Si l’investissement responsable suscite votre intérêt, n’attendez surtout pas que votre conseiller financier aborde le sujet avec vous en profondeur. Car vous risquez de ne jamais détenir de fonds communs ou d’actions respectant les principes qui vous sont chers.

Même si les médias ont publié un nombre incalculable de textes sur les investissements responsables et les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), force est de constater que l’information ne se rend pas toujours où elle devrait.

Un sondage réalisé par Léger pour ÉducÉpargne dont les résultats seront dévoilés ce lundi révèle que 65 % des Québécois qui confient leur argent à un professionnel des finances ne l’ont jamais entendu parler du sujet. Pire, seulement 9 % ont eu droit à des explications dignes de ce nom. Alors que les changements climatiques inquiètent et que les valeurs de saine gouvernance sont au cœur des préoccupations, c’est assez troublant.

Chez ÉducÉpargne, un OBNL voué à l’éducation financière des Québécois, le directeur général Louis-Alexandre Lacoste convient qu’il y a « beaucoup d’efforts à faire » du côté des institutions financières pour mieux informer les épargnants. « J’ai l’impression que ceux qui s’occupent d’investissement responsable ne sont pas nécessairement en contact direct avec les clients », dit-il.

Éviter le sujet provoque un cercle vicieux. Moins les conseillers parlent d’investissement responsable, moins leurs clients développent de l’intérêt et de la curiosité pour la chose. À la limite, le manque d’enthousiasme et d’efforts de promotion peut même provoquer la méfiance.

Le silence est d’autant plus regrettable que 53 % des travailleurs québécois se disent très (11 %) ou assez (42 %) intéressés par les stratégies et les produits d’investissement responsable, selon ÉducÉpargne. Cela fait beaucoup de monde qui reste sur son appétit au moment d’investir.

Les professionnels justifient principalement leur manque d’aisance par un déficit d’information, a révélé un rapport de l’Association pour l’investissement responsable (AIR) publié en début d’année. La raison « Je n’y connais pas grand-chose » a été choisie par 70 % des conseillers.

La très vaste majorité ont raison d’éviter le sujet. Imaginez, parmi les 539 conseillers ayant participé à l’étude au Canada, seulement 32 (6 %) ont été capables d’identifier correctement, parmi dix énoncés sur l’investissement responsable, les trois qui étaient exacts.

« De plus, certains conseillers semblent surestimer leurs connaissances, car près du cinquième des conseillers qui ont affirmé avoir un excellent ou très bon niveau de connaissance sur l’IR n’ont pas correctement identifié l’une des trois affirmations vraies », relate l’AIR. Ce n’est pas rassurant.

Les conseillers interrogés ont aussi exprimé un certain niveau de préoccupation concernant l’écoblanchiment (greenwashing), l’absence de normes, la performance financière, la qualité des produits offerts, l’absence de certification des fonds, etc. Il faut admettre que ce sont des questions très légitimes.

Reste que « 50 % des investisseurs ne reçoivent pas les informations qu’ils aimeraient que leurs conseillers leur donnent », calcule l’AIR.

Le sondage d’ÉducÉpargne révèle aussi d’importantes disparités quant à l’intérêt des Québécois pour les produits financiers et les stratégies d’investissement respectant les critères ESG.

Dans la région de Montréal, 63 % des répondants voudraient en apprendre davantage sur le sujet. Le taux dégringole à 34 % dans la région de Québec. Tout un écart.

« Ce sont particulièrement les répondants ayant un diplôme universitaire, une langue maternelle autre que le français et n’étant pas nés au Canada qui ont un intérêt significativement plus élevé pour les investissements responsables. Ces profils de personnes résident davantage à Montréal », explique Roxanne Bazinet, directrice de recherche chez Léger.

Quant au sigle ESG, il aurait grandement besoin d’une publicité virale pour accroître sa notoriété.

Moins d’une personne sur quatre (23 %) est capable d’identifier la signification des trois lettres, même quand des choix de réponses sont fournis ! Et 40 % des répondants n’ont même pas osé sélectionner une réponse. Ces chiffres démontrent qu’il reste beaucoup de chemin à faire pour que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance fassent naturellement partie des conversations.

La question des rendements générés par les produits d’investissement responsable doit aussi être clarifiée une fois pour toutes. Grosso modo, la moitié des Québécois croient que les investissements responsables rapportent autant ou plus.

L’autre moitié croit l’inverse ou ignore la réponse. Les avis sont très partagés. Pourtant, les études concluent depuis des années que la prise en compte des facteurs ESG a un impact neutre ou positif sur les rendements.

J’en conviens, sortir l’armement, le pétrole, le tabac ou la pornographie de son REER est loin d’être évident. Mais des efforts sont faits pour simplifier la vie des épargnants. Desjardins, par exemple, a résumé sa politique et son approche pour créer ses fonds communs responsables sur cinq petites pages.

Du côté d’ÉducÉpargne, on tiendra un webinaire sur la question le 23 septembre qui, promet-on, permettra à tout le monde de comprendre et de poser ensuite les bonnes questions. Mais encore faut-il obtenir les bonnes réponses.

Consultez le site d’inscription au webinaire d’ÉducÉpargne Consultez les conseils de l’AMF sur l’investissement responsable Consultez l’étude de l’Association pour l’investissement responsable sur le point de vue des conseillers financiers