(Ottawa) Le Canada examine les nouveaux droits de douane massifs sur les véhicules électriques fabriqués en Chine imposés par le président américain, Joe Biden, plus tôt ce mois-ci, mais ne s’engage pas à emboîter le pas au nord de la frontière.

Les marques chinoises ne sont pas un acteur majeur sur le marché canadien des véhicules électriques pour le moment, mais les importations en provenance de Chine ont explosé au cours de la dernière année, alors que Tesla a quitté ses usines américaines au profit de son usine de fabrication de Shanghai pour ses ventes canadiennes.

Et l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV) affirme que les constructeurs chinois de véhicules électriques ont déjà fait de grandes percées en Europe et se tournent maintenant vers l’Amérique du Nord.

« Cela se profile potentiellement à l’horizon », a déclaré le président de l’ACCV, Brian Kingston, dans une entrevue avec La Presse Canadienne.

Il ne préconise pas que le Canada s’aligne spécifiquement sur les tarifs, soulignant le risque de représailles chinoises. Mais il précise que le Canada ne pouvait pas trop s’écarter des États-Unis.

Nous devons toujours aligner notre politique.

Brian Kingston, président de l’ACCV

Le président Joe Biden a décidé le 14 mai de quadrupler les droits de douane américains sur les importations de véhicules électriques fabriqués en Chine, pour les porter à 100 %. Il a cité les subventions injustes du gouvernement chinois aux constructeurs chinois de véhicules électriques. Il augmente également les droits de douane sur une longue liste d’autres produits chinois, notamment les cellules solaires, les puces informatiques, les équipements médicaux et les batteries au lithium-ion.

Le Canada impose actuellement des droits de douane de 6 % sur les véhicules fabriqués en Chine, mais les voitures sont admissibles à des rabais fédéraux allant jusqu’à 5000 $ pour l’achat de véhicules électriques.

Le premier ministre Justin Trudeau, le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, et la ministre du Commerce, Mary Ng, ont tous ouvert la porte à la notion de droits de douane depuis que les États-Unis ont pris cette décision, mais aucun d’entre eux ne s’est engagé à emboîter le pas.

« Nous surveillons de très près ce que font les Américains », a déclaré M. Trudeau à Philadelphie le 21 mai, peu après avoir rencontré la vice-présidente américaine, Kamala Harris, en marge du congrès du Syndicat international des employés de services.

Empêcher la Chine de faire une brèche en Amérique du Nord

Les liens économiques et les chaînes d’approvisionnement constituent des éléments clés de cette conversation, selon le personnel de Justin Trudeau. Le Canada et les États-Unis ont aligné leurs industries de véhicules électriques au cours des dernières années, y compris les minéraux essentiels, les batteries et la fabrication de véhicules électriques elle-même.

Et le Canada a investi massivement dans l’industrie des véhicules électriques, avec 30 milliards dépensés au cours des deux dernières années seulement pour les sites de fabrication de batteries et de véhicules électriques de Stellantis, Volkswagen et Honda.

Cet effort vise en grande partie à empêcher la Chine de faire une brèche dans la célèbre industrie automobile nord-américaine. Le secteur représente près de 5 % de l’économie américaine et plus de 2 % au Canada.

Près de 10 millions d’Américains et 500 000 Canadiens travaillent directement ou indirectement dans l’industrie automobile.

Course aux parts de marché

À l’avenir, les véhicules électriques occuperont une place de plus en plus importante dans ce secteur, le Canada exigeant qu’un cinquième de toutes les ventes soient des véhicules électriques d’ici 2026, trois cinquièmes d’ici 2030 et 100 % d’ici 2035.

Les véhicules entièrement électriques et hybrides rechargeables représentaient près de 11 % du total des immatriculations de véhicules neufs en 2023 au Canada, contre 8 % en 2022.

Les États-Unis souhaitent qu’environ un tiers de leurs ventes de véhicules neufs soient électriques d’ici 2032, mais contrairement au Canada, cela n’a pas été rendu obligatoire.

Brian Kingston a expliqué qu’actuellement, la politique industrielle du Canada n’est pas conforme à celle des États-Unis sur un certain nombre de fronts, y compris le mandat de vente de véhicules électriques, qu’il souhaite voir prendre fin. Mais il a mis en exergue le fait que la stratégie industrielle du Canada, pour le moment, ne se soucie pas du lieu de fabrication des véhicules électriques. « C’est un problème », a-t-il fait valoir.

Même si les constructeurs automobiles chinois ne vendent actuellement pas leurs produits en Amérique du Nord, le prix moins élevé de véhicules électriques comparables a fait grimper considérablement leur part de marché en Europe.

En Allemagne, un véhicule électrique MG4 chinois a un prix de base d’environ 42 000 $, comparativement à un véhicule électrique Volkswagen ID.3 similaire, dont le prix de base est de près de 60 000 $.

Les marques automobiles chinoises représentaient 4 % de part de marché des véhicules électriques en Europe en 2022, contre moins de 0,5 % en 2019. Une analyse du groupe de défense européen Transport & Environment suggère qu’elles atteindront 11 % de part de marché en Europe cette année et 20 % d’ici 2027.

En octobre dernier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a lancé une enquête sur les subventions chinoises aux véhicules électriques en vue d’imposer des droits de douane à l’importation.

Une concurrence loyale est bonne. Ce que nous n’aimons pas, c’est quand la Chine inonde notre marché de voitures électriques massivement subventionnées. Et nous devons nous attaquer à cela, nous devons protéger notre industrie.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, en mars dernier

M. Kingston a suggéré que le Canada devrait envisager sa propre enquête antidumping sur les pratiques chinoises de subvention des véhicules électriques avant l’arrivée des véhicules électriques chinois sur le marché canadien.

Le Canada n’a pas besoin de s’aligner immédiatement sur les tarifs américains, mais il devrait être prêt à le faire si les choses changent, selon lui.

« Nous devons absolument être prêts à faire face à une montée en puissance des véhicules électriques chinois, a-t-il dit. Nous devons nous assurer que nous disposons d’un levier à actionner au cas où nous devions augmenter les droits de douane. »

Avant 2023, les véhicules électriques fabriqués en Chine représentaient une très petite partie du marché canadien, avec 84 millions de dollars d’importations en provenance de Chine en 2022, soit 1,2 % de la valeur totale de toutes les importations de véhicules électriques.

Cependant, en 2023, alors que Tesla a transféré ses véhicules produits pour le Canada de la Californie vers la Chine, ce montant est passé à 2,2 milliards. Tesla représente actuellement près du tiers de la part de marché canadienne des véhicules électriques.

Cela place la Chine au deuxième rang, derrière les États-Unis, avec 2,8 milliards d’importations.

Tesla a fait ce changement parce que la société devait transférer la plupart de ses ventes américaines à ses usines américaines pour s’assurer qu’elles étaient admissibles à un crédit d’impôt lucratif, qui n’est offert que pour les véhicules électriques fabriqués en Amérique du Nord.