L’année 2021 a été forte en rebondissements. La COVID-19 nous en a fait voir de toutes les couleurs, mais au-delà des aléas du virus, quels ont été les faits économiques marquants ? Je vous en propose cinq, qui vont de l’occasion ratée à la surprise de l’année, en passant par le bon coup, la décision incontournable et l’entêtement de l’année.

L’occasion bientôt ratée : le contrat avec le Massachusetts

A-t-on vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué ?

Hydro-Québec s’est félicitée du contrat historique de 10 milliards de dollars avec le Massachusetts, après des années de discussions, et elle a commencé les travaux pour la ligne de transport avec son partenaire américain, en passant par le Maine. Tous les permis avaient été accordés.

Mais voilà, les opposants au projet n’ont pas lâché. Habilement financés par des distributeurs d’énergie fossile – qui y perdaient beaucoup –, ils ont pu obtenir le rejet du projet à 60 % dans un référendum, début novembre. Et le partenaire d’Hydro-Québec a cessé les travaux, deux semaines plus tard, à la demande de la gouverneure Janet Mills, qui veut voir ce que penseront les tribunaux de la validité du référendum.

Le vote référendaire pourrait se transformer en loi dès le début de janvier, rendant presque impossible l’aval d’un projet rénové. Le débat sera peut-être tranché par les tribunaux, dont les audiences ont débuté à la mi-décembre, mais il faudra vraisemblablement patienter plusieurs mois avant une décision finale. Et il n’est pas clair qu’elle sera favorable à Hydro.

Quand on pense que le contrat devait permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’équivalent de 700 000 voitures. Quel gâchis !

La surprise de l'année : la situation budgétaire du Québec

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre des Finances, Eric Girard

On s’attendait au pire. Or, le déficit du Québec a été deux fois moindre que les 15 milliards prévus l’an dernier, à 7,5 milliards. Et pour l’année 2021-2022 en cours, il sera 43 % plus bas que prévu, à 6,8 milliards, estime le ministère des Finances. Ce revirement de situation s’explique par la résilience de l’économie du Québec, qui a permis à l’État d’empocher plus de recettes de taxes et d’impôts.

Le Québec n’est pas la seule province à vivre une telle embellie. L’Ontario a elle aussi révisé sa prévision de déficit pour l’année en cours, de 34 %, la faisant passer à 21,5 milliards. En Alberta, la cible de déficit est maintenant de 5,8 milliards, en baisse de 68 %. Quant à la Colombie-Britannique, la révision (avant l’impact des inondations) est de 82 %, à 1,7 milliard.

Toute proportion gardée, le Québec aura un déficit en 2021-2022 de 0,7 % du PIB (avant le versement au Fonds des générations). Il sera plus petit que celui de l’Ontario (2,2 % du PIB) et de l’Alberta (1,7 % du PIB), mais plus grand que celui de la Colombie-Britannique (0,5 % du PIB). Quant au fédéral, son déficit maintenant évalué à 144,5 milliards est en baisse de 6,5 % et il équivaut à 5,8 % du PIB.

Ottawa a un déficit plus imposant, toute proportion gardée, et en baisse moindre parce qu’il dépense plus que les provinces. Le carnet de chèques d’Ottawa, il faut le dire, sert notamment à financer les effets de la COVID-19, qui bénéficie aux provinces.

Reste à voir, maintenant, comment la pénurie de main-d’œuvre, l’inflation et l’éventuelle hausse des taux d’intérêt pourraient brouiller le portrait.

L’entêtement : la position de Québec sur les casinos privés

CAPTURE D'ÉCRAN DU SITE DE BET99

Le site de pari virtuel bet99.com

La stratégie du gouvernement du Québec sur le pari en ligne est un lamentable échec. Non seulement le site internet de Loto-Québec n’a pas empêché la prolifération de casinos privés virtuels, mais en plus la loi adoptée en 2016 pour les faire bloquer a été invalidée par les tribunaux.

En août, Québec a demandé à la Cour suprême d’entendre sa cause, et une réponse à cette demande est imminente. Il est loin d’être acquis que le plus haut tribunal accepte. Et le cas échéant, un long débat sur le fond n’est pas un succès assuré pour Québec. Pendant ce temps, le processus aura pris de nombreux mois et rien n’aura changé.

Le gouvernement aurait dû profiter du récent changement de garde à la tête de Loto-Québec – avec l’arrivée de Jean-François Bergeron – pour changer son fusil d’épaule.

Le Code criminel interdit les casinos privés, mais ces derniers contournent les règles pour continuer leur pratique sur l’internet. Le ministère fédéral de la Justice ferme les yeux sur ce flou juridique, jugeant qu’il revient aux provinces de réglementer les jeux de hasard en ligne privés.

Plutôt que de s’entêter, le gouvernement du Québec devrait emprunter la voie choisie par de nombreuses autres juridictions dans le monde, notamment l’Ontario. Ailleurs, les casinos privés doivent avoir une licence pour exploiter un réseau. En revanche, ces casinos sont fortement réglementés.

Une telle approche permettrait au gouvernement de mieux prévenir la dépendance au jeu et les possibles abus des plateformes privées, en plus de collecter des revenus de licences qu’il pourrait consacrer en partie aux conséquences du jeu.

Le bon coup : la hausse du salaire des enseignants

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

En avril 2022, le salaire des enseignants du primaire et du secondaire rattrapera essentiellement celui des autres provinces canadiennes. Par exemple, le salaire des plus anciens des écoles primaires et secondaires passera à 92 027 $, en hausse de 11,4 %.

Il faut lever notre chapeau au gouvernement pour cette progression. La mise à niveau était réclamée par plusieurs depuis longtemps et elle est d’autant plus importante aujourd’hui dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre.

De nos jours, les enseignants des écoles publiques régulières ont de grands défis, avec l’augmentation des cas d’élèves en difficultés d’apprentissage et l’écrémage, au secondaire, que font le privé et les écoles à vocation particulière.

Il faut espérer que ce redressement des salaires valorisera le métier et y attirera les meilleures candidatures. Actuellement, les étudiants en éducation sont parmi les plus faibles du réseau universitaire.

Lisez la chronique « Une paye bien méritée »

La décision incontournable : le retrait de la Caisse du pétrole

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Manifestation contre le projet GNL, à Québec, en mars dernier

La pression était de plus en plus forte pour que la Caisse de dépôt et placement quitte le secteur pétrolier. Ce sera chose faite, en 2022, quand la Caisse aura vendu ses derniers titres de producteurs de pétrole, tel que promis en septembre 2021.

Cette décision de notre bas de laine collectif – le premier grand fonds de retraite à le faire au Canada – doit être saluée, même si elle était de plus en plus incontournable.

L’institution veut aussi augmenter ses investissements verts et participer au financement de projets qui réduiront le carbone dans certains secteurs, grâce à une enveloppe de 10 milliards de dollars. La Caisse souhaite aussi réduire de 60 % l’intensité en carbone de ses placements d’ici 2030.

Avec les cibles très ambitieuses de réduction de GES que le Canada s’est imposé, on a bien besoin de ce genre de leadership venant du monde des affaires.