Quel parti laisserait les finances fédérales en meilleure santé au terme du mandat ? Cette question est probablement la plus négligée de cette campagne, ce qui est surprenant vu l’explosion du déficit causé par la pandémie.

Pour trouver la réponse, j’ai passé en revue tous les cadres financiers et je me suis référé à l’excellente analyse de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Consultez l’analyse

Étonnamment, c’est le NPD qui présente le cadre financier qui aurait le moins d’impact sur la dette fédérale d’ici cinq ans et le Bloc québécois, le pire. Autre constat : tous les partis feront davantage augmenter la dette que ce que prévoit le directeur parlementaire du budget (DPB) dans son scénario de référence réaliste (1).

Pourquoi parler d’abord de la dette prévue ? Parce qu’elle permet de comparer en un coup d’œil les cadres financiers, étant un cumul de l’ensemble des déficits annuels. Le mieux est de comparer son niveau en fonction de la taille de l’économie (produit intérieur brut, ou PIB).

Selon les partis, donc, elle avoisinera les 48 % du PIB dans cinq ans, comparativement à 31 % avant la pandémie. Le NPD serait à 46,8 %, étonnamment.

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Cela dit, l’utilisation de la seule dette comme paramètre d’analyse est trompeuse. Elle néglige un élément essentiel, soit les moyens que prendront les partis pour financer leurs promesses et limiter l’endettement.

Ainsi, le NPD est le plus dépensier, avec le Bloc, mais c’est aussi le parti qui augmenterait le plus les impôts. Ce bond important des recettes compenserait le boom des dépenses et limiterait ainsi l’endettement. Mais est-ce réaliste et politiquement faisable ? Est-ce souhaitable dans le contexte de nos finances fragiles ?

Parmi les dépenses du NPD, mentionnons l’implantation d’un système pancanadien d’assurance médicaments (11,5 milliards par année), un programme de revenu minimum garanti pour les personnes handicapées (5 milliards) et le paiement des soins dentaires de certains (1,8 milliard).

Ces programmes sociaux seraient financés, entre autres, par une très forte augmentation de l’impôt des riches, qui rapporterait, après 5 ans, 30 milliards par année, ce qui est énorme. Il est question d’un impôt sur la fortune et d’une hausse du taux d’inclusion du gain en capital (de 50 % à 75 %).

Les principales mesures du NPD, tant du côté des revenus que des dépenses, ont été estimées par le DPB – un organisme indépendant –, ce qui donne une certaine crédibilité à son cadre financier. Tout de même, l’impact d’un tel bouleversement demeure difficile à prévoir.

D’une part, les projets de dépenses finissent souvent par coûter bien davantage que prévu ; qu’on pense au défunt registre fédéral des armes à feu ou au programme québécois d’assurance médicaments. D’autre part, imposer massivement les riches de diverses façons aurait des effets insoupçonnés sur l’économie, ce qui freinerait les entrées de fonds. Enfin, les revenus qu’on pourrait tirer de l’évasion fiscale sont, par définition, fort incertains.

De son côté, le Bloc doit son titre de gros dépensier à sa volonté de doper les transferts en santé aux provinces de 28 milliards de façon récurrente, puis de 6 % par année par la suite.

Chez les libéraux, de nouveaux programmes ciblés en santé (CHSLD, santé mentale, médecins de famille) feraient augmenter les dépenses d’environ 5 milliards par an. Les conservateurs, eux, ne mettraient que 2,1 milliards dans les transferts en santé au terme de la cinquième année, en plus d’abolir le programme libéral de garderies.

Pendant que les néo-démocrates prévoient 30 milliards de nouveaux impôts, les libéraux parlent de 3 milliards (notamment prélevés aux banques), et les conservateurs, fidèles à leur philosophie, n’en prévoient pas du tout. Au bout de cinq ans, les conservateurs dépenseraient même un peu moins que ce que prévoit le scénario de référence du DPB.

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Au terme de ces programmes, le déficit fédéral reculerait pour tous les partis. À la cinquième année, il oscillerait entre 25 et 34 milliards, comparativement à quelque 150 milliards cette année. Seul le Parti conservateur ne prévoit pas un déficit plus élevé que celui du DPB à la cinquième année.

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Cela dit, la chaire de l’Université de Sherbrooke fait ressortir un aspect qui est frappant. Depuis l’ère Harper, les dépenses de l’État ont sans cesse crû en proportion de la taille de l’économie. Et cette tendance se poursuivra d’ici cinq ans, peu importe le parti qui prendra le pouvoir.

Lorsque Justin Trudeau a été élu, les dépenses du fédéral représentaient 14,0 % du PIB. Cette part a grimpé à 15,5 % en 2018-2019, au terme de son premier mandat. Or, d’ici 5 ans, elle passerait à 17,4 % du PIB avec le NPD, à 16,3 % avec le Parti libéral et à 15,8 % avec le Parti conservateur.

La COVID-19 a frappé fort, mais justement, le Canada a pu y faire face parce qu’il avait des finances solides. Il faudrait avoir un plan crédible pour retrouver cette marge de manœuvre, avec des cibles pour le rétablissement de l’équilibre budgétaire, ce qu’aucun parti n’a inclus dans son cadre financier.

1- Ce scénario de référence postule que l’endettement augmenterait comme le prévoit le budget des libéraux présenté en avril dernier, mais ajusté en fonction des plus récentes données économiques.