À quand la fermeture des centres de rénovation le dimanche ou les soirs de semaine ? Clients et quincaillers s’entendent sur une chose : la décision de réduire les heures d’ouverture serait un « moindre mal », si elle permet d’avoir en tout temps des employés compétents en magasin.

Forts de ce constat, les quincaillers veulent pouvoir convenir entre eux de leurs heures d’ouverture afin d’éviter la concurrence déloyale. Ils feront valoir leur point de vue auprès du Bureau de la concurrence du Canada.

Près de 77 % des marchands sont prêts à faire une concession sur l’horaire plutôt que de réduire le nombre d’employés présents pour répondre aux questions dans les allées. Du côté des consommateurs, ce sont 61 % d’entre eux qui préfèrent cette option : moins d’heures, mais du service en tout temps.

C’est ce qui ressort de deux sondages menés par CROP et par l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), dont les résultats ont été dévoilés jeudi, à Saint-Hyacinthe, à l’occasion du congrès de l’organisation.

« Le marchand est rendu là et le consommateur est prêt à aller là », résume le président et chef de la direction de l’AQMAT, Richard Darveau. Il reconnaît que les deux enquêtes lui donnent les coudées franches pour poursuivre sa croisade sur la réduction des heures d’ouverture.

S’entendre entre marchands

Pour éviter la concurrence déloyale, Richard Darveau souhaiterait que les quincaillers d’une même région puissent s’entendre entre eux pour convenir des mêmes heures d’ouverture. Or, pour le moment, ils s’exposent à des accusations de collusion pouvant entraîner une peine d’emprisonnement ou une amende.

Son association a donc soumis un projet de résolution qui lui donnerait le mandat de contester l’interprétation du Bureau de la concurrence du Canada à ce sujet. La résolution a reçu un appui de 85 %, 55 personnes ont voté. L’AQMAT a l’intention d’aller de l’avant.

L’an dernier, le Bureau de la concurrence avait avisé M. Darveau qu’il était passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 25 millions de dollars ou encore d’une peine de prison s’il encourageait ses membres à s’entendre sur des heures d’ouverture communes.

Des heures déjà modifiées

La Presse avait révélé en début d’année que près de la moitié des quincailleries ont réduit leurs heures d’ouverture en 2022, selon une recension effectuée par l’AQMAT. Sur quelque 800 magasins, 400 ont apporté ce changement.

« On a décidé de fermer les dimanches et les soirs de semaine, indique Nicolas Couture, président de Couture Timber Mart, qui compte quatre magasins dans les Cantons-de-l’Est. Les clients veulent avoir de l’expertise en tout temps. Est-ce que l’expertise veut travailler en tout temps, sept jours sur sept, avec les heures d’ouverture dans le détail ? Non. »

Mais tous n’osent pas modifier leur horaire. « J’ai des membres qui me disent qu’ils voudraient bien réduire leurs heures, mais qu’ils ont peur des conséquences », confie Richard Darveau.

Ainsi, parmi les clients interrogés – des propriétaires résidentiels –, 76 % affirment que des heures réduites en quincaillerie en début de semaine les incommoderaient peu ou pas. Cette proportion passe à 66 % si le commerce affichait fermé un jour de semaine et à 68 % si c’était le dimanche.

De leur côté, 71 % des marchands estiment qu’une fermeture le dimanche ne « serait pas pénalisante » pour les clients. Par contre, l’idée de fermer boutique un jour de semaine rallie peu de quincaillers puisque 87 % affirment que ce n’est pas une bonne idée.

Expertise

Par ailleurs, Richard Darveau table sur l’importance d’offrir de l’expertise en magasin. « Les attentes ne sont pas les mêmes quand tu rentres dans un magasin de vélo, un dépanneur ou une quincaillerie. »

Dans le sondage, près de 53 % des répondants jugent que l’expertise est importante lorsqu’ils mettent les pieds dans une quincaillerie. Cette proportion diminue à 19 % lorsqu’il s’agit d’une épicerie et à 18 % dans le cas d’une boutique de vêtements. « Les clients ont des attentes très élevées en ce qui concerne les relations qu’ils ont avec vos employés, a souligné Stéphane Gendron, vice-président, marketing et sondages d’opinion de CROP, lors de la présentation des résultats. C’est votre police de sécurité business pour l’avenir. »

Selon lui, si le consommateur a un attachement envers un commerce, ils fera un compromis sur des changements d’heures.

Présent au congrès, Manuel Champagne, directeur général de Détail Québec, le comité sectoriel de main-d’œuvre du commerce de détail, a été agréablement surpris par ces données. « Les clients sont beaucoup plus ouverts que je pensais à différents scénarios de [réduction d’heures]. »

Les résultats des deux sondages ont été transmis au cabinet du ministre de l’Écomonie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, ainsi qu’au Conseil québécois du commerce du détail (CQCD) et au Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).