L’industrie de l’énergie solaire aura ses premiers appels d’offres d’Hydro-Québec qui lui seront exclusivement destinés. Le gouvernement du Québec veut réserver un bloc d’électricité de 300 mégawatts (MW) pour cette filière.

Même si Hydro-Québec exploite déjà deux centrales photovoltaïques expérimentales, pour une production totale de 9,5 MW, les appels d’offres réservés permettront à la société d’État de mesurer le potentiel de cette filière au sein du bouquet énergétique québécois, croit le ministre de l’Énergie et de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

« Ça va coûter combien le kilowattheure par rapport aux autres alternatives, incluant l’éolien ? Aussi, ça va être de voir s’il y a des projets qui ont du sens. On va voir. Les gens [promoteurs] vont être innovateurs », explique-t-il en entrevue.

Pour ce bloc énergétique, on vise la mise sur pied de plusieurs petits parcs solaires de « quelques » mégawatts. Ces projets de taille plus modeste en milieu urbain auraient l’avantage de pouvoir se raccorder plus facilement au réseau de distribution de la société d’État.

Les personnes intéressées ont 45 jours pour faire leurs commentaires sur le projet de règlement.

La démarche pourrait représenter un coup d’envoi pour l’industrie solaire, qui est encore peu présente au Québec. En 2022, la capacité de production de cette filière avoisinait près de 22 MW au Québec.

« C’est une très bonne nouvelle, cette annonce, commente Jimmy Royer, vice-président de l’association Énergie solaire Québec. Et 300 MW, c’est un début. Ça pourrait effectivement relancer les programmes d’énergie solaire au Québec. »

En réservant un bloc d’énergie pour le solaire, Hydro-Québec favorisera le développement des connaissances de cette filière d’énergie, croit Frédéric Côté, directeur général de l’organisme de recherche gaspésien Nergica.

« Ce qui est intéressant, c’est qu’on va avoir un appel d’offres qui va mettre en valeur les attributs du solaire. Ça va être très intéressant de voir cette filière-là prendre son envol de façon formelle au Québec. »

Technologie « mal adaptée »

Pour sa part, Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, est moins enthousiaste quant à l’utilité de la filière solaire au Québec. « C’est plus à des fins de relations publiques et pour faire un peu plaisir à certains lobbyistes de l’industrie solaire que ça a été fait », tranche-t-il en entrevue.

M. Pineau juge que l’énergie solaire est « mal adaptée au contexte québécois ». « Ça produit évidemment selon le soleil et les pointes québécoises, elles sont l’hiver, le matin et le soir, quand malheureusement, il fait noir encore. […] Ça amène de l’énergie qui peut être utile, mais qui va être marginalement utile. »

Le professeur souligne qu’Hydro-Québec avait déjà fait des appels d’offres qui étaient ouverts à plusieurs sources d’énergie renouvelable, récemment, mais qu’aucun projet solaire n’avait été retenu. Il y voit une démonstration que l’énergie solaire n’est pas concurrentielle. « Est-ce qu’on a des avantages à développer ça ? »

M. Côté juge, pour sa part, qu’il faut développer plus d’une filière au moment où la transition énergétique nécessitera une augmentation considérable de la production. « Chaque filière a des avantages et des inconvénients, peu importe le choix technologique qu’on fait. »

Il note que la technologie solaire « est de plus en plus abordable » et que les prix « ont chuté drastiquement » au cours des 15 dernières années.

Si les périodes d’ensoleillement ne coïncident pas avec la pointe, les conditions sont tout de même favorables à la production au Québec, souligne M. Côté. « On a un ensoleillement qui est meilleur qu’en Allemagne, par exemple, où il y a beaucoup plus de solaire de déployé. Les températures froides nous aident aussi parce que les panneaux solaires sont plus productifs en température froide ou fraîche. »

Hydro-Québec doit aussi développer son réseau de distribution afin de répondre aux nouvelles capacités de production. Le fait que l’énergie solaire puisse être produite près des lieux de consommation est également un atout, ajoute M. Côté.

« C’est une source d’énergie qui est plus facilement intégrable là sans nécessairement requérir d’investissements additionnels, du moins dans le court terme, de façon importante dans le réseau de transport. »

En février, le Parti libéral du Québec (PLQ) affirmait que le Québec « était à la traîne » dans le développement de cette filière par rapport à l’Ontario, où la capacité de production avoisine les 3000 MW. Des acteurs de l’industrie ont aussi signalé que la capacité de production était inférieure à ce qui se fait en Ontario et aux États-Unis.

« Je ne dirais pas qu’on est grossièrement en retard », rétorque le ministre de l’Énergie.

Hydro-Québec n’avait pas mis le solaire en priorité, notamment en raison des défis liés aux heures d’ensoleillement et parce que les besoins étaient surtout liés à la période de pointe hivernale, explique M. Fitzgibbon. Les besoins d’électricité à venir font en sorte que les arguments en faveur de l’énergie solaire « ont plus de sens », selon lui.

« Au Québec, on n’est pas fort en stockage, mais je pense qu’on va le devenir parce qu’on n’aura pas le choix, avance-t-il. Parce que plus il va y avoir du renouvelable, plus il va y avoir du solaire et de l’éolien, plus ça va être difficile d’équilibrer. Alors, l’équilibrage va se faire entre autres avec du stockage. »