L’énergie la moins coûteuse est celle qu’on peut économiser, entend-on souvent. Et au Québec, il y aurait beaucoup à faire, puisque nous surconsommons l’énergie, bien plus qu’ailleurs.

Qu’en est-il au juste ? La question est importante, sachant que la réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre passe notamment par une diminution de l’énergie consommée, si on suppose que l’énergie propre des uns remplace l’énergie fossile des autres.

Je fais le divulgâcheur : le potentiel d’économie d’énergie au Québec est grand, mais passablement moins qu’on ne le croyait, selon de récentes études.

D’abord, le constat : oui, le Québec consomme beaucoup d’énergie. Toute proportion gardée, nous consommons autant que les États-Unis et plus que des pays nordiques comme la Norvège ou la Suède. L’unité utilisée est le gigajoule (GJ), qui permet de comparer tant l’hydroélectricité que le mazout, le gaz naturel et l’essence automobile.

Au Québec, donc, la consommation annuelle – tous secteurs confondus – s’élève à 195 GJ par habitant, contre 198 aux États-Unis, 138 en Suède et 117 en Allemagne, selon une récente analyse de l’expert Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal.

Prix de consolation : l’Alberta est à 517 GJ par habitant, surtout en raison de ses importants besoins pour l’extraction de pétrole, mais aussi à cause de la grande consommation de ses véhicules routiers.

Si l’on considère seulement le secteur résidentiel, le Québec et le Canada sont aussi à des sommets, quoique l’écart avec les autres pays y soit moins marqué (35 GJ au Québec et aux États-Unis, contre 33 en Norvège ou 4 à Cuba).

Les raisons de notre surconsommation sont assez simples : nos hivers froids font exploser la consommation, mais en outre, les prix très faibles de notre électricité ont attiré des industries énergivores, comme les alumineries, sans compter que ces bas prix sont un désincitatif à économiser.

Une comparaison : les Québécois paient leur électricité résidentielle six fois moins cher que les Allemands, soit 7,4 cents le kilowattheure contre 33,4 cents. Pourquoi mieux isoler nos maisons si l’investissement s’avère trop long à récupérer, compte tenu du faible prix de l’électricité ?

Justement, Hydro-Québec vient de mettre à jour ses prévisions d’économies d’énergie potentielles, ce qu’elle n’avait pas fait depuis 10 ans. Et elle constate, sur la base de deux études (243 pages) des firmes Technosim et J : Harvey, que le potentiel d’économie d’énergie est bien moins important qu’on ne le croyait. Une des principales raisons : les coûts élevés de l’isolation.

En 2011, Hydro-Québec croyait avoir un potentiel d’économie de 29,7 térawattheures (TWh) en cinq ans, tous secteurs confondus. Or, ce potentiel vient de reculer à 21,1 TWh, calcule Technosim, soit un recul de 8,6 TWh ou 29 %.

En ajoutant les industries qui ont signé des contrats à partage de risque, le potentiel grimpe à 24,5 TWh.

La baisse du potentiel d’économie de 8,6 TWh est majeure. Elle équivaut presque à l’énergie annuelle du contrat au Massachusetts (9,45 TWh), qui a fait les manchettes cette semaine à la suite du refus référendaire du Maine.

Le secteur résidentiel explique à lui seul le tiers de cette baisse de 8,6 TWh. Et la moitié de cette perte de potentiel dans le résidentiel est attribuable au chauffage.

« Cette réduction est attribuable au marché de plus en plus restreint pour les mesures ayant le plus d’impact énergétique, soit celles de l’isolation de bâtiments. De plus, les coûts liés à l’isolation des murs et des entretoits non accessibles sont élevés, ce qui réduit d’autant plus le potentiel associé à ces mesures. »

« Le potentiel est souvent difficile à exploiter étant donné la complexité d’implantation des mesures et leurs coûts importants. L’expérience d’Hydro-Québec tend à démontrer que les objectifs d’économie sont difficiles à atteindre, car les coûts d’implantation et de suivi sont souvent plus grands que ceux escomptés », est-il écrit dans l’étude de Technosim.

Les thermopompes à haute efficacité, même l’hiver, et les fenêtres à haut rendement sont parmi les mesures qui recèlent encore des gains1.

Le potentiel d’économie total de 24,5 TWh – tous secteurs confondus – équivaut à environ 14 % de la demande d’énergie d’Hydro-Québec. Ces dernières années, Hydro dit avoir été en mesure de réaliser 30-40 % du potentiel d’économie, puisqu’il y a des barrières de marché et parfois de rentabilité chez les consommateurs.

Depuis 10 ans, Hydro-Québec aurait ainsi permis une économie d’énergie de seulement 4 TWh. La société d’État veut maintenant doubler cette moyenne annuelle de 0,4 TWh pour la faire passer à 0,8 TWh d’ici 10 ans, pour un total de 8 TWh.

La société d’État croit être en mesure d’y parvenir parce que ses surplus devraient se tarir vers 2026. Le coût de ces surplus avoisine les 3 cents le kilowattheure et les nouveaux approvisionnements devraient faire passer le prix à quelque 5 cents le kilowattheure, ce qui rendrait certaines mesures d’économie plus rentables.

Ces 8 TWh d’économie n’empêcheront pas Hydro-Québec d’avoir besoin de 20 TWh de plus d’ici 10 ans et donc de lancer des appels d’offres pour de l’énergie éolienne ou autre, soutient le porte-parole Marc-Antoine Pouliot. Le premier appel, prévu en décembre 2021, sera pour environ 2,3 TWh, notamment éolien2.

En somme, l’économie d’énergie n’est pas la panacée qu’on pourrait espérer, du moins pour l’instant. Nos prix sont tout simplement trop bas.

Consultez les études sur le potentiel d’économie d’énergie (Hydro-Québec)

1. Précisons que le programme de thermostats intelligents Hilo n’en fait pas partie, puisqu’il s’agit d’une mesure de gestion de la demande, notamment à la pointe, et non d’économie d’énergie.

2. Hydro-Québec Production pourra éventuellement participer aux appels d’offres du distributeur, surtout si le contrat de 9,45 TWh vers le Massachusetts est annulé à la suite du processus référendaire dans le Maine et des débats devant les tribunaux.