(Québec) Une première à l’Assemblée nationale : le Parti libéral a posé une question rédigée par ChatGPT jeudi au Salon bleu pour demander au gouvernement de resserrer les règles entourant le développement de l’intelligence artificielle (IA). Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a annoncé une consultation non partisane impliquant des experts et l’opposition afin de se doter d’un meilleur cadre éthique.

C’est le député libéral Frédéric Beauchemin qui s’est levé au Salon bleu pour lire une question rédigée par ChatGPT, et portant sur le développement de l’IA et les bouleversements sociaux qu’il provoque. Il a poursuivi avec différentes préoccupations soulevées : la désinformation, la confidentialité des données, l’impact sur les études et le marché du travail.

Le Parti libéral réclamait en fin de semaine une commission parlementaire pour entendre des experts sur le sujet ; Québec solidaire a ajouté sa voix en faveur d’un tel exercice.

Cette demande fait suite à la sortie d’un millier de personnalités et d’experts de l’IA, notamment Yoshua Bengio et Elon Musk, qui ont demandé une pause de six mois dans la recherche concernant ces outils, car ils peuvent présenter de « graves risques pour la société ».

Au Salon bleu, Pierre Fitzgibbon a répondu qu’il a convoqué six experts du milieu de l’IA et les partis de l’opposition à une rencontre mercredi « pour revoir tout le cadre éthique », un « exercice non partisan ». Yoshua Bengio et Luc Vinet, directeur général d’IVADO, font partie des experts invités.

« Il ne s’agit pas de ne plus investir en intelligence artificielle ; au contraire, nos entreprises doivent en bénéficier. Par contre, il est clair que l’encadrement réglementaire, l’encadrement éthique doit être mieux » défini, a plaidé le ministre. « Nous sommes très soucieux des enjeux sociétaux qui ont été décrits dans la lettre » des experts.

« C’est sûr qu’il y a une question de sécurité » liée au développement de l’IA, a ajouté plus tard le ministre lors d’une courte mêlée de presse. « On parle de robots tueurs, on ne veut pas ça. On ne veut pas que nos chercheurs fassent des choses au niveau algorithme qui vont servir à de mauvaises fins. Il faut contrôler l’utilisation de l’IA. »

Selon lui, le Québec a la chance d’avoir des experts reconnus dans le domaine et une « position dominante » dans le monde en matière d’IA grâce aux investissements réalisés par les différents gouvernements au fil des ans.

« 2019, c’est le siècle dernier »

De son côté, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, a voulu apporter des nuances aux propos son collègue, faisant valoir que, grâce à lui, un cadre réglementaire en matière d’IA existe déjà notamment avec sa loi 25 de 2019. « Est-ce qu’il faut continuer à réfléchir à renforcer le cadre éthique réglementaire ? On est très ouverts à ça », a-t-il soutenu.

Le député de Québec solidaire, Haroun Bouazzi, a mis en doute la réponse du ministre Caire. « 2019, c’est le siècle dernier en intelligence artificielle. Il s’est passé bien des choses depuis 2019. On va perdre des jobs, il faut réinventer la fiscalité, il faut imaginer une réorientation des gens qui vont perdre leur job. Le ministre nous parle de la loi 25. L’Italie a fermé ChatGPT parce qu’ils avaient peur de l’utilisation des données personnelles. Je le mets au défi de nous dire si ChatGPT respecte la loi 25 », a-t-il affirmé.

Selon lui, la consultation annoncée par Pierre Fitzgibbon est insuffisante. « On a un processus qui est prévu ici à l’Assemblée nationale pour que le débat soit public, pour que les Québécoises et les Québécois puissent avoir des réponses à leurs inquiétudes, pour que toutes personnes qui veulent participer puissent déposer un mémoire. Et ce qui est présenté aujourd’hui n’est en rien une réponse à ces inquiétudes. »

Il a illustré l’ampleur des inquiétudes liées à l’essor de l’IA. « Quand une voiture décide d’écraser un piéton plutôt qu’entrer dans un poteau, c’est qui qui est responsable ? Quand une personne dépressive qui se fait suivre par [l’] intelligence artificielle décide de mettre fin à sa vie, c’est qui qui est responsable ? Quand [l’] intelligence artificielle a investi les réserves d’un citoyen dans un fonds frauduleux, qui est responsable ? Quand [l’] intelligence artificielle répond à une demande pour créer 100 000 tweets frauduleux pendant une élection, qui est responsable ? Qu’est-ce qui va arriver avec nos données personnelles ? » a-t-il lancé.

Pierre Fitzgibbon a mentionné que sa consultation de mercredi pourrait être suivie par une commission à l’Assemblée nationale. « On verra par après s’il faut continuer le processus sur une base plus parlementaire », a-t-il dit.

La question rédigée par ChatGPT et lue par le libéral Frédéric Beauchemin

« Je souhaite adresser ma question au ministre de l’Économie concernant l’impact de l’intelligence artificielle sur notre économie. Avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle, de nombreux secteurs économiques sont en train d’être transformés, et les métiers sont en train d’évoluer. Dans ce contexte, j’aimerais savoir comment le gouvernement du Québec compte accompagner cette transition vers une économie de plus en plus numérique et automatisée tout en assurant la protection des emplois et la compétitivité de notre province. Pouvez-vous nous indiquer les mesures concrètes que votre ministère prévoit de mettre en place pour encourager l’utilisation de l’intelligence artificielle et les entreprises et les industries tout en assurant la protection des travailleurs ? »