Il s’appelle Les Trésors de la Fondation, et ce n’est pas seulement parce qu’il facilite le recrutement de médecins dans les Laurentides qu’il est spécial. Pour entrer dans ce magasin de vêtements, meubles et vaisselle d’occasion, il faut syntoniser 102,4 FM. Et attendre son tour.

L’affluence est telle qu’il a fallu trouver ce moyen à l’automne 2020 pour assurer un accès équitable aux clients. Comme dans une clinique médicale sans rendez-vous, on s’y présente et on prend un numéro. Mais au lieu d’attendre sur une chaise droite, on s’assoit dans son auto et on écoute la radio. Quand la musique s’arrête, tout le monde entend le numéro pigé au hasard.

« Avant qu’on fasse ça, les gens arrivaient à 5 heures du matin pour faire la file. Ça n’avait pas de bon sens ! », me raconte Daniel Desjardins, directeur général de la Fondation médicale des Laurentides et des Pays-d’en-Haut qui est propriétaire du magasin situé à Sainte-Agathe. Il faut dire que les clients n’y sont accueillis que deux jours par semaine, ce qui accentue le phénomène d’embouteillages. Et que les achats de biens usagés ont la cote.

PHOTO MICHEL GUERTIN, FOURNIE PAR LA FONDATION MÉDICALE

Daniel Desjardins, directeur général de la Fondation médicale des Laurentides et des Pays-d’en-Haut

Mais surtout, Daniel Desjardins et sa petite équipe ont pris les choses en main pour faire exploser le potentiel de leurs trésors. Les stratégies mises en place pour maximiser les ventes et les profits fonctionnent. Depuis son arrivée en poste il y a 6 ans, le chiffre d’affaires a été multiplié par 10. En 2021, malgré les quelque trois mois de fermeture décrétés par Québec, les ventes ont bondi de 35 %.

« Si on engendre de la richesse, on peut acheter de l’équipement médical », justifie ce passionné de gestion qui a été à la tête d’une chambre de commerce pendant 16 ans. C’est ainsi que la prospérité du magasin facilite le recrutement de médecins dans la région. Voyons comment.

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La Fondation médicale des Laurentides et des Pays-d’en-Haut a été créée avec l’objectif d’améliorer la santé et le bien-être des 80 000 résidants sur son territoire (32 municipalités). Et c’est par l’acquisition d’équipements médicaux qu’elle y arrive. Civière pour le transport des nouveau-nés, système de mammographie numérique, appareil moderne pour la prise de pression… tous ces appareils font une grande différence dans la vie des médecins, explique Daniel Desjardins. Au point d’attirer les professionnels.

« Un radiologiste, il ne viendra pas si tu n’as pas de scan. Même chose pour l’ophtalmologiste : il lui faut de l’équipement ! Les médecins décident où ils travaillent et ils veulent de l’équipement à la fine pointe. »

On se croirait dans La grande séduction version Laurentides…

La Fondation prend aussi soin des patients. C’est pourquoi elle fournit le WiFi gratuitement dans les aires communes des CHSLD sur son territoire. Cela permet aux aînés de voir leurs petits-enfants sur FaceTime. C’est la preuve, pour Daniel Desjardins, qu’il est possible d’offrir « un service différent », même en santé.

D’ailleurs, sa plus grande fierté est d’avoir réussi à sauver la clinique médicale de Sainte-Adèle, sur le point de fermer faute de relève. Pas moins de 15 000 patients se seraient retrouvés orphelins. En 2018, la Fondation a acheté l’immeuble, administré et équipé la clinique, en plus de recruter de nouveaux médecins. C’était la première fois, au Québec, qu’une fondation gérait une clinique, affirme son DG. Le bâtiment a été revendu à deux de ses jeunes médecins le mois dernier, avec un profit de 500 000 $.

En fin de compte, les profits du magasin ont prospéré !

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Les Trésors de la Fondation n’est pas la seule source de revenus de l’organisme, qui recueille les dons de diverses manières. Mais son apport est majeur. D’abord parce que ses profits permettent de payer entièrement les frais d’exploitation de la fondation. Ainsi, les dons reçus sont utilisés à 100 % pour la mission, ce qui plaît particulièrement aux grands donateurs.

Le souci de maximisation des profits du commerce est donc constant pour Daniel Desjardins, un homme dont la passion et l’énergie ne font pas de doute même au téléphone. Dès son arrivée en poste, il a mis fin à la possibilité pour les clients de négocier. Le prix affiché est final. Il a aussi découvert les astuces de certains bénévoles pour s’approprier les meilleurs articles et a mis fin aux petits manèges.

PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION MÉDICALE DES LAURENTIDES ET DES PAYS-D’EN-HAUT

Les Trésors de la Fondation, à Sainte-Agathe

De grands efforts sont aussi déployés pour déterminer le prix de vente idéal – ni trop faible ni trop élevé – de chaque objet qui a été donné à l’organisme. S’il faut statuer sur un paquet de cartes de Pokémon, de jeunes stagiaires seront consultés. « La personne de 55 ans qui fait le tri ne connaît pas nécessairement Pikatchu. » Le Marketplace de Facebook et d’autres sites sont abondamment consultés pour voir les prix de revente. Si un article se vend en 5 minutes, c’est qu’il n’était pas assez cher.

Autre astuce pour plaire aux clients : « On cache de belles choses qu’on sort graduellement pendant les deux jours d’ouverture. Avant, la clientèle se plaignait qu’il n’y avait plus rien en après-midi », dévoile Daniel Desjardins.

Le succès passe aussi par du personnel heureux. Ce n’était pas évident de trouver la bonne façon de répartir les tâches entre les 35 bénévoles et les 13 employés, mais Les Trésors de la Fondation estime avoir réussi. À preuve, tout ce beau monde est revenu après les trois mois de fermeture au début de 2021.

Comme quoi, avec une bonne dose d’imagination et quelques bons trucs de gestion, un simple magasin peut avoir un impact insoupçonné dans une communauté.