Au Québec, critiquer la Caisse de dépôt est un sport national. On l’accuse d’être politisée, de trop payer ses dirigeants, de prendre de mauvaises décisions de placements, de s’aventurer hors de ses champs de compétences comme pour le REM, etc.

Mais au moment où une guerre effroyable est déclenchée, jumelée à une pandémie qui n’en finit plus, au moment où la désinformation et l’insécurité règnent, il est bon de se rappeler à quel point nous avons des institutions solides, comme la Caisse de dépôt, qui inspirent confiance, ce qui relativise les critiques.

Les fonds de la Caisse de dépôt – nos fonds – s’élèvent maintenant à 420 milliards de dollars. C’est deux fois la dette du gouvernement du Québec. Autant que la production de toute l’économie du Québec pendant un an. Plus de 40 fois l’investissement total envisagé pour le REM de l’Est1.

La Caisse, avec la cote de crédit la plus élevée possible (AAA), est tout à fait capable d’affronter n’importe quelle tempête économique, provoquée par un virus, une guerre ou autre chose. Ses résultats de 2021, comme ceux à long terme, témoignent de sa bonne gestion relative.

Sur 10 ans, son rendement annuel moyen est de 9,6 %, au-dessus de son indice de référence (8,9 %). Et cette année, elle a su faire nettement mieux, avec 13,5 % de rendement, que l’indice auquel elle doit se comparer (10,7 %).

La Caisse n’est pas parfaite, tant s’en faut, mais nos fonds sont gérés par des gens de bonne foi, qui prennent en compte les exigences et valeurs des Québécois dans leurs décisions, comme l’environnement, le développement économique local, la diversité, etc.

On est loin du régime de la Russie et de son chef, Vladimir Poutine, qui prétend faussement que l’Ukraine participe à un génocide des populations russophones et qu’elle s’est « nazifiée ».

Avec l’invasion illégale de l’Ukraine, on comprend mieux pourquoi, ces dernières années, des cellules associées au pouvoir russe ont cherché à déstabiliser les démocraties occidentales, notamment les États-Unis, pourquoi se sont multipliées les cyberattaques et stratégies russes de désinformation sur les réseaux sociaux. L’objectif était d’affaiblir les opposants aux intentions russes.

Et aujourd’hui, justement, il y a peu de leaders forts dans le monde pour s’opposer à Poutine. L’inébranlable Angela Merkel est partie, remplacée par un dirigeant allemand peu charismatique. Joe Biden est perçu comme vieux, peu énergique. Emmanuel Macron et Boris Johnson ont des leaderships mitigés, voire contestés. On est loin de Winston Churchill.

Il y a bien Xi Jinping, de la Chine, mais l’empire du Milieu est plutôt vu comme un allié de la Russie, ou du moins comme un acteur qui se gardera de trop intervenir. La position de la Chine face à l’invasion est d’ailleurs tout en retenue.

Ces hostilités à 7000 km de Montréal auront une incidence sur l’économie locale et mondiale et, par ricochet, sur les rendements de la Caisse de dépôt, dont les fonds sont investis partout dans le monde.

La Russie et l’Ukraine sont des acteurs somme toute mineurs sur l’échiquier économique mondial, loin de la Chine manufacturière. Néanmoins, les économistes s’entendent pour dire que le conflit pourrait faire monter le prix mondial de l’énergie et de certaines denrées, notamment alimentaires (voir l’écran suivant).

Cette nouvelle pression sur les prix, déjà en forte hausse en raison des problèmes des chaînes d’approvisionnement causés par la COVID-19, compliquera la tâche des banques centrales, qui veulent hausser les taux d’intérêt.

Et on ne sait rien encore sur la durée du conflit, sur ses effets sur le reste de la région et sur les intentions de Poutine pour la suite des choses.

Selon une analyse économique du Mouvement Desjardins, « si le conflit ukrainien s’aggrave, on peut anticiper une nouvelle contraction de l’économie européenne. […] Aux États-Unis et au Canada, nous pourrions voir un effet négatif sur la consommation en raison de la volatilité des marchés, des risques inflationnistes supplémentaires et de la perte de confiance des consommateurs ».

Selon le PDG de la Caisse, Charles Emond, le conflit est un signe tangible des changements dans l’ordre politique mondial.

« On se déplace depuis quelques années vers un environnement géopolitique extrêmement complexe, volatil, incertain, ambigu. C’est une espèce de récession géopolitique, un déplacement des plaques tectoniques. Les conséquences économiques vont être durables, même au-delà du conflit, et à la Caisse, il faut se positionner en conséquence », a répondu Charles Emond à ma question.

Dit autrement, le contexte incite la Caisse à être encore plus prudente dans sa gestion des fonds, à réduire ses risques, ce qui, inévitablement, pourrait avoir une incidence sur ses rendements.

Un virus et maintenant une guerre, misère. Qui aurait pu prédire que nos sociétés et nos économies auraient été aussi malmenées en si peu de temps ? Il faut encore s’estimer heureux d’être de ce côté-ci de l’Atlantique. Et il faudra garder notre sang-froid au cours des prochains mois.

Jeu de prédictions

Un petit mot sur le concours de La Presse Affaires auprès des membres de l’équipe, que j’organise chaque année. Les journalistes de la section devaient tenter d’estimer, mercredi, le rendement qu’obtiendrait la Caisse de dépôt en 2021, qui s’est avéré être de 13,5 %.

Sur les 14 participants, les rendements prévus allaient de 5 % à 17,4 %, avec une moyenne de 9,3 %. Deux gagnants sont arrivés ex æquo, avec un écart de 0,5 point avec le rendement de la Caisse, soit André Dubuc (13 %) et… Francis Vailles (14 %). Pour les sceptiques, sachez que j’avais dévoilé aux autres ma propre prévision la veille au soir…

1. Précisons que les actifs de la Caisse de dépôt appartiennent aux déposants et non au gouvernement du Québec. Les déposants sont, ultimement, les employés du gouvernement (enseignants, infirmières, fonctionnaires, cadres etc.), via le RREGOP et le RRPE, de même que les employés de la construction, ainsi que Retraite Québec (tous les travailleurs du Québec) et d’autres déposants (Fonds des générations, fonds de la santé et de la sécurité, etc).