Les dépôts « anti-inflation » de 400 $ à 600 $ ont commencé à apparaître dans nos comptes de banque, ces derniers jours. Si on en profitait pour refaire le fameux test de la guimauve avec ces sommes, les résultats seraient sans aucun doute fascinants. À défaut, on peut toujours faire comme si.

Vous connaissez peut-être l’histoire. Au moyen de simples guimauves, un professeur de l’Université Stanford a mené une étude devenue célèbre sur la gratification différée. L’irrésistible sucrerie a été donnée à 600 enfants de 4 ans laissés seuls dans une pièce. Ils pouvaient la dévorer sur-le-champ, ou résister 15 minutes et ainsi obtenir une seconde guimauve en récompense.

Résultat : un tiers des enfants avait eu la sagesse de laisser fructifier leur avoir.

On ne peut pas lire dans la tête des Québécois pour savoir ce qu’ils prévoient faire de la somme versée par le gouvernement.

Quelle proportion s’empressera de dépenser cet argent tombé du ciel sur Amazon ? Quelle proportion choisira la gratification différée en l’épargnant ou la possibilité d’amplification en l’investissant ?

Bien sûr, certains ménages moins nantis utiliseront rapidement la somme reçue pour leurs besoins de base, comme l’épicerie. Mais beaucoup d’autres font face à une panoplie de choix et ressentent un certain malaise à avoir reçu une telle somme.

On l’a vu, cette semaine, deux députées (Michelle Setlakwe, du Parti libéral du Québec, et Ruba Ghazal, de Québec solidaire) ont annoncé qu’elles feraient don de leur « chèque » à des organismes de charité de leur circonscription.

Si ces quelques centaines de dollars qui s’ajoutent à vos revenus annuels ne changent pas grand-chose dans votre vie, voilà une option qui permet de faire d’une pierre deux coups. Non seulement vous aiderez des gens dans le besoin — les banques alimentaires sont particulièrement éprouvées ces temps-ci par l’inflation —, mais vous recevrez aussi un crédit d’impôt dont vous pourrez profiter dans quelques mois, une fois votre déclaration de revenus transmise.

La Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke calcule qu’un don de 400 $ ne coûte, en réalité, que 238,52 $.

Et pourquoi ne pas se payer un peu de liberté avec la somme versée par le gouvernement Legault ? Si vous traînez une dette à 20 % d’intérêt sur une carte de crédit comme environ le tiers des Canadiens (le solde moyen s’élève à 3727 $ selon Equifax), en éponger une partie vous laissera plus d’argent dans vos poches tous les mois. Le plaisir n’est pas immédiat, mais pensez à la satisfaction de manger deux guimauves plutôt qu’une.

Une autre façon de multiplier non pas les pains, mais les gains, est de placer la somme reçue dans son REER. Le remboursement d’impôt pourra lui aussi être réinvesti dans le compte au printemps. Effet boule de neige garanti !

Le REEE, avec ses alléchantes subventions, est une option encore plus payante. Ottawa ajoutera 20 % et Québec 10 %. Aucun autre placement ne procure un rendement garanti de 30 %. Si vous placez 600 $ dans un REEE, le gouvernement y ajoutera 180 $.

Les fonds de travailleurs procurent pour leur part des crédits d’impôt non remboursables de 30 % (d’Ottawa et de Québec) à condition de ne pas être à la retraite. Ce qui s’ajoute à la déduction REER habituelle. Encore là, on peut réinvestir ce qui nous est retourné pour que son versement anti-inflation gonfle comme le prix de la laitue et des spaghettis.

C’est un petit cadeau qui arrive, mais il faut faire des choix judicieux. Si possible, je suggère d’utiliser la somme pour se partir un coussin de sécurité.

Johanne Leblanc, conseillère budgétaire chez Option consommateurs

Au moment où une récession risque de provoquer des pertes d’emplois, ce fonds risque d’être utile ; il peut s’écouler plusieurs semaines avant qu’un premier chèque d’assurance-emploi soit versé.

L’épargne peut se faire dans un CELI ou un compte à intérêt élevé comme celui d’Épargne Placements Québec, appelé Flexi-Plus. Les sommes y sont encaissables en tout temps, et le taux annuel est actuellement de 3,25 %. Surveillez aussi les sites web des banques qui proposent des taux promotionnels sur de nouveaux dépôts.

Avec le temps des Fêtes qui s’amorce, il est tentant de vouloir se faire plaisir et de gâter ses proches. Certes, ce n’est pas toujours facile de résister.

Pour y arriver, on peut imiter une petite fille qui a fait le test de la guimauve dans une vidéo produite par le Centre collégial de développement de matériel didactique. Pour ne pas la manger, elle s’est mis les mains sur les yeux. Ne pas voir la sucrerie a réduit la tentation.

On peut faire la même chose avec les centaines de dollars reçus : les mettre à l’abri de ses propres envies immédiates.