Les débardeurs du port de Montréal souhaitent obtenir des hausses salariales d’au moins 20 % sur quatre ans et la pleine sécurité d’emploi après trois ans. De son côté, leur employeur souhaite « ajuster » le nombre de salariés qui bénéficient de leur sécurité et souhaite un contrat de travail garantissant une paix syndicale jusqu’à la fin de la décennie.

C’est ce qui ressort des cahiers de demandes du Syndicat des débardeurs du port de Montréal, affilié au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), et de l’Association des employeurs maritimes (AEM), obtenus par La Presse. Les documents constituent les points de départ des deux parties dans le cadre des négociations ayant débuté le mois dernier.

Alors que la question de la modernisation figurait parmi les points d’achoppement ayant mené à la grève qui a paralysé le port de Vancouver pendant 13 jours en juillet dernier, elle ne semble pas être au cœur des priorités des demandes de l’employeur, estime Jean-Claude Bernatchez, professeur titulaire en relations de travail à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Celui-ci a analysé l’ensemble des demandes.

« Nous sommes dans un modèle de négociations concessives, estime l’expert. L’AEM souhaite que les conditions de travail puissent mieux s’ajuster à un contexte de décroissance économique alors qu’une récession, selon plusieurs économistes, point à l’horizon. »

Professeur de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal, Jacques Roy est du même avis sur la question de l’automatisation.

« Je ne vois pas de projet d’avoir des robots ou des véhicules autoguidés comme à Rotterdam pour remplacer des débardeurs, explique-t-il. Cela ne veut pas dire que ça ne finira pas par survenir un jour. »

Coup de frein

Les pourparlers entre les deux parties se déroulent sous le signe du ralentissement au port de Montréal. De janvier à août, le volume de conteneurs qui transitent par les quais de la métropole a affiché un recul de 14,5 % par rapport à l’an dernier. En tenant compte du vrac liquide et solide – comme les céréales, le carburant, le kérosène pour alimenter les moteurs d’avions –, le déclin de l’ensemble du trafic est de 3,9 %.

L’employeur souhaite introduire une plus grande flexibilité opérationnelle dans la gestion des ressources humaines et réduire ses coûts de main-d’œuvre.

Jean-Claude Bernatchez, professeur titulaire en relations de travail à l’Université du Québec à Trois-Rivières

Le SCFP plaide pour des hausses salariales annuelles de 5 % ou qui sont ajustées à l’inflation, si elle est plus élevée. En 2023, le salaire moyen d’un débardeur au port de Montréal était d’environ 150 000 $. Dans les ports canadiens, ils sont les seuls à bénéficier de la sécurité d’emploi, un mécanisme qui leur assure un salaire même s’ils ne travaillent pas quand le volume de cargaison est insuffisant.

D’après le document syndical, on souhaite que la période pour accéder à la « pleine sécurité d’emploi » passe de neuf à trois ans, une demande qui risque de ne pas passer auprès de l’AEM, selon le professeur Jacques Roy. De son côté, l’Association aimerait limiter le nombre de débardeurs qui bénéficient de cette sécurité. Il n’y a toutefois pas plus de détails à propos de cette demande.

Plus long ?

Après l’incertitude des dernières années en raison des grèves survenues à l’été 2020 ainsi qu’au printemps 2021, l’AEM propose un contrat de travail d’une durée de six ans dans l’espoir d’instaurer une certaine paix industrielle. Il reste à voir si les représentants des débardeurs accepteront cette demande.

Depuis un an ou deux, avec l’inflation, la hausse du panier d’épicerie, s’engager pour six ans sans connaître l’avenir, je ne suis pas certain que ça sera facile pour le syndicat. Je ne suis pas certain que c’est à leur avantage, à moins d’obtenir le 5 % d’augmentation par année avec l’option d’ajustement à l’inflation.

Jacques Roy, professeur de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal

On ignore, pour l’instant, les demandes salariales de l’AEM. Dans ses demandes, l’employeur indique que « la position relative aux autres clauses à incidence monétaire sera communiquée plus tard ». En entrevue à La Presse le 13 septembre dernier, le représentant syndical Michel Murray avait qualifié cette approche de « cheap shot » patronal.

En savoir plus
  • 18 %
    Hausse salariale sur quatre ans obtenue par les débardeurs du port de Vancouver l’été dernier
    Source : Administration portuaire Vancouver Fraser