L’annonce de la ministre Chrystia Freeland sur les transferts fédéraux, mardi, recelait une bonne nouvelle pour le gouvernement du Québec. Et cette nouvelle sur la péréquation n’a pas à faire rougir de honte les Québécois, comme vous pourrez le constater.

Selon les calculs du ministère fédéral des Finances, le Québec bénéficiera de paiements de péréquation de 13,67 milliards pour l’année 2022-2023. Or, cette somme est 745 millions plus élevée que ce que le gouvernement du Québec a lui-même prévu dans son minibudget du 25 novembre (12,92 milliards).

Ces 745 millions non récurrents pourraient permettre de réduire notre déficit provincial à 4,8 milliards en 2022-2023, plutôt que 5,55 milliards, si le gouvernement Legault choisit cette allocation des fonds. Intéressant, non ?

Le Québec recevra aussi davantage de transferts pour la santé et les services sociaux, mais l’estimation d’Ottawa correspond à celle du Québec, ce qui ne changera pas les équilibres financiers du gouvernement du Québec.

S’affranchir de la péréquation

Pour les Québécois – et contrairement à ce qu’en pensent les Albertains –, cette hausse des paiements de péréquation n’est pas perçue comme une bonne nouvelle. Pourquoi ? Parce que les Québécois veulent s’affranchir de ces versements d’Ottawa, basés sur les écarts de richesse entre les provinces.

Dit autrement, ils veulent que le Québec devienne aussi riche que l’Ontario et l’Alberta et que cessent ainsi les paiements de péréquation du fédéral. C’est même un objectif avoué de François Legault à long terme.

Or voilà, malgré son apparence, la nouvelle confirme que le Québec est sur cette voie de rattrapage. Comment expliquer cette apparente contradiction ?

D’abord, il faut savoir que l’enveloppe de péréquation croît au même rythme que le PIB nominal chaque année, essentiellement, peu importe les écarts de richesse entre les provinces. Cette règle vient d’une entente signée par le gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Une fois l’enveloppe de péréquation établie, le fédéral répartit la somme entre les provinces bénéficiaires en fonction des écarts de richesse, notamment. Plus une province bénéficiaire s’appauvrit par rapport aux 10 provinces, plus sa part augmente.

Et alors ? Eh bien cette année, l’enveloppe totale de péréquation fédérale a crû de 4,8 %, tandis que la part du Québec a grimpé de 4,2 %. La part relative du Québec diminue cette année, ce qui signifie que la province réduit son écart avec les autres provinces.

Le phénomène de rattrapage est plus évident quand on s’éloigne dans le temps. Depuis 3 ans, l’enveloppe totale de péréquation fédérale a grossi de 10,5 %, compte tenu de la croissance du PIB, mais les versements au Québec n’ont crû que de 4,1 %. C’est le Manitoba qui s’appauvrit relativement le plus, puisque sa part a bondi de 30,1 % depuis 3 ans.

Mais alors, pourquoi recevons-nous plus que prévu cette année ? C’est que le gouvernement Legault calculait que le rattrapage du Québec serait bien plus important. Et que les versements diminueraient de 1,5 % pour l’année 2022, alors qu’Ottawa juge qu’ils doivent augmenter de 4,2 %.

Est-ce à dire que le Québec s’appauvrit ? Plutôt le contraire : les provinces pétrolières ont fait bien mieux que prévu, grâce au redressement du prix du pétrole, entre autres. Et ce contexte économique a vraisemblablement fait augmenter leur capacité fiscale, faisant en sorte que le rattrapage du Québec est moins rapide que prévu.

En 2019-2020, le Québec avalait 66,2 % de toute l’enveloppe canadienne de péréquation, part qui a reculé à 62,7 % l’an dernier et que le gouvernement du Québec prévoyait voir descendre à 59,2 % en 2022 dans son minibudget. Ce sera plutôt 62,3 % en 20 221.

L’inflation dopera les paiements

Maintenant, faut-il s’attendre à ce que le Québec voie ses paiements baisser l’an prochain ? Difficile à dire, mais assez peu probable, parce que le PIB nominal connaît une croissance inégalée depuis un quart de siècle en raison du fort taux d’inflation.

De fait, le PIB nominal canadien (avant de soustraire l’inflation) grimpe de 12,5 % cette année et il devrait croître de 6,6 % en 2022. La croissance de l’enveloppe de péréquation fédérale, chaque année, est basée sur la moyenne des trois années précédentes.

Mardi, Chrystia Freeland a dévoilé que l’enveloppe fédérale croissait de seulement 4,8 % en 2022, malgré la forte inflation. Cette petite croissance de 4,8 % s’explique parce que le calcul moyen sur trois ans inclut l’année 2020, qui s’est soldée par une diminution de 4,5 % du PIB nominal.

Comme 2020 n’entrera plus dans le calcul de la moyenne l’an prochain2, l’enveloppe de péréquation fédérale devrait bondir de quelque 8 % pour 2023, ce qui serait de très loin la plus forte croissance depuis de très nombreuses années3.

Conséquence : si le Québec parvient à rétrécir son écart de richesse, il pourrait obtenir par exemple une hausse trois fois moindre que les autres, ce qui serait considérable. Néanmoins, comme l’enveloppe grimperait de 8 %, le Québec obtiendrait tout de même une augmentation de ses paiements de 2 à 3 %.

Sa part du total de l’enveloppe chuterait alors à 59,4 % en 2023, en forte baisse par rapport aux 63,2 % du calcul de Freeland cette année pour 2022, mais ses paiements augmenteraient malgré tout.

Le chemin sera très long avant que le Québec ne bénéficie plus de la péréquation, mais la tendance est bien là.

Consultez le site du gouvernement fédéral sur les sommes des principaux transferts Consultez le site du gouvernement fédéral sur le soutien fédéral au Québec

1. La part du Québec est très importante notamment parce que la province est bien plus populeuse que les autres bénéficiaires. Le Québec obtient 1606 $ par habitant en 2022, comparativement à 2140 $ par habitant pour le Manitoba, 2529 $ pour la Nouvelle-Écosse et 3034 $ pour le Nouveau-Brunswick.

2. Le calcul de la croissance moyenne du PIB nominal sur trois ans inclut l’année du versement de la somme aux provinces. Par exemple, le versement de 2022 est calculé avec une moyenne de trois ans qui englobe une prévision de croissance du PIB pour 2022, ainsi que l’année 2020 et 2021. Pour 2023, ce sera les années 2021, 2022 et 2023.

3. En comparaison, la croissance annuelle de l’enveloppe a été de 3,5 % en moyenne depuis 9 ans.