Pour découvrir les nouveaux aliments qui pourraient se retrouver dans notre assiette, le Salon international de l’alimentation (SIAL) est un incontournable. Cette semaine, l’évènement avait lieu à Paris, et les visiteurs ont pu y voir une flopée d’imitations végétales. Des imitations de viande, de produits laitiers, de poissons.

Pensez-vous que les Français vont se convertir au foie gras végétalien à base de noix de cajou ?

C’était l’un des 500 nouveaux aliments présentés par l’industrie. Sur environ 2000. La proportion est significative.

Il y a eu « les années du sans-gluten, puis celles du bio », a rappelé le directeur général du SIAL, Nicolas Trentesaux, au journal Le Monde. Cette année, le « fait marquant », a-t-il ajouté, était à l’évidence « l’explosion de l’offre végétale ».

De ce côté-ci de l’Atlantique, l’engouement pour la fausse viande s’est nettement estompé. Après une hausse modérée des ventes en 2021, cette catégorie a stagné en 2022. Les analystes y voient une preuve que le marché pourrait avoir atteint un sommet.

Deux sociétés de services financiers, Deloitte et UBS, ont récemment publié des rapports qui tentent d’expliquer la perte d’appétit des consommateurs pour le faux bœuf haché et les fausses croquettes de poulet.

Selon UBS, c’est d’abord et avant tout un problème de goût. Près de 6 personnes sur 10 ne veulent pas essayer la viande végétale de peur que ce ne soit mauvais. Le goût est aussi la principale raison pour laquelle les consommateurs n’en rachètent pas, après l’avoir testé.

C’est tout un défi pour l’industrie. On mange pour rester en vie, mais surtout pour le plaisir. Pour se décider à mettre des aliments dans notre panier d’épicerie, au prix qu’ils sont rendus, il faut les aimer. Il faut s’imaginer les déguster dans le plaisir. Je veux bien me pincer le nez et avaler l’horrible sirop Buckley, car j’y vois des avantages. Dans le cas de la fausse viande, les vertus sont moins évidentes.

D’ailleurs, la prétention selon laquelle la protéine végétale est meilleure pour la santé que la viande est de moins en moins crue. Le changement est notable. L’an dernier, 68 % de ceux qui ont acheté de la similiviande estimaient que c’était meilleur pour leur corps. Cette année, la proportion est tombée à 60 %, écrit Deloitte.

Autre frein à l’achat pour 37 % des personnes sondées par UBS en Europe et aux États-Unis : il s’agit d’un produit transformé.

C’est vrai que cet aliment contient une longue liste d’ingrédients, ce que les nutritionnistes déconseillent généralement. En comparant les galettes de bœuf et de protéines végétales, UBS a constaté qu’elles étaient similaires en matière de calories, de gras (même saturé) et de protéines. Celles cuisinées en usine contiennent beaucoup de sodium.

La fausse viande ne contient toutefois aucun muscle d’animal. Et ça, c’est son argument le plus convaincant. Son atout numéro un, disent ses adeptes. Pas de cruauté. Une empreinte écologique moindre. Ce n’est pas négligeable en pleine crise climatique.

Et l’inflation, dans tout ça ? Au Canada, le prix de la vraie viande a bondi de 7,6 % depuis un an au pays. Mais il s’avère que ses équivalents végétaux sont encore plus chers. En avril, un rapport de la faculté de l’agriculture de l’Université Dalhousie évaluait que l’écart de prix était de 38 % en faveur de la viande.

« C’est un territoire compliqué, car la majorité des produits végétaux sont des copies. Ils veulent ressembler à des produits carnés ou laitiers, mais n’en sont pas. Il y a une ambiguïté dans cette offre de produits ultra-transformés, avec des listes d’ingrédients complexes, des prix assez élevés, alors que le consommateur veut du vrai », a bien résumé le patron du SIAL au journaliste du Monde.

Aux États-Unis, une couche de complexité s’ajoute dans l’équation : pour certaines personnes, la viande à base de plantes est considérée comme… woke !

Ce n’est pas une blague.

Deloitte évoque même de la « résistance culturelle » aux protéines végétales à cause de leur réputation woke, ce qui peut nuire aux ventes des entreprises manufacturières. L’« insulte » a d’ailleurs été lancée cet été à la chaîne de restaurants Cracker Barrel après qu’elle eut ajouté de la similisaucisse à son menu.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE CRACKER BARREL

Similisaucisse servie par Cracker Barrel

En réaction au flot de critiques acerbes sur les réseaux sociaux, la rédactrice en chef de CNN Business a écrit un texte coiffé du titre : « Come on, America. Food isn’t “woke” », qu’on pourrait traduire par « Soyez sérieux deux secondes, mes compatriotes, les aliments n’ont pas d’idéologie ».

Au pays des steakhouses et des ribeyes de 36 onces, même les végétaux alimentent les guerres culturelles.