Le pire de l’inflation est-il vraiment derrière nous, comme l’a affirmé le ministre des Finances, Eric Girard, la semaine dernière ?

Je veux ardemment y croire, sachant l’impact de cette inflation sur le budget des familles, des travailleurs et des retraités. Et sachant qu’une inflation persistante forcerait la Banque du Canada à redresser encore davantage ses taux d’intérêt, avec ses effets douloureux sur l’économie.

Or, en y regardant de plus près, il appert que le ministre a raison : les hausses récentes de prix ont été bien plus faibles que celles du printemps dernier, et bien plus basses que le taux annuel officiel du mois d’octobre, de 6,9 %.

Attention, le filet de saumon ne reviendra pas nécessairement à 22 $ le kilo. Pas plus que l’essence ne retombera prochainement à 1,20 $ le litre ou le logement 5 ½ à Montréal, à 1100 $ par mois.

Les prix des produits et services restent relativement élevés, mais c’est leur cadence haussière qui ralentit. Le rythme annuel récent d’augmentation avoisine même les 3-4 %, loin des 7-8 % des derniers mois.

C’est l’excellent service économique de la Banque Nationale qui m’a éclairé à ce sujet. Essentiellement, faut-il savoir, les prix ont explosé entre février et juillet, sous l’effet de la guerre en Ukraine, qui s’est ajouté à l’impact du confinement en Chine sur les chaînes d’approvisionnement et à la forte demande locale postpandémique.

Mais depuis juillet, le rythme d’accélération des prix est retombé à des niveaux plus « normaux ». Pour le savoir, la Banque Nationale compare non seulement les prix du dernier mois avec ceux du même mois de l’année dernière, mais aussi avec ceux d’il y a trois mois. Cette croissance sur trois mois est ramenée en rythme annuel, question de la rendre comparable.

En mai dernier, donc, le rythme annuel de croissance des prix avait explosé de 12,5 % pour cet indicateur sur trois mois. Depuis, la cadence a progressivement reculé jusqu’à 2,4 % en septembre, le plus bas taux depuis deux ans, avant de remonter à 4,3 % en octobre, à cause du prix de l’essence. Bref, l’évolution récente est fort encourageante.

Ce n’est pas tout. La Banque Nationale suit aussi un autre indicateur, qui est intéressant, car moins volatil que l’Indice des prix à la consommation (IPC) global. Cet indicateur, c’est l’évolution de la médiane de cet IPC, qui est basé sur un panier de 55 produits et services1.

Or, en octobre, cette médiane de l’IPC a crû au rythme de 4,8 %, soit bien moins que la croissance de l’IPC global, de 6,9 %. Et encore une fois, la tendance plus récente (sur 3 mois) de cette médiane dégonfle le rythme annuel de croissance des prix à 3,3 %. Alléluia !

Visiblement, les augmentations de taux d’intérêt de la Banque du Canada, débutées en mars, commencent à porter leurs fruits. « On s’approche de la fin des hausses de taux. On s’attend à autre bond de 50 points de base au début décembre, mais après, on prévoit qu’il y aura une pause », me dit Matthieu Arseneau, chef économiste adjoint de la Banque Nationale.

Les taux d’intérêt pourraient même prendre une pente descendante à partir du 2e semestre de 2023, estime l’économiste, soit lorsque l’inflation aura été maîtrisée. Ouf !

Maîtrisée, vraiment ? Eh bien ! voilà, le rythme de croissance des prix sur 12 mois restera pesant jusqu’en mai 2023, soit jusqu’au moment où la comparaison est faite avec les mois de forte hausse de 2022. Après cette période, le rythme ralentira, pour une raison purement technique.

À ce phénomène s’ajoutent de bonnes nouvelles venant de la chaîne d’approvisionnement, entre autres.

« Les abondants stocks en amont, la forte baisse des coûts du transport de marchandises, les baisses de prix des producteurs chinois et le ralentissement de l’économie mondiale laissent entrevoir une accalmie du côté de l’inflation des prix des biens », écrit la Banque Nationale dans son analyse du 18 novembre.

« Du côté des services, ajoute l’analyse, le retour à des niveaux d’inflation plus acceptables pourrait être plus lent, mais il y a des raisons de croire que le marché du travail s’assouplira dans un contexte de croissance faible, contribuant à une réduction des pressions à la hausse des salaires. »

Consultez le document de la Banque Nationale

Si la tendance se maintient, donc, la Banque Nationale estime que la croissance des prix chutera même à 1,9 % au 4e trimestre de 2023 (comparé au 4e trimestre de 2022). La médiane des économistes sondée par l’agence Bloomberg est à 2,4 % et la Banque du Canada, de son côté, juge que le même taux avoisinera plutôt les 2,8 %.

Bref, les économistes prévoient presque tous qu’on sera revenu à la fourchette exigée par la Banque du Canada à la fin de 2023, soit un taux d’inflation de 1 à 3 %.

Croisons les doigts pour que d’autres éléments ne viennent pas nuire indûment à cette tendance ou mieux, que d’autres facteurs viennent aider, comme un éventuel processus de paix en Ukraine.

1. Ou plus précisément, « la variation de prix se situant au 50e centile de la distribution des variations de prix au cours d’un mois donné, pondérées selon les poids des composantes du panier de l’IPC », selon la définition de la Banque du Canada.