Trente-cinq ans après l’inauguration officielle de son usine de Mirabel et la livraison de plus de 5600 hélicoptères commerciaux à des clients du monde entier, Bell Textron Canada poursuit sur le bord de l’autoroute 15 son petit bonhomme de chemin, sans faire de vagues, mais en s’activant à rendre de plus en verte l’élévation verticale et la propulsion de ses appareils.

Le secteur de l’aéronautique québécois a subi au fil des ans passablement de soubresauts générés par des crises cycliques qui ont frappé mondialement l’industrie – on n’a qu’à se souvenir ici du contexte post-attentats du 11 septembre 2001 ou de la crise de 2008.

Les développements incertains de plusieurs programmes de Bombardier ont aussi souvent fait les manchettes et exacerbé la fragilité de ce secteur aux yeux du grand public.

Mais, depuis son inauguration en septembre 1986, l’usine de Bell Helicopter, devenue Bell Textron Canada, a toujours été en mesure d’afficher une constance certaine, comme en témoigne sa moyenne annuelle de livraison de 160 appareils par année.

Les différents modèles d’hélicoptères qui ont été et sont fabriqués à Mirabel, que ce soit les Bell 412, 407, 429 ou le nouveau Bell 505, ont toujours obtenu une bonne réception dans le marché, que soit les entreprises de ressources naturelles, les services d’urgence médicale, les corps policiers, les forces armées ou les gardes côtières.

L’emploi est aussi resté relativement stable depuis une dizaine d’années à l’usine de Mirabel. Si l’entreprise américaine a déjà embauché en période de conception de nouveaux produits jusqu’à 2000 personnes, Bell Textron Canada y emploie aujourd’hui 1200 personnes.

On s’aligne cette année sur la livraison de 150 appareils, ce qui représente à peu près notre vitesse de croisière des dernières années. L’an dernier, on a ralenti un peu la cadence de production parce que les nouvelles commandes ont été freinées par la pandémie, mais on revient à notre rythme habituel.

Steeve Lavoie, président de Bell Textron Canada

L’usine de Mirabel fonctionne aujourd’hui avec 50 % de ses effectifs sur le plancher. Tous les autres employés administratifs, d’ingénierie, de conception, de vente ou de marketing continuent jusqu’à nouvel ordre de travailler de la maison.

« On n’a pas fait de mises à pied durant la pandémie, mais en raison de la pénurie de main-d’œuvre, on a dû instaurer plusieurs programmes de formation à l’interne. On manque notamment d’assembleurs de pièces composites. Et la démographie joue contre nous. On a des employés qui sont là depuis le premier jour, il y a 35 ans, et qui sont admissibles à la retraite », s’inquiète par ailleurs le président de Bell Textron Canada.

Virage vert en hauteur

Steeve Lavoie, qui compte 25 années d’expérience dans l’aéronautique, dont près de 20 chez Bombardier, est devenu président de Bell Textron Canada il y a deux ans, et son défi de tous les jours est de préparer l’avènement de l’hélicoptère de demain.

Les équipes d’ingénierie de Mirabel tablent sur plusieurs projets de motorisation électrique, et l’entreprise a obtenu en juillet du gouvernement fédéral une aide de 200 millions, assortie d’un prêt de 75 millions de Québec, pour concevoir une nouvelle plateforme d’appareils.

« C’est sûr que l’on va travailler avec nos motoristes pour trouver de nouvelles solutions de rechange au carburant, mais on doit préparer la configuration des appareils. On a déjà réussi à fabriquer un rotor de queue avec quatre hélices qui fonctionne à l’électricité et qui réduit la consommation de carburant, mais on va aller plus loin », m’a expliqué le PDG mercredi.

Le projet, baptisé Viridis, est en voie d’obtenir la certification des deux gouvernements pour son financement et pourrait commencer au début de l’an prochain. Bell Textron Canada prévoit qu’il lui faudra embaucher quelque 320 spécialistes – ingénieurs, techniciens… – pour faire lever Viridis de terre.

« On construit quelque chose de neuf à partir de rien », dit le gestionnaire en aéronautique.

Parallèlement à Viridis, Bell Textron Canada s’active aussi à concevoir un nouveau taxi aérien électrique ou hybride électrique, le Bell Nexus, pour le transport urbain. L’engin décolle comme un hélicoptère, mais ses quatre tuyères configurables se transforment en propulseurs.

L’usine de Mirabel travaille également sur le même concept de tuyères configurables pour équiper des drones de livraison de colis qui pourraient également servir au transport d’organes entre deux centres hospitaliers.

« On est en pleine innovation disruptive et on pense être encore bien occupés pour les 35 prochaines années », estime Steeve Lavoie.