urgence, soulignant toutefois qu’il est « primordial de mettre en place un nouveau cadre de financement suffisant, prévisible, dédié et pérenne ».

La table est mise

À l’Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec (TRANSIT), le coordonnateur Samuel Pagé-Plouffe estime que ces annonces « mettent bien la table pour les négociations dans les prochains mois », afin d’en venir à une entente sur cinq ans comme le veut la ministre Guilbault. « Cela dit, les défis structurels sont loin d’être réglés et il faut s’y attarder à partir de maintenant », martèle M. Plouffe.

« C’est à la hauteur des besoins. On s’attendait honnêtement à quelque chose d’un peu moins intéressant, donc on est quand même satisfaits. On sauve les meubles à court terme pour éviter les coupures de service, mais il reste des enjeux », estime de son côté le directeur général de Vivre en ville, Christian Savard.

Dans l’opposition, on juge que l’aide de 400 millions ne sera pas suffisante. « Il fallait 570 millions pour maintenir les sociétés de transport hors de l’eau. Avec ce budget, les sociétés de transport seront contraintes de couper dans les services aux usagers », avance le critique solidaire en transports, Étienne Grandmont.

« Les mesures d’urgence pour le transport collectif sont nettement en dessous des sommes nécessaires pour maintenir le transport à des niveaux de fréquence acceptables. On verra donc une réduction des services, de l’achalandage et de la fréquence, alors qu’on devrait doubler à terme l’offre », lance le critique péquiste en transports, Joël Arseneau.

Chez les libéraux, le critique en finances, Frédéric Beauchemin, déplore que « le manque de financement en transport en commun et sa répartition inégale dans les régions du Québec ne nous mèneront nulle part ». « La transition énergétique nécessitera des investissements majeurs qui bénéficieront aux générations futures, ce que la CAQ écarte de son budget », juge-t-il.

Sarah V. Doyon, la directrice générale de Trajectoire Québec, s’est pour sa part montrée « rassurée », jugeant que l’aide devrait permettre d’éviter des coupes dans le service. Elle déplore toutefois que le Fonds des réseaux de transport terrestre (FORT) cumule dorénavant « un déficit de près d’un milliard de dollars ». « Pourtant, le budget ne propose aucune nouvelle source de financement. Il n’indexe ou n’augmente pas les sources existantes non plus. Qu’est-ce qu’on attend pour agir ? »

En savoir plus
  • 70-30
    Samuel Pagé-Plouffe déplore par ailleurs que le gouvernement Legault soit « en pleine stagnation » sur son engagement, qui avait été pris lors de son élection en 2018, de rééquilibrer les investissements dans le réseau routier et celui du transport. Dans la prochaine décennie, les investissements au Plan québécois des infrastructures (PQI) sont de l’ordre de 31,5 milliards dans le réseau routier contre 13,8 milliards en transport collectif, ce qui équivaut encore grosso modo à un ratio de 70 % -30 %.
    722 millions
    Jusqu’en 2028, Québec promet aussi d’allonger 722 millions de dollars pour « renforcer l’accessibilité et l’efficacité des réseaux de transport », en plus d’allonger 55 millions d’ici 2026 pour « favoriser l’innovation dans les transports ». gouvernement du Québec