La campagne de gel des prix sur 1500 produits de marque Sans nom chez Maxi et Provigo, vivement critiquée par de nombreux observateurs qui y voyaient là une simple stratégie de marketing, a visiblement atteint sa cible. Plus de la moitié des consommateurs canadiens sont convaincus que cette initiative a pour effet de réduire leur facture d’épicerie. Un raisonnement erroné, préviennent toutefois les experts.

Le gel de prix annoncé par Loblaw en octobre permet de faire des économies au supermarché, estiment 65,2 % des consommateurs au pays. C’est du moins ce que révèle un rapport publié ce jeudi par le Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, à la suite d’un sondage mené auprès de 5530 répondants.

Selon le coup de sonde, « 47,5 % des Canadiens ont l’intention d’acheter plus de produits alimentaires étiquetés Sans nom qu’ils ne le feraient normalement en raison du gel des prix ». Au Québec, ce sont 53,1 % des répondants qui ont manifesté cette intention.

Or, mettre les fameux produits connus pour leur emballage jaune dans son panier, au lieu d’opter pour d’autres marques, ne signifie pas nécessairement que l’on fait des économies, souligne Christian Desîlets, professeur de publicité à l’Université Laval.

Les consommateurs ont pris « un raccourci cognitif qu’il était tentant de faire », mais qui est tout de même erroné, soutient Christian Desîlets. « Ce que les consommateurs ont retenu, c’est que Maxi faisait un effort pour alléger les prix. En français, ils ont traduit ça par : “Ça va coûter moins cher”. »

« Un gel des prix veut dire qu’on va cesser d’augmenter les prix pendant une période déterminée », ajoute M. Desîlets. Mais les produits de marque Sans nom ne sont pas nécessairement toujours moins chers que ceux des autres marques privées ou nationales, dont les prix varient en fonction des promotions offertes.

La semaine dernière, par exemple, le cheddar blanc Sans nom (format de 400 g) coûtait 5,99 $, alors que dans la même enseigne, celui de marque Le Choix du Président – dont les prix ne sont pas gelés – coûtait 5,49 $. Du côté de Metro, le même fromage de marque Sélection était aussi annoncé à 5,99 $.

Ce raisonnement fait par les consommateurs a également « surpris » Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire. « Dans la réalité, s’il y a un gel de prix, ça ne veut pas dire que c’est moins cher », rappelle-t-il également.

« Geler des prix pour Maxi, ça veut dire essayer de continuer la croissance en attirant davantage les consommateurs vers ses produits maison plutôt que de les laisser aller vers des marques nationales, ajoute pour sa part Christian Desîlets. C’est sûr que ce n’est pas une bonne nouvelle pour les concurrents, soutient-il. J’ai l’impression qu’ils vont réagir. Ce que les autres chaînes vont prendre en considération, c’est que le gel de prix est interprété par la population comme une baisse. »

Toutefois, les autres enseignes comme IGA et Metro ne s’aventureront pas sur le terrain des gels de prix, croit Sylvain Charlebois, qui souligne qu’elles n’ont pas le même modèle d’affaires que Loblaw. Les spécialistes consultés croient néanmoins que la campagne de gel de prix pourrait redorer le blason de l’ensemble des marques privées, perçues comme étant moins chères.

Garantie du prix le plus bas

Par ailleurs, le rapport montre également que « 64,4 % des répondants estiment que [la politique du prix le plus bas] est une meilleure stratégie que de geler les prix pendant une période déterminée ».

« C’est là qu’on pourrait voir une réaction des enseignes contre le gel de Loblaw, indique M. Charlebois. Une garantie de bas prix, c’est n’importe quand, il n’y a pas de limite de temps. »

Or, cette garantie n’est pas offerte partout. En avril, un article paru dans La Presse rapportait que Loblaw avait noté « une forte augmentation du nombre de gens qui tirent avantage du programme Imbattable ».

Le principe est simple : « Si un client voit un produit annoncé moins cher ailleurs, on va égaler le prix », indiquait alors Johanne Héroux, directrice principale, affaires corporatives et communications, de Loblaw.

Le consommateur doit alors fournir une preuve – circulaire, photo – que l’article est moins dispendieux chez le compétiteur.

Du côté d’IGA, la politique ne s’applique pas sur tous les produits. « Si [un concurrent] offre un prix inférieur sur tout article que nous affichons en circulaire avec une pastille “Prix imbattable”, nous vous vendrons cet article pour 1 cent de moins que le prix en vigueur du concurrent sur présentation de la circulaire du concurrent ou de votre facture », peut-on lire sur le site internet de l’enseigne.

Metro n’offre pas ce type de garantie.

Rappelons que le gel de prix chez Maxi et Provigo prendra fin le 31 janvier 2023.