Où trouve-t-on les étudiants les plus doués au Québec ? Oui, en médecine et à McGill, mais encore ? Et quelle cote R faut-il avoir pour être admis en informatique, en travail social ou en enseignement ? À un mois de la date limite des demandes d’admission, notre chroniqueur Francis Vailles fait le tour des cotes R exigées par les 7 plus grandes universités du Québec pour 16 programmes. Quelques surprises en vue…

Le sujet est une préoccupation majeure pour bien des cégépiens qui aspirent à fréquenter l’université. Non, ce ne sont plus les notes au bulletin qui comptent, mais la fameuse cote R, qui attribue à chaque cégépien une force relative par rapport à ses pairs de partout au Québec.

Et pour les programmes contingentés, c’est parfois à trois décimales après la virgule que l’admission se décide. En droit, par exemple, le dernier admis à l’Université de Montréal avait une cote R de 31,632 l’automne dernier…

« La cote R est source de beaucoup de préoccupations au cégep, d’anxiété de performance, surtout pour les programmes contingentés à l’université, comme la santé. Et la COVID a rendu la vie moins facile », constate Cathie Viger, conseillère en information scolaire et professionnelle du Collège Ahuntsic.

La cote de rendement collégial du Québec, ou cote R, est un système de classement unique au monde. Elle tient compte non seulement des résultats d’un élève dans chacun de ses cours au cégep, mais aussi de son écart avec la moyenne du groupe et encore, de la force du groupe 1. Ainsi, un élève moyen d’un groupe très fort n’est pas pour autant pénalisé quand il présente sa candidature dans les universités.

La cote R s’est raffinée au fil des ans, si bien qu’aujourd’hui, il est possible de connaître avec précision non seulement les universités aux profils les plus forts, mais également les programmes les plus relevés. La cote R globale des quelque 26 000 inscrits à chaque session d’automne en première année varie entre 15 et 35 dans la vaste majorité des cas 2.

De McGill à l’UQAM

Tel que prévu, c’est à l’Université McGill que les étudiants admis sont les plus forts. La cote R moyenne des cégépiens admis était de 32,2 à l’automne 2020, loin devant les quatre universités suivantes. La force des étudiants de McGill se vérifie aussi par la cote R des derniers admis aux programmes à l’automne 2021. Cette cote minimale exigée est la plus élevé dans 11 des 16 programmes comparés.

L’Université de Montréal se classe globalement deuxième, et les cotes minimales exigées sont souvent plus élevées qu’ailleurs en droit, en génie (Polytechnique), en administration (HEC) et en travail social.

Surprise, l’Université de Sherbrooke coiffe l’Université Laval au 3e rang et se montre généralement plus exigeante qu’ailleurs dans ses admissions en médecine, en sciences infirmières et en psychologie.

L’UQAM vient au dernier rang des sept universités comparées, bien qu’elle se démarque par la force relative de ses programmes de communications, de travail social et de droit.

À l’UQAM, la porte-parole Jenny Desrochers rappelle que « l’institution a été créée avec la mission de rendre accessibles les études universitaires. L’UQAM a toujours accueilli des étudiants au cheminement atypique, dont certains peuvent présenter une cote R plus basse ».

À l’Université Laval, l’écart entre les faibles et les forts est plus grand qu’ailleurs, si l’on compare la cote R moyenne de ses admis à la cote R minimale exigée des 16 programmes comparés. Dit autrement, l’institution admet certains étudiants plus faibles et elle semble donc donner la chance aux coureurs, une pratique que défend justement la direction 3.

Quelques éléments étonnants ressortent de la comparaison des programmes entre eux. La médecine et le droit trônent au sommet, soit, avec des cotes R moyennes respectives de 36,7 et 31,9, loin devant les 14 autres programmes comparés.

Mais dans les 5 positions qui suivent, j’ai été agréablement surpris de retrouver l’enseignement des mathématiques au secondaire, dont les admis ont une cote R moyenne de 29,2, ce qui est plus élevé qu’en génie civil (29) ! 4

Est-ce l’un des raisons de la force de nos élèves en maths au secondaire dans les examens internationaux (PISA) ?

En revanche, c’est dans ce programme de maths qu’on retrouve le plus grand écart entre les plus forts et les plus faibles (la cote des derniers admis avoisine 23). Situation semblable en sciences politiques.

À l’inverse, les programmes de droit, de sciences infirmières et de travail social sont ceux qui admettent les étudiants aux forces les plus semblables.

Enfin, sur les 16 programmes que votre humble chroniqueur économique a comparés, c’est celui des sciences économiques qui se classe dernier ! La cote R moyenne des admis est de 26,1, selon les données du Bureau de coopération universitaire, tout près du programme de sociologie (26,2).

Consolation : la cote des derniers admis en sciences économiques (autour de 23,5) est plus élevée qu’en histoire (20,9). Ouf !

Cela dit, la cote R n’est pas exempte de critiques. Des cégépiens peinent à comprendre pourquoi ils ont une mauvaise cote R pour un cours donné, alors qu’ils ont eu une bonne note au bulletin, me dit la conseillère Cathie Viger, du Collège Ahuntsic.

L’écart s’explique notamment par la faiblesse relative du groupe, mesurée par les résultats à l’école secondaire. Une bonne note d’un prof généreux dans un cégep dont les élèves sont faibles peut donc se traduire par une petite cote R lorsque comparée à celle de cégépiens d’ailleurs au Québec.

« J’ai bien confiance que la cote R est juste et équitable, mais c’est difficile à expliquer aux étudiants », me dit Mme Viger.

Autre élément : la cote R ne mesure pas l’intelligence, ni le jugement, mais le rendement scolaire. Ainsi, en médecine, en plus d’une forte cote R, les universités exigent la réussite du test CASper (jugement situationnel, communication, empathie, résilience, etc.). De telles qualités sont certainement requises dans d’autres disciplines, mais ne sont pas prises en compte dans l’admission, la plupart du temps.

Par ailleurs, la cote R aura tendance à inciter les élèves de cégep qui ciblent les programmes très contingentés à se dépasser davantage que les autres. Par conséquent, les étudiants des programmes non contingentés à l’université, par exemple la physique, ne seront pas nécessairement moins forts, dans l’absolu, si leur cote R moyenne est plus faible, m’explique Richard Guay, expert-conseil sur la cote R5.

Il reste que la cote R est un très bon instrument pour prédire la réussite à l’université, fait remarquer M. Guay. Et que le système de cote R, dont la première mouture est entrée en vigueur à l’automne 1996, a l’avantage de rendre l’admission à l’université plus équitable et efficace, surtout dans les programmes contingentés. Elle évite que des étudiants trop faibles soient admis ou que d’autres, forts, soient exclus.

Ailleurs, comme aux États-Unis et au Canada anglais, les universités font souvent passer des tests aux futurs étudiants pour s’assurer que les résultats du secondaire, difficiles à comparer entre les différents « high schools », sont bien représentatifs de leur force. Et tant pis pour les candidats qui sont malades ou nerveux le matin des tests…

Quant à l’anxiété de performance, Richard Guay juge qu’elle ne vient pas de la cote R à proprement parler, mais des exigences très élevées des programmes contingentés.

À ce commentaire, on pourrait ajouter les attentes élevées de bien des parents envers leurs enfants. Certains suivent leur cheminement à la loupe, avec des interventions au cégep, même si leur progéniture est devenue adulte, un phénomène qu’on ne voyait pas il y a 20 ans. Hum…

« Le plus important, dit Cathie Viger, c’est de choisir un programme qu’on aime et pour lequel on a du plaisir à étudier. »

Je dis le mot de Cambronne à tous les étudiants, dont le Québec a bien besoin pour continuer de grandir.

1- Cette force du groupe est basée sur les résultats des individus qui le composent aux examens ministériels de 4e secondaire (sciences, mathématiques, histoire et éducation à la citoyenneté) et de 5e secondaire (langue d’enseignement, langue seconde).

2- À titre purement indicatif, le Centre d’études collégiales en Charlevoix explique qu’une cote R entre 32 et 35 vaut pour des notes très supérieures à la moyenne, par exemple entre 85 % et 90 %. Une cote R entre 20 et 26 vaudrait pour des notes dans la moyenne, entre 65 % et 75 %.

3- Pour le confirmer, il faudrait avoir une statistique de dispersion des notes des étudiants (l’écart-type), mais le Bureau de coopération universitaire (BCI), l’organisme qui compile les données, n’a pu nous fournir cette information.

4- Notez que l’ensemble des admis aux diverses formations de génie des universités (civil, électrique, aéronautique, etc.) ont une cote R moyenne de 30,2.

5- La méthode pour établir la cote R a été légèrement modifiée en 2018 par rapport à celle en vigueur entre 1996 et 2017. Les modifications éliminent certains biais qui pénalisaient les élèves moins forts des groupes homogènes forts et les élèves plus forts des groupes hétérogènes faibles. L’ancienne méthode avantageait les élèves les plus forts des groupes homogènes forts et les élèves les plus faibles des groupes hétérogènes faibles. La nouvelle méthode fait augmenter la cote R moyenne de l’ensemble des admis de 1,1 point par rapport à l’ancienne méthode.

Portraits de programmes

Santé et services sociaux

Sherbrooke plus exigeante que McGill

On s’attendait à ce que l’Université McGill soit la plus exigeante en médecine, du moins pour ce qui est de la cote R minimale demandée pour être convoqué en entrevue. Or, c’est plutôt l’Université de Sherbrooke qui exige la plus haute cote R, à 34,7, contre 34,5 pour McGill. Les deux autres facultés suivent, à 33. Autre surprise : c’est McGill qui accepte les étudiants les moins forts dans le programme de travail social, avec une cote minimale exigée de 26, comparativement à 28,8 à l’Université de Montréal, la plus exigeante. En revanche, l’Université de Montréal accepte des cégépiens plus faibles qu’ailleurs en sciences infirmières (25,4).

Enseignement

Les futurs enseignants plus forts que prévu

L’accès au bac en enseignement est facile, davantage que pour les autres programmes. À l’Université de Sherbrooke, le dernier admis en enseignement du français avait une cote R de moins de 20 à l’automne 2021. Constat semblable à l’Université du Québec à Trois-Rivières (cote de 20 pour français et maths). Sur cette base, on peut penser que les futurs enseignants qui formeront nos enfants sont parmi les plus faibles des universités, paradoxalement. Or, la cote R moyenne des admis – plutôt que minimale – nous apprend que le niveau est plus relevé qu’attendu (29,2 en maths et 27,9 en français). Il semble donc y avoir un grand écart entre les très faibles et les très forts, surtout en maths. Les universités anglophones acceptent moins d’étudiants faibles. Et la cote R ne dit rien sur le talent en pédagogie…

Droit, génie, affaires et informatique

Des groupes disparates en génie et en informatique

En génie civil, l’École de technologie supérieure (ETS) et l’Université Laval acceptent des étudiants bien plus faibles qu’ailleurs (cotes R des derniers admis de 19,1 et 21,3). Les deux établissements se disent ainsi fidèles à leur mission de plus grande accessibilité (l’ETS mise sur les étudiants du DEC technique). En revanche, leurs admis ont en moyenne des cotes R de 25,8 et 28,8, plus proches des autres universités. En droit, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) est presque aussi exigeante (31) que l’UdeM (31,6) pour la cote minimale. Les deux sont devancés par McGill (32,6). Le bac en informatique semble avoir des étudiants très forts et très faibles. Au bac en administration, Concordia (27) talonne HEC Montréal (27,5) pour la cote R minimale exigée, derrière McGill (29,1).

Sciences sociales (10)

Étudiants moyens ou très faibles en sciences sociales

Les programmes de sciences sociales acceptent les étudiants les plus faibles des 16 programmes de bac analysés. À l’UQAM, les cotes R des derniers admis en sciences politiques, en histoire ou en sociologie sont en bas de 20. À l’Université Laval, le dernier admis en histoire avait une cote de 17,2 (l’avant-dernier est à 23,1). Pas étonnant que plus du quart des étudiants n’y obtiennent jamais leur bac. Le portrait change quand on prend la cote R moyenne des admis plutôt que minimale. C’est alors « sciences po » qui domine (28,1), devant le programme de communication (27,6), pour lequel l’UQAM se démarque. Et c’est le programme de sciences économiques qui a, en moyenne, les étudiants les plus faibles (26,1)…