Après les libéraux en fin de semaine, Québec solidaire réclame à son tour une commission parlementaire pour entendre des experts sur « les avancées » des applications d’intelligence artificielle (IA), dont la plus connue est ChatGPT.

« En tant qu’élus, il est de notre devoir de prendre un temps d’arrêt pour réfléchir collectivement aux moyens que nous avons pour comprendre, prévoir et encadrer ces changements extrêmement rapides », a martelé dimanche le critique solidaire en Cybersécurité et Numérique, Haroun Bouazzi.

Le député de Maurice-Richard estime qu’il faut « d’un côté, faire profiter le bien commun du progrès en cours », mais qu’il faut aussi protéger « la société québécoise des effets néfastes potentiels ». À ses yeux, le gouvernement « semble souvent pris au dépourvu face aux développements technologiques qui opèrent dans des vides juridiques ».

« Ce que nous avons vécu avec Uber ou Airbnb n’est rien devant les changements majeurs qui nous attendent dus à l’intelligence artificielle. Ces technologies se développent à un rythme effarant. Tenir une commission parlementaire dès cette session devrait être une priorité », maintient M. Bouazzi.

Plus tôt, vendredi, le Parti libéral du Québec (PLQ) avait aussi demandé que la Commission de l’économie et du travail « se saisisse d’un mandat d’initiative sur l’émergence et le développement de la technologie d’intelligence artificielle GPT et les bouleversements que son avènement entraînera sur le marché du travail québécois ».

« Nous espérons une réponse positive du gouvernement. Depuis l’arrivée de ChatGPT, ma curiosité a été piquée. Il sera impossible de remettre la pâte dans le tube de dentifrice, mais comme je le suggère, il est essentiel de se pencher sur l’IA et nous devons mettre les balises qui représentent l’humain », avait soutenu le critique libéral en matière d’innovation, Frédéric Beauchemin.

« Ça fait peur »

Au cabinet du ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, on a rétorqué dimanche que « l’IA connaît un essor rapide » et que « c’est un enjeu qui nous préoccupe comme gouvernement pour lequel nous avons déjà posé des gestes et que nous continuons d’étudier ». « Nous allons toutefois laisser la commission analyser la demande de l’opposition », a toutefois expliqué l’entourage du ministre.

Le tout survient alors que cette semaine, plus d’un millier de personnalités et d’experts de l’intelligence artificielle (IA), notamment Yoshua Bengio et Elon Musk, ont demandé une pause de six mois dans la recherche entourant ces outils, jugeant qu’ils peuvent présenter de « graves risques pour la société ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Yoshua Bengio

« On a vraiment fait des progrès extraordinaires en IA dans les dernières années, a déclaré Yoshua Bengio, une sommité montréalaise considérée comme un des trois parrains de l’apprentissage profond à la base de robots comme ChatGPT, lors d’un webinaire avec des journalistes. C’est un potentiel bénéfique énorme et ça fait peur : je ne crois pas que la société soit prête à faire face à cette puissance. Il faut donc prendre le temps d’étudier, de ralentir cette course commerciale. »

Rappelons que c’est l’arrivée, en novembre dernier, de ChatGPT-3.5, un robot conversationnel qui simule d’une façon inédite le langage, qui a été l’élément déclencheur de cette initiative. Dans le milieu de l’intelligence artificielle, le lancement récent de la version 4.0 encore plus performante fait craindre une perte de contrôle de systèmes d’IA encore plus puissants.

Jeudi, La Presse rapportait d’ailleurs qu’au gré de ses fabulations, le modèle de langage d’OpenAI – l’entreprise derrière ChatGPT – invente des crimes et génère des affirmations diffamatoires. Au gré des échanges, ChatGPT également fabulé un scandale financier impliquant une chanteuse populaire, puis une ancienne députée caquiste.