En plein sommet international sur les changements climatiques, c’est assez incongru d’apprendre que le manufacturier de manteaux ultrachauds Kanuk ouvrira une boutique à New York dans 10 jours. Dans une ville, donc, où les journées à -25 °C et les tempêtes de neige sont aussi rares que les faux pas vestimentaires des personnages de Sex and the City.

Plutôt que de vendre ses créations dans un climat polaire comme celui du Québec, Kanuk se trouvera dans un environnement rempli de grands noms de la mode. Ses voisins, rue Greene, dans le quartier SoHo, se nomment Alexander McQueen et Yves Saint Laurent. Tout un changement pour cette marque qui a longtemps fait la promotion de ses parkas avec un catalogue rempli de quidams.

En 2010, le fondateur de Kanuk, Louis Grenier, m’avait expliqué pourquoi il ne voulait pas que son entreprise prenne de l’expansion. Il fabriquait alors 30 000 manteaux par année dans ses ateliers de la rue Rachel, sur le Plateau Mont-Royal, à Montréal. Et ce, depuis plus d’une décennie. Le statu quo faisait son affaire. Exporter l’aurait forcé à délocaliser la production alors que ses employés étaient heureux de pouvoir venir travailler en métro ou à vélo, jugeait-il.

L’unique objectif de ce passionné de plein air était de créer les meilleurs manteaux « pour le climat du Québec ».

Force est de constater qu’à 51 ans, Kanuk est ailleurs.

Depuis son acquisition en 2015 par la Corporation financière Champlain, un fonds privé qui a possédé le grand magasin Ogilvy, les bains Neptune et la chaîne Pro Hockey Life, le fabricant de manteaux est en pleine croissance. En transformation, aussi.

La boutique à New York en est peut-être l’exemple le plus frappant.

Désormais, Kanuk suit les grandes tendances. Et pas seulement en matière de design, de couleurs et de matériaux éthiques.

L’entreprise veut faire sa place sur la scène internationale, comme Canada Goose l’a fait avant elle, en ouvrant des magasins à Milan, en Italie, et en Californie. Deux endroits où les hivers ne sont pas particulièrement rigoureux… ce qui n’a aucune importance, me dit le président de Kanuk, Richard Laniel.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Richard Laniel, président de Kanuk

Aux États-Unis, trois États se partagent une grande partie de la tarte. La Californie, le Texas et la Floride. Crois-le ou non, ce sont trois gros marchés de parkas. C’est la réalité des données.

Richard Laniel, président de Kanuk

Le dirigeant explique qu’il s’agit de trois États riches, peuplés de personnes qui ont les moyens de s’acheter des produits de luxe – comme un Kanuk à 1800 $ – et de voyager vers le nord pour y faire du ski ou d’autres activités hivernales.

New York est aussi une ville qui attire beaucoup de touristes de partout dans le monde, ce qui inclut forcément des pays où le temps est parfois glacial. Cela dit, la boutique Kanuk ne sera pas seulement une vitrine ou un outil marketing, mais bel et bien une source de revenus.

« On va y vendre de tout. Des parkas -40 et des manteaux pour du +10 », prédit Richard Laniel.

C’est l’autre grande nouveauté : Kanuk vend depuis peu des manteaux qui ne sont pas du tout adaptés au climat hivernal québécois. Sa nouvelle collection, baptisée KANUK +0, propose des imperméables qui seront facilement reconnaissables grâce au logo orange (sans hibou) sur le bas de la manche ou la poche.

Richard Laniel confie que le réchauffement de la planète est « une des raisons » derrière cette diversification. Même s’il reste « encore pas mal de climats froids sur la planète ».

La collection KANUK +0
  • Manteau de la collection KANUK +0

    PHOTO FOURNIE PAR KANUK

    Manteau de la collection KANUK +0

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D’un côté, donc, Kanuk adapte son offre aux changements climatiques. De l’autre, la marque adopte des stratégies pour les ralentir, comme réduire ses émissions de carbone. Dans cette optique, plus de 50 % des manteaux sont fabriqués avec du tissu recyclé. De plus, les matériaux synthétiques, qui génèrent des émissions, sont progressivement délaissés au profit du duvet, jugé plus éthique et durable.

Kanuk a d’ailleurs pris l’engagement de devenir carboneutre d’ici 2025.

On l’oublie souvent, mais l’industrie de la mode est extrêmement polluante. Elle produit 10 % de tous les gaz à effet de serre et consomme 10 % des réserves mondiales d’eau, selon le World Economic Forum.

Bien sûr, il faut se tenir au chaud l’hiver, mais la fabrication de manteaux n’échappe pas à cette réalité. En octobre, le magazine Protégez-vous donnait une « cote de durabilité » à 12 fabricants de manteaux. Kanuk y a obtenu la note de 76 %. Cela se compare à 92 % pour Patagonia, 90 % pour la vancouvéroise Arc’teryx et 26 % pour la montréalaise Point Zero.

Transformer, rajeunir et assurer la croissance d’une marque qui a habillé quelques générations de clients depuis 1970 n’est assurément pas une mince affaire. Il faut trouver le moyen de convaincre une jeune fille de 20 ans que la marque préférée de manteaux de sa grand-mère est encore cool. Mais en s’installant à New York, l’entreprise manufacturière donne le signal qu’elle est sur la bonne voie pour gagner son pari.

Si les hivers changent, Kanuk aussi.