Le Québec recense quelque 28 000 fermes de tailles et de productions diverses. Si on assiste à l’émergence de nombreuses petites exploitations agricoles bios ou de proximité, la réalité économique est que ce sont moins de 30 % des fermes québécoises qui produisent près de 80 % des denrées que l’on retrouve en épicerie. On vous propose de découvrir quelques-unes de ces grandes entreprises agricoles intégrées et diversifiées du Québec.

(Saint-Hugues) Fabien Fontaine s’est lancé dans l’élevage de lapins à l’âge de 5 ans et a monté son cheptel jusqu’à 500 têtes dans la ferme paternelle de La Présentation, avant d’acheter sa première terre à l’âge de 16 ans. Quarante ans plus tard, aidé de ses frères Donald et Alexandre, il dirige le groupe Famille Fontaine, le plus important producteur de veaux en Amérique et le plus gros producteur d’agneaux du Nord-Est américain.

Famille Fontaine chapeaute aujourd’hui, par l’entremise du groupe Préval, quelques dizaines d’entreprises, toutes liées à l’élevage, à l’alimentation, à la transformation et au transport du veau, groupe qui s’est étendu au fil des ans à la production d’agneaux et à la transformation de bœufs, au moyen des abattoirs et des usines de découpe qu’il a acquis tant au Québec qu’aux États-Unis.

C’est l’aîné, Fabien, qui a décidé de se lancer dans l’élevage de veaux après avoir travaillé neuf ans chez le producteur européen Écolait et qui s’était établi tout juste à côté de la ferme familiale, à La Présentation.

« C’est chez Écolait que j’ai appris le métier, et mon frère Donald s’est joint à moi. On a décidé, en 1989, d’amorcer notre propre élevage avec 350 veaux pour démarrer Délimax. Rapidement, on a vu qu’il fallait intégrer l’alimentation à l’élevage, et aussi la transformation. On a décidé d’intégrer chacune de ces activités et de créer notre propre filière », raconte Fabien.

Ils achètent de la faillite en 1998 un premier abattoir, à Sainte-Angèle-de-Prémont, qu’ils revendent peu de temps après pour s’associer à la famille Buksbaum, propriétaire d’un abattoir à Saint-Germain-de-Grantham, où ils doublent le nombre de veaux abattus par semaine, le faisant passer de 1000 à 2300.

C’est à cette époque aussi qu’ils se lancent dans l’alimentation laitière en ouvrant une usine de nourriture pour veaux à Louiseville, qui allait répondre à leurs besoins et générer des excédents vendus sur le marché.

Ce n’est pas assez. Fabien voit plus loin et estime qu’il faut aussi se tourner vers les États-Unis ; c’est là que se trouvent le marché et le potentiel de croissance.

Là encore, ils prennent une participation dans une usine de transformation en Californie, où ils peuvent exporter des carcasses de veaux québécois.

C’est à cette époque que leur frère Alexandre, qui travaillait en Caroline comme ingénieur pour une société qui fabriquait des semi-conducteurs, se joint à eux.

« Mes frères m’ont dit : “Tu vas travailler deux fois plus fort et être payé deux fois moins, mais on va développer notre entreprise” », se souvient Alexandre, de 10 ans le cadet de son frère Fabien.

Croissance et diversification

La stratégie qu’adoptent les frères Fontaine est de s’associer à des partenaires en prenant des participations minoritaires, ce qu’ils ont fait avec la famille Buksbaum, propriétaire d’un abattoir à Saint-Germain et d’une usine de découpe rue Hogan, à Montréal.

En 2009, Délimax s’associe à l’entreprise Catelli Brothers, propriétaire d’une usine de transformation de veaux au New Jersey.

« On a vendu notre participation dans l’usine de Californie et on s’est rapprochés, avec Catelli Brothers. Ça nous permettait d’envoyer de 500 à 600 carcasses de veaux par semaine pour le marché américain », souligne Alexandre Fontaine.

Parallèlement, Famille Fontaine rachète de Saputo une usine d’alimentation lactée au Wisconsin, qui s’ajoute à ses capacités de Louiseville.

La croissance québécoise n’est pas délaissée pour autant, alors que Délimax augmente sans cesse le nombre de fermes d’élevage et de contrats d’engraissement avec des producteurs partenaires.

Aujourd’hui, Famille Fontaine compte plus de 250 fermes d’élevage de veaux au Québec, dont une centaine en propriété propre, qui recensent 55 000 têtes de bétail. Le groupe en transforme plus de 120 000 par année dans ses usines, qui ont, elles aussi, pris de l’expansion.

Au cours des dernières années, Famille Fontaine a consolidé sa position dans le secteur de la transformation en faisant l’acquisition coup sur coup de la totalité de Montpak International, en 2015, puis d’Écolait, en 2017, et enfin des usines d’abattage et de découpe de Viandes Forget, en 2019.

« Cela nous a permis de nous diversifier dans la production et la transformation d’agneaux et de bœufs. On transforme aujourd’hui 3000 agneaux et 3000 veaux par semaine au Canada et aux États-Unis. On fait plus de 400 bœufs par semaine, et c’est une filière en croissance », précise Fabien Fontaine.

Gros acteur

Le groupe Famille Fontaine réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 650 millions, dont 40 % proviennent de ses activités aux États-Unis, et l’entreprise compte plus de 1200 employés dans ses différentes divisions.

Le siège social du groupe est à Saint-Hyacinthe, et chacun des trois frères supervise un champ d’activité. Fabien s’occupe de toutes les activités fermières et alimentaires, Alexandre est responsable des activités liées à la transformation, alors que Donald est responsable du transport et des projets spéciaux, comme la construction d’une nouvelle usine de recyclage de paille en nutriments.

« C’est un projet qu’on vient de terminer tout comme celui, il y a deux ans, d’une nouvelle usine à Wickham, où l’on cuit le maïs, l’orge et le soya pour le rendre plus comestible et digestible pour nos veaux. C’est comme des Corn Flakes pour veaux », image Fabien Fontaine.

L’esprit de famille de Famille Fontaine

Cinq des enfants des trois frères Fontaine sont déjà des employés du groupe, où ils apprennent à travailler fort et à réinvestir dans son développement.

« On est le plus gros producteur de veaux en Amérique du Nord, mais, de fait, de toutes les Amériques puisqu’il n’y a pratiquement pas d’élevage en Amérique centrale et du Sud », précise avec fierté l’aîné de la famille.