La Caisse de dépôt a entrepris de participer plus activement à la croissance de l’industrie de la gestion d’actifs québécoise et s’est donné pour objectif de doubler à plus de 8 milliards d’ici cinq ans la valeur des actifs qu’elle confie aux gestionnaires de firmes québécoises, et ce, dans la plupart de ses stratégies d’investissement. Un coup de pouce évidemment bien accueilli par l’industrie.

Déjà engagée à hausser la valeur de ses investissements au Québec à plus de 100 milliards d’ici 2026 – par rapport à son actif net de 424 milliards en date du 30 juin 2023 –, la Caisse de dépôt s’est fixé un nouvel objectif en voulant cette fois confier davantage de ses actifs en gestion externe auprès de sociétés de gestion québécoises.

Bon an, mal an, la Caisse de dépôt fait appel à des firmes de gestion externes à qui elle confie des mandats spécifiques afin de diversifier l’exposition de son portefeuille à différentes catégories d’actifs et de diversifier ses perspectives de rendement.

La semaine dernière, j’ai rencontré Dominique Senequier, PDG fondatrice de la firme française d’investissement privé Ardian, anciennement AXA Private Equity, qui collabore depuis des années avec la Caisse de dépôt.

Ensemble, ils ont réalisé des investissements communs dans des fonds de rachat d’entreprises en Europe ou, plus récemment, dans la mise sur pied d’un fonds d’infrastructures en hydrogène.

En fait, les mandats de gestion externe totalisent près de 60 milliards sur les 424 milliards d’actifs que gère la Caisse de dépôt. La Caisse fait affaire avec plus d’une centaine de firmes de gestion dans le monde.

« On fait affaire avec des firmes externes dans à peu près toutes les catégories d’actifs, qu’il s’agisse d’investissements dans les marchés boursiers, les placements privés, le crédit privé, les stratégies alternatives illiquides, les co-investissements… », me confirme Mario Therrien, chef des Fonds d’investissement et de la gestion externe à la Caisse de dépôt.

« Ces firmes viennent compléter ce qu’on fait à l’interne. Nos équipes font la vérification diligente et décident ou non d’investir dans une ou l’autre de leurs plateformes. On fait beaucoup de placements privés aux États-Unis ou en Europe via des firmes de gestion externe, dans le secteur de la santé ou du crédit privé aussi. »

Au Québec, la Caisse fait aussi affaire avec des firmes de gestion locales – on peut penser à Letko Brosseau, Montrusco ou Fiera Capital –, mais le bas de laine des Québécois souhaite augmenter sensiblement la valeur des actifs qu’elle confie à ces sociétés au cours des cinq prochaines années.

Gestionnaires matures et émergents

La Caisse de dépôt a cartographié les équipes de plusieurs sociétés de gestion québécoises qui ont fait leurs preuves avec qui elle compte faire davantage de partenariats, en intégrant notamment leur stratégie d’investissement.

« Notre rôle premier en tant que fiduciaire de l’épargne des Québécois, c’est d’obtenir du rendement, rappelle Mario Therrien. La finalité de notre stratégie de gestion externe, c’est de profiter des équipes québécoises de gestion d’actifs, on veut les accompagner et avoir un impact pour eux. Avoir la Caisse de dépôt comme client, c’est positif. »

Un constat que partage Peter Letko, associé et gestionnaire de portefeuille principal chez Letko Brosseau.

« La Caisse de dépôt, c’est devenu gros et c’est bon pour elle de se diversifier et d’aller chercher des ressources additionnelles qui vont venir s’ajouter à leurs équipes existantes, et c’est bon pour nous aussi. Chaque année, on recrute de nouveaux talents dans les universités et on va continuer de le faire », a souligné le gestionnaire de carrière.

Selon la Caisse, de 10 à 15 sociétés de gestion de portefeuille québécoises pourront se voir confier des mandats additionnels au cours des cinq prochaines années pour participer à la valorisation des actifs du bas de laine des Québécois.

La Caisse compte sur des firmes matures qui ont fait leurs preuves pour réaliser ses partenariats, mais l’institution va aussi donner des mandats à des sociétés émergentes qui sont regroupées au sein du PGEQ, le Programme des gestionnaires en émergence du Québec, qui favorise l’éclosion de nouveaux talents et de nouvelles firmes de gestion de placement indépendantes.

En avril dernier, la Caisse a renouvelé son soutien au PGEQ en annonçant un investissement de 250 millions sur cinq ans dans les fonds qu’il développe, un investissement qui pourrait atteindre 500 millions selon les besoins du programme.

« On voit notre rôle comme celui d’un catalyseur de l’industrie québécoise de la gestion d’actifs. On souhaite que les gestionnaires du PGEQ graduent au sein de firmes établies. On leur donne du capital d’accélération, mais il faut qu’ils amènent leur boîte à un niveau institutionnel », souligne Mario Therrien.