Depuis trois mois, il n’est certainement pas reposant de consulter en direct les cotes des grands indices boursiers. Parce que c’est le rouge qui, la plupart du temps, caractérise le comportement quotidien des indices et le mouvement semble n’aller qu’en s’accélérant, comme en témoigne celui de l’indice S&P 500 qui est entré lundi en mode correction en ayant cumulé une dévalorisation de plus de 20 % depuis le début de l’année.

La journée de lundi a encore été fortement animée sur l’ensemble des marchés boursiers de la planète et elle a surtout été lourdement teintée de rouge, un rouge hémorragique, comme si les dernières statistiques sur l’inflation aux États-Unis avaient sonné l’alerte et provoqué une prise de conscience universelle que la situation est encore loin d’être maîtrisée et qu’elle risque même plutôt de s’aggraver.

Mince consolation, malgré le fort recul de 2,6 % du S&P/TSX de lundi, le marché canadien des actions n’a pas encore subi une dévalorisation d’aussi grande amplitude que celle enregistrée par les Bourses américaines ou européennes depuis le début de l’année.

On n’est peut-être pas entré en « bear market », mais le marché canadien est maintenant officiellement entré en correction, puisqu’il a perdu plus de 10 % de sa valeur depuis l’atteinte de son sommet en début d’année, ce qui n’est pas non plus un mode très festif. Ça sent aussi un peu la déprime chez nous.

En de pareilles circonstances, il est bon de rappeler que les corrections de marché, indépendamment de leur virulence et de leur durée, font partie des cycles de vie de l’investissement boursier. Quand les marchés se mettent à évoluer à reculons et ne donnent aucun signe de vouloir bientôt changer de direction, on a spontanément le réflexe de vouloir sortir à tout prix de cet engrenage infernal et anxiogène.

L’histoire nous apprend toutefois que l’attentisme est toujours plus payant à moyen et à long terme, comme nous le signalent les nombreux épisodes de correction boursière qui sont survenus au cours des 75 dernières années.

Lundi, l’agence financière Reuters rappelait que de 1946 à aujourd’hui, l’indice S&P 500 a traversé 13 marchés baissiers et a enregistré des pertes moyennes de 32,7 %, ce qui inclut la chute brutale de 57 % lors de la crise financière de 2007-2009.

En moyenne, l’indice atteint son niveau plancher un an après avoir officiellement été déclaré en mode baissier (après avoir cumulé une perte de 20 %). Historiquement, il faut deux ans à l’indice pour retrouver le sommet d’où il était parti.

Le dernier marché baissier du S&P 500 a duré un mois seulement entre février et mars 2020 lors du déclenchement de la pandémie alors que le marché baissier le plus long aura duré 69 mois entre l’atteinte du creux et le retour au sommet, lors du marché baissier de 2000 à 2003.

Les dangers de la synchronicité

Beaucoup d’investisseurs ont encore le réflexe de vouloir vendre leurs positions ou même leurs fonds d’actions dès que leur portefeuille enregistre une perte de valorisation trop importante à leurs yeux.

L’idée étant de sauver ce qu’il reste plutôt que de continuer à vivre le supplice d’assister impuissant à la détérioration de ses économies. Plusieurs prévoient de revenir rapidement dans le marché quand celui-ci reprendra sa pente ascendante.

Un beau risque, mais pas très payant. Chercher à vouloir profiter de ce qu’on appelle l’effet de prix, en vendant quand le marché recule et en rachetant quand le marché est en hausse, est en fait la démarche inverse de celle qu’un investisseur est censé adopter.

« Il faut acheter quand les prix sont bas et vendre quand ils sont hauts. On ne peut se battre contre les fluctuations et les risques du marché. Quand le marché recule, on attend et on rachète à bas prix pour revendre les titres quand leur valeur remonte », m’a rappelé de façon très basique Neil Cunningham, PDG d’Investissements PSP, qui gère des actifs de 230 milliards pour les régimes de retraite des employés fédéraux.

L’idée est de se fixer des objectifs à moyen et à long terme pour obtenir des rendements sur 5 ans et 10 ans qui tiennent compte des hauts et des bas des marchés boursiers.

Personne n’aime voir les voyants rouges s’allumer, personne n’aime faire la lecture de ses relevés de placements pour constater les trous qui, soudainement, apparaissent dans les économies d’une vie. Mais ceux qui savent et qui sont capables de tolérer ces épisodes cycliques vont se rendre compte cinq ans plus tard que cela valait le coup d’être patient et de ne pas succomber au réflexe de tout brader.