Non, tout le monde n’a pas le sentiment de payer trop d’impôts. Mais le gouvernement a encore du travail à faire pour nous convaincre que le montant qu’il nous facture pour les services publics est adéquat.

Un peu plus de la moitié des Québécois, soit 53 %, jugent que leur fardeau fiscal est trop élevé.

Est-ce peu, est-ce beaucoup ? C’est là que ça devient intéressant. Car tout est relatif dans la vie.

La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke s’intéresse à ces questions depuis 2005. Au fil des ans, elle a sondé les Québécois sur leurs perceptions face aux impôts à sept reprises. Les résultats de sa plus récente analyse ont été dévoilés vendredi.

On y constate que le taux d’insatisfaction face à la facture fiscale n’a jamais été aussi faible, si on exclut l’année atypique que fut 2020 en raison de la pandémie. Voilà qui met les 53 % en perspective.

Ce n’est pas évident de déterminer ce qui change la perception collective du prix qu’on nous facture pour les hôpitaux, les routes, l’éducation et tout le reste.

Les auteurs conviennent qu’on ne peut pas dissocier les résultats obtenus de ce qui se passe dans l’actualité, ce qui « rend l’analyse plus complexe ». Le sommet de l’insatisfaction (70 %), soulignent-ils, coïncide avec la commission Charbonneau et une hausse de la TVQ. Tandis que le taux le plus faible (44 %) a été enregistré au printemps 2020, moment marqué par un « très haut niveau d’intervention gouvernementale ».

Cette année, le sondage a été réalisé peu après l’annonce d’une prestation spéciale de 500 $ pour pallier la hausse du coût de la vie.

Mais quand on prend un pas de recul, on voit bien que la tendance générale est à la baisse. Que les insatisfaits sont de moins en moins nombreux.

Comme si on prenait davantage conscience que l’argent ne tombe pas du ciel pour assurer le maintien de tous ces services auxquels on tient.

Peut-être parce qu’on a beaucoup entendu parler ces dernières années des avantages financiers du modèle québécois. Je pense notamment aux CPE qu’Ottawa veut implanter dans les autres provinces. Peut-être, aussi, que les gros scandales de corruption qui alimentaient le sentiment que nos fonds publics étaient mal gérés sont déjà rendus loin dans notre mémoire…

Il y a aussi l’effet de la pandémie. On sait tous que les mesures d’aide (aux individus et aux entreprises), les vaccins et les soins ont coûté très cher au gouvernement. Au Québec, la facture s’est élevée à 24 milliards, dont 15 milliards pour la santé.

Après la comparaison avec nous-mêmes dans le temps, il est intéressant de voir quelle est la perception des habitants d’autres pays dont le fardeau fiscal est semblable au nôtre. C’est le cas de la Grèce et des Pays-Bas.

Ont-ils l’impression que leurs impôts leur en donnent pour leur argent ? La réponse est un gros non pour les Grecs et un oui franc pour les Néerlandais. « Ils sont aux extrêmes ! », résume le titulaire de la CFFP, Luc Godbout.

En d’autres mots, l’ampleur du fardeau fiscal ne permet aucunement de faire des prédictions sur la perception des contribuables.

D’ailleurs, dans certains pays où les impôts sont très élevés, comme le Danemark et la Belgique, le sentiment de payer une facture juste en fonction des services reçus est très élevé. Un fardeau fiscal élevé n’est pas forcément synonyme de frustration, résume Luc Godbout. Tout est relatif…

Ainsi, même si les Québécois se font répéter qu’ils sont les plus taxés en Amérique du Nord, leur niveau de satisfaction est supérieur à celui observé dans la plupart des 25 pays de l’OCDE. Mais il est plus faible qu’au Canada et aux États-Unis.

L’étude de la CFFP nous apprend un autre fait étonnant : une majorité de Québécois serait prête à donner encore plus d’argent au gouvernement !

La question était la suivante : seriez-vous favorable à une hausse de la TVQ si les recettes servaient à des fins spécifiques ?

Pour la santé, 70 % des femmes répondent oui, ce qui se compare à 61 % du côté des hommes. Les chercheurs qualifient l’écart de « significatif ». Idem en éducation, puisque 62 % des femmes accepteraient une hausse de TVQ pour améliorer les services, contre 54 % des hommes.

Et si on augmentait la taxe de vente pour réduire l’impôt des particuliers ? Tout près de 6 personnes sur 10 y seraient favorables. Cette fois, l’écart est marqué entre les travailleurs (60 %) et les retraités (49 %).

Le coauteur, économiste et chercheur en fiscalité Antoine Genest-Grégoire qualifie ces pourcentages élevés en faveur d’une hausse de taxe de « paradoxe » dans le contexte où plus de la moitié des Québécois trouve déjà son fardeau fiscal trop élevé. Mais c’est un paradoxe qui en dit long sur les valeurs de notre société distincte.

Consultez l’étude La relation paradoxale des Québécois face au fardeau fiscal