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ChatGPT a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières semaines. Il importe désormais de prendre un pas de recul pour analyser l’impact réel de cette technologie génératrice de contenus.

De nombreux acteurs y travaillent depuis longtemps et sont beaucoup plus avancés que ce dont nous sommes témoins à l’heure actuelle. D’autres technologies de rupture à ce jour moins connues arrivent à grands pas et concernent les images, les vidéos, les sons, les satellites, entre autres.

Une nouvelle séquence de la courte histoire de l’intelligence artificielle s’ouvre, marquée par des gains en performance pour les organisations qui daigneront plonger.

Le domaine de la créativité intellectuelle entre ainsi dans une transformation majeure propulsée avant tout par le potentiel de l’innovation humaine. À l’image de la calculatrice en mathématiques, l’intelligence artificielle générative peut se substituer à l’humain pour certaines tâches telles que la lecture, l’écriture ou le simple fait de faire la conversation.

Elle ne se substituera jamais complètement à l’intelligence humaine. Elle va surtout augmenter ses capacités grâce à l’ingestion et au croisement de volumes d’information gigantesques et à ses capacités de synthèse.

Cette révolution ne se fait pas sans heurts, car elle nous oblige à garder en tête certains enjeux importants liés aux limites des avancements technologiques, notamment la perte de la traçabilité des sources, le temps différé, les erreurs d’interprétation et les biais cognitifs de la technologie, difficiles à corriger.

Malgré tout, nous vivons collectivement une vraie révolution de la connaissance et du savoir, justifiée par le nombre de domaines touchés et l’intensité du bouleversement de l’offre et de la demande : l’éducation et la formation continue, les politiques publiques et même les rapports géopolitiques.

Le coût de ces technologies ne constitue déjà pas une barrière à l’entrée, et ce coût diminuera au fil du temps. Il n’y aura pas de monopole. Les investissements vont couler à flots : pour reprendre l’exemple de la calculatrice, quel gouvernement ou quelle entreprise pourrait se passer de l’intelligence artificielle ?

En même temps, on n’accepterait pas que la calculatrice donne une fois sur deux un résultat erroné. Et c’est là que certaines entreprises et organisations pourraient hésiter à entrer dans la danse. L’enjeu crucial de la précision nécessite une règlementation et un code d’éthique de l’IA, ce qui s’avérera complexe dans un contexte global.

Les déploiements à l’échelle nécessiteront beaucoup de financement de la part de l’industrie des technologies pour atteindre les plus hauts standards de précision et d’exactitude. Des dizaines de milliards seront ainsi investis. Le combat frontal entre l’ensemble des grands acteurs technologiques déjà installés ne fait que commencer et les régulateurs ne pourront pas bloquer les acquisitions ou les alliances.

Des lacs de données

Le rythme et la façon dont cette technologie sera adoptée seront à suivre. Au fil des prochains mois, nous verrons concrètement de quelle façon elle s’insère dans notre quotidien.

Ce véritable nouveau paradigme cognitif du monde du travail va avoir deux conséquences majeures. La première concerne le code informatique. Certains estiment que la productivité de la programmation pourrait être multipliée par 10, générant une impulsion incroyable dans l’accélération de la numérisation et dans le déploiement des métavers.

La seconde transformation est celle de la révolution du travail par l’ajout d’une série de nouvelles fonctionnalités dans la bureautique et le télétravail. Pensons par exemple aux fonctions de résumé, de génération automatique de table des matières ou encore d’autocomplétion rédactionnelle. Les gains de productivité sont ainsi énormes.

Chaque entreprise va lancer ses stratégies de Small Data face au Big Data. En effet, sans suffisamment de données internes, il est impossible d’utiliser la puissance des modèles de type ChatGPT en les influençant suffisamment pour les ajuster avec le niveau d’expertise et de contexte nécessaire, dans des domaines aussi divers que les produits, l’expérience client, la logistique, les ressources humaines ou encore le juridique. Les lacs de données vont enfin trouver de nouveaux débouchés décisifs, laissant les entreprises qui n’en possèdent pas loin derrière.

Pour que les entreprises, et éventuellement tout un chacun, puissent réellement tirer pleinement profit de cette révolution technologique, une mobilisation de l’ensemble de la société sera nécessaire. Les gouvernements devront notamment accélérer de façon draconienne l’accessibilité technologique et économique aux services internet et cellulaires.

Pour un pays comme le Canada, il n’est plus question d’avoir accès à la haute vitesse, il est temps d’abattre les barrières qui briment plusieurs communautés dans l’accès aux plus récentes technologies.

Cette révolution, c’est aussi celle des prochaines générations. Nos jeunes devront être initiés à la puissance phénoménale de l’intelligence artificielle et sensibilisés aux côtés plus sombres de celle-ci dès leur arrivée sur les bancs d’école. Ces bouleversements nous affecteront tous à plus ou moins grande échelle, mais nécessiteront assurément une vigilance accrue et une législation adaptative pour limiter les dérives tout en propulsant l’univers des possibles.