Trouvez-vous qu’offrir un pendentif à diamants déniché sur le site du supermarché Maxi à côté du pain à l’ail, ça perd un peu de son romantisme ?

Je n’invente rien. Cet exemple n’est pas fictif. Le jour de la Saint-Valentin, alors que je fouinais sur le site de Maxi pour écrire cette chronique, son marketplace m’a suggéré l’achat de bijoux ornés de diamants présentés parmi divers aliments. Un cocktail pour le moins insolite !

Voilà qui n’allait pas me réconcilier avec le concept des places du marché, ces centres commerciaux virtuels mieux connus sous leur nom anglais marketplace. Je ne comprends pas vraiment l’intérêt d’acheter sur ces plateformes.

CAPTURE D’ÉCRAN

Produits offerts sur la place du marché (marketplace) sur le site internet de Maxi le 14 février dernier

Quand Best Buy a annoncé en 2015 que les produits d’autres entreprises seraient offerts sur son site, j’étais déjà perplexe. De quelle manière la sélection serait-elle faite ? Qui serait responsable de quoi ? Mais surtout : pourquoi se tourner vers un commerçant de produits électroniques pour du vernis à ongles, des meubles de terrasse ou des patins à roulettes ?

La popularité de Google Shopping y amène sans doute une bonne proportion des visiteurs. Et le nom Best Buy doit avoir un effet rassurant pour les consommateurs. Pour les prix, il faudrait faire une analyse exhaustive.

Ces dernières années, d’autres détaillants ont imité le pionnier Amazon : Walmart, Simons, Altitude Sports, La Baie et même les supermarchés Provigo et Maxi. Sur le site de ces deux supermarchés, la mention « marketplace, plus qu’en magasin » est bien visible sur la page d’accueil. Cette façon de présenter les choses a le mérite d’indiquer clairement aux consommateurs dans quel type d’environnement ils s’apprêtent à magasiner. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

Sur certains sites, c’est en lisant la description d’un article qu’on découvre qui en est le vrai vendeur. Ou pas.

C’est arrivé à une dame qui s’est procuré un déshumidificateur sur walmart.ca pour 159,99 $. « Une bonne affaire en apparence », m’écrit-elle. Mais vite, il est clair que le produit n’est pas conforme aux attentes : l’appareil est livré dans sa boîte de courrier. « Ça vous donne une idée de la grosseur ! »

Elle communique aussitôt avec Walmart. C’est alors qu’elle apprend qu’elle a fait affaire avec un tiers qu’elle doit contacter directement. « Pas de trouble, je passe aux actes. Mais c’est là que je découvre que le vendeur se situe en Chine. » Ce dernier refuse de produire un bon de retour et lui suggère d’offrir le déshumidificateur en cadeau puisque le coût d’expédition serait supérieur à la valeur du bien.

En tout, la femme raconte avoir eu 14 échanges avec Walmart. Tout ce temps est venu réduire la valeur de son « aubaine », il va sans dire ! Au bout du compte, grâce à son entêtement, elle a obtenu un remboursement.

Cette histoire nous démontre bien l’importance d’être vigilant lors de nos achats en ligne, même avec des marchands connus. Surtout quand le commerce électronique est nouveau dans notre vie.

Le plus gros problème avec ces centres commerciaux virtuels, c’est la latitude dont jouissent généralement les marchands pour la livraison, les retours et les remboursements. On ne peut plus toujours se fier à la réputation d’un détaillant-devenu-un-centre-commercial pour dormir tranquille.

Autrement dit, ce modèle d’affaires brouille les cartes.

D’ailleurs, Best Buy prend la peine d’afficher ce judicieux conseil sur son site pour protéger les clients : « Vérifiez la politique de retour du vendeur sur la page de produit, assurez-vous que l’article peut être retourné et vérifiez si cela implique des frais de retour. »

Car même si le détaillant d’électronique annonce la livraison gratuite sur les commandes de plus de 35 $, ce n’est pas universel. La facture atteint 75 $ lors de l’achat d’une poussette à 700 $ vendue par Bebelelo, par exemple. Ce vendeur offre l’expédition gratuite sur les commandes… supérieures à 5000 $ !

Mais il y a moyen de faire les choses autrement.

Prenez la Maison Simons. Sa place du marché baptisée Fabrique 1840 est remplie d’objets « choisis pour leur créativité et l’authenticité ». La sélection de vaisselle, bijoux et articles de décoration s’harmonise bien avec l’offre traditionnelle du détaillant de Québec. On y accède sans surprise en cliquant sur « artisans d’ici » et la politique standard de livraison et de retour de Simons est appliquée.

En entrevue avec La Presse, le président Peter Simons avait expliqué qu’il voulait mettre ses 10 ans d’expertise en commerce électronique au service des artisans pour qui c’est « très difficile, car le web est dominé par des plateformes mondiales ». Sa « solution symbiotique » s’avère un complément cohérent. Et l’expérience d’achat uniformisée est rassurante.

Reitmans se prépare à emboîter le pas l’automne prochain. L’entreprise montréalaise promet de proposer, dans son nouveau marché, des produits « soigneusement sélectionnés », comme des chaussures, des produits de beauté et des articles pour la maison. C’est bien parti, mais tout sera dans la manière d’exécuter l’idée.