Le début de la pandémie a cruellement touché l’industrie agroalimentaire, mais le marché post-COVID donnera du fil à retordre à plusieurs de nos entreprises.

De nombreuses entreprises écopent d’un changement violent des tendances de consommation ces temps-ci. Depuis la « fin psychologique » de la pandémie, le marché s’est complètement domestiqué. Nous nous adaptons tranquillement à de nouvelles coutumes et à un nouvel équilibre entre nos obligations professionnelles et notre vie personnelle. Au milieu de tout cela se retrouve la bouffe ou, pour ainsi dire, notre relation avec la bouffe.

Prenons l’exemple de l’entreprise québécoise Marché Goodfood. En 2020 et 2021, l’entreprise enregistrait des profits pour le première fois, le nombre de ses abonnés explosait et son action valait au-delà de 13 $. Le marché des trousses-repas valait environ 1,5 milliard de dollars au Canada.

Les gens recherchaient des solutions repas pour la maison, en plein confinement. Le marché virtuel alimentaire restait encore sous-développé puisque le principal modèle d’affaires du secteur agroalimentaire reposait depuis des décennies sur la volonté d’inviter les consommateurs à vivre une expérience unique, que ce soit au magasin ou au restaurant. Les restaurants et les fournisseurs de trousses-repas avaient le monopole sur l’internet.

Aujourd’hui, à peine 12 mois plus tard, l’action de Marché Goodfood se négocie autour de 0,60 $ et le marché des trousses-repas s’est écroulé, ne valant guère plus de 700 millions de dollars au Canada, moins de la moitié qu’en 2021.

Avec l’inflation alimentaire et moins d’argent dans les poches du consommateur, chaque dollar alimentaire compte. Les trousses-repas, cette formule « IKEA » en alimentation qui permet « d’assembler des ingrédients » à la maison, doivent se réinventer ou bien s’ajuster à un nouveau marché.

Les options offertes en ligne se multiplient pratiquement chaque mois. Dans la majorité des marchés au Canada, quelqu’un peut vous livrer des produits alimentaires en 60 minutes, et même dans certains cas en 15 minutes. Les attentes ont changé énormément et nos habitudes aussi. Aux États-Unis, 16 % des ventes alimentaires s’effectuent dorénavant en ligne. Avant la pandémie, cette proportion frôlait à peine 7 %. Au Canada, nous estimons que la proportion est passée de 1,7 % à 8 % en deux ans. Un bond spectaculaire.

Le service auprès des consommateurs se transforme et les produits qu’ils consomment changent aussi. Le crabe des neiges et le homard constituent de bons exemples. Le prix des deux produits de la mer les plus convoités au Canada s’effondre cette année alors que les consommateurs reculent devant l’effet de la hausse de l’inflation et du fait qu’ils passent plus de temps à la maison.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le prix du homard a dégringolé d’environ 35 %.

Le prix du crabe des neiges a chuté en 2022 d’un peu plus de 60 % et celui du homard a dégringolé d’environ 35 %, tandis qu’en 2021, c’était la manne.

Les ventes de crabe et de homard atteignaient alors 2,5 milliards de dollars, un record. Les consommateurs s’accrochaient à recréer une expérience de resto à la maison durant le confinement. Voilà tout un revirement qui s’observe partout, pas seulement au Canada.

L’incertitude financière mondiale précipitée par l’invasion russe de l’Ukraine, la fin des plans de relance économique liés à la COVID-19 en Occident et la hausse des taux d’intérêt incitent les consommateurs à rayer les fruits de mer à prix élevé de leurs listes d’épicerie. Il y avait trop d’argent au sein de l’économie pour trop longtemps et l’emprunt d’argent était presque gratuit pendant plus d’une décennie. Les jeunes générations devront composer avec la valeur de l’argent et du crédit, possiblement pour la première fois de leur vie.

Plusieurs produits qui se consommaient au restaurant, comme le crabe des neiges, sont maintenant boudés par un marché qui traite les restos différemment, soit en raison de l’inflation, soit parce que la clientèle adopte de nouvelles habitudes de vie plus ménagères.

Nous nous attendons à ce que d’autres entreprises subissent les contrecoups d’un marché en transition. L’après-COVID sera aussi brutal que le début de la pandémie, mais les changements entraîneront des répercussions pendant plusieurs années.

Peu de gens savent quelle allure prendra l’industrie alimentaire d’ici quelques années. Mais attendez-vous à voir d’autres victimes comme Goodfood, le crabe et le homard… les périls d’un marché post-COVID.