Comptant, débit, crédit, PayPal, et maintenant les versements égaux. Depuis un an, la popularité de ce mode de paiement a explosé auprès des détaillants de vêtements. Et la tendance pourrait bien s’accélérer avec l’arrivée officielle au Canada ces jours-ci de la plateforme suédoise Klarna.

Popularisée par les magasins de meubles, la formule « Achetez maintenant, payez plus tard » se transforme et s’étend à d’autres types de commerces. Mais pas nécessairement ceux qu’on aurait imaginés.

D’ici la fin de l’année, 40 % des détaillants de vêtements du Canada offriront la possibilité à leurs clients de payer leurs achats en plusieurs versements, prévoit Randy Harris, président de Trendex North America, une firme d’experts dans le secteur du vêtement. « Cette option gagne du terrain très vite. Depuis un an, c’est passé d’un avantage concurrentiel à une nécessité », m’a-t-il dit.

Lululemon, Rudsak, Dynamite, Garage, Frank & Oak et Laura offrent déjà cette option. Des bijouteries et des boutiques de produits de beauté ont également emboîté le pas. Eh oui ! on peut s’acheter un rouge à lèvres en quatre versements égaux !

Pour les commerçants, ça ne représente que des avantages, fait valoir Randy Harris. Le principal : une hausse des ventes auprès des utilisateurs. Pourquoi un client se priverait-il d’un second chandail quand sa facture ne s’élève, sur le coup, qu’à 35 $ ?

En plus, c’est un jeu d’enfant… gratuit. Il suffit de choisir l’option des versements égaux – offerte le plus souvent par Afterpay, Easypay, PayBright ou Sezzle –, et le tour est joué.

Centre commercial virtuel

Voilà qu’un nouvel acteur débarque au pays avec une offre peaufinée depuis 2005. Pour le consommateur, Klarna est un centre commercial virtuel regroupant des marques connues (Canada Goose, Harry Rosen, Sephora, Nike, Game Stop) où l’on peut payer tous ses achats à tempérament.

Mais officiellement, c’est « l’une des plus grandes banques européennes ». La licorne est d’ailleurs la fintech la plus valorisée d’Europe, et la deuxième au monde (58 milliards de dollars) après Stripe, des États-Unis. Présente dans 20 pays, Klarna traite 2 millions de transactions par jour et compte 5000 employés.

Au Canada, l’entreprise souhaite embaucher 500 personnes qui travailleront à Toronto. Elle prévoit aussi s’implanter à Vancouver et au Québec « dans un avenir rapproché ».

Son site web et son application ont déjà été adaptés et traduits pour le marché québécois. Mais on n’y trouve aucun détaillant local.

Concrètement, on se rend sur l’application de Klarna ou sur son site web et on sélectionne un détaillant. Au moment de payer un achat, la facture est fractionnée en quatre. Le premier quart est porté illico sur sa carte de débit ou de crédit. Les trois autres seront débités automatiquement toutes les deux semaines. Si un paiement ne passe pas, il sera additionné au suivant sans frais. Lors d’un retour, il faut le mentionner à Klarna pour récupérer son dû, ce qui se fait « facilement », jure-t-on.

PHOTO FOURNIE PAR SEBASTIAN SIEMIATKOWSKI

Le cofondateur et PDG de Klarna, Sebastian Siemiatkowski

On peut avoir accès aux mêmes options en se rendant directement sur le site web de son commerce préféré.

Le système est « entièrement financé par les marchands », m’a expliqué le cofondateur et PDG, Sebastian Siemiatkowski, joint à Stockholm par vidéoconférence. Les frais demandés sont « similaires » à ceux qui seraient payés à Mastercard ou Visa. Mais cet argent procure un avantage apprécié des clients, fait-il valoir.

Plus sain que les cartes de crédit ?

Pour les consommateurs, c’est un moyen d’éviter des intérêts, plaide celui qui a fondé Klarna à 23 ans.

« Nous estimons que 16 milliards de dollars sont payés chaque année par les Canadiens en intérêts aux émetteurs de cartes de crédit. Nous voyons cela comme une énorme occasion d’offrir une meilleure alternative. Nous croyons que les gens devraient payer avec de l’argent qu’ils ont, mais à l’occasion, le crédit a du sens. Et quand c’est le cas, le paiement par versements est mieux que les cartes de crédit. »

Ce système de paiements étalés est particulièrement prisé par les jeunes. D’ailleurs, le client de Klarna a « 34 ou 35 ans », en moyenne. « C’est générationnel, il n’y a aucun doute là-dessus ! », lance Randy Harris.

Est-ce une bonne manière de gérer ses finances personnelles ?

La multiplication de petits paiements peut devenir dure à suivre, surtout pour un jeune qui fait ses premières armes avec le crédit. Et ces quarts de montants – 8 $ par-ci, 21 $ par-là – peuvent favoriser la surconsommation en donnant l’illusion de dépenser moins qu’en réalité.

En revanche, au bout de six semaines, si on a utilisé une carte de débit, le solde de sa dette sera effacé, et aucun intérêt n’aura été versé. Si les paiements passent sur une carte de crédit, c’est autre chose…

En novembre, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada nous apprenait que 42 % des adeptes des services « Achetez maintenant, payez plus tard » le font pour mieux budgétiser, 39 %, parce qu’ils n’ont pas les moyens de tout payer et 23 %, pour éviter les intérêts.

Pour Sebastian Siemiatkowski, il ne fait aucun doute que Klarna « offre un crédit plus sain, plus responsable et plus facile à comprendre », notamment en raison des dates fixes de remboursement.

En fait, ce n’est jamais le crédit, le problème, mais plutôt la façon dont il est utilisé.