(Québec) Alors que son projet de ligne de transport visant à exporter de l’électricité en Nouvelle-Angleterre vient d’obtenir l’autorisation de Québec, Hydro-Québec a dépensé 1 million de dollars canadiens afin de promouvoir son corridor énergétique au Maine, où il se retrouvera au cœur d’un référendum en novembre.

Selon des documents récemment déposés auprès de la Commission d’éthique du Maine par le comité « Hydro-Québec Maine Partnership », qui a été mis sur pied par la société d’État, les sommes ont essentiellement été consacrées à des honoraires de services professionnels ainsi que la rémunération de personnel et de consultants.

Depuis l’an dernier, c’est ainsi 8,4 millions CAN qui ont été consacrés par Hydro-Québec au sud de la frontière pour mousser le New England Clean Energy Connect (NECEC). En novembre 2020, le corridor énergétique devait faire l’objet d’une consultation populaire, mais la démarche référendaire des opposants avait été déclarée inconstitutionnelle par le plus haut tribunal de l’État américain avant la tenue du scrutin.

Au total, plus de 10 millions CAN avaient été injectés dans ce comité d’action politique.

« Nous continuons notre campagne d’information, a expliqué une porte-parole de la société d’État, Lynn St-Laurent, au cours d’un entretien téléphonique. On voit qu’elle a un impact positif. Rien ne nous empêche de procéder à cette campagne. C’est très transparent. »

La première tentative référendaire tournait autour du certificat octroyé au projet par la commission des services aux collectivités du Maine. Cette fois-ci, les opposants souhaitent forcer une consultation populaire qui obligerait des lignes de transport d’électricité à haute tension — comme le NECEC — à obtenir l’appui des deux tiers de la législature de l’État pour aller de l’avant.

Hydro-Québec mise grandement sur le NECEC pour acheminer 9,45 térawattheures d’hydroélectricité par année pendant 20 ans au Massachusetts dans le cadre d’un contrat dont les revenus sont estimés à environ 10 milliards US. Au sud de la frontière, le tracé doit emprunter le territoire du Maine.

Le comité « Clean Energy Matters », dans lequel on retrouve le partenaire américain de la société d’État, a de son côté dépensé 5,6 millions alors qu’un comité appuyé par des compagnies du secteur pétrolier et gazier a injecté plus de 2,5 millions.

Hydro-Québec pourrait potentiellement perdre le droit de continuer à dépenser de la sorte au Maine. En soulevant des craintes d’ingérence étrangère lorsqu’un vote encadré par l’État doit se tenir, le sénateur républicain Richard Bennett a récemment déposé un projet de loi qui interdirait à une entité établie à l’extérieur des États-Unis d’agir comme Hydro-Québec le fait actuellement.

En territoire américain, le tracé est estimé à 233 kilomètres et les travaux ont déjà débuté. Le permis présidentiel, la dernière d’une série d’autorisations à obtenir, avait été octroyé en janvier dernier. Au Québec, l’interconnexion des Appalaches-Maine doit s’étendre sur 103 kilomètres depuis le poste des Appalaches jusqu’à la frontière. En décembre dernier, le Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avait rendu un avis favorable sur le tracé.

« Cette autorisation gouvernementale est une étape majeure dans la réalisation du projet et dans le positionnement du Québec comme la batterie verte du nord-est de l’Amérique », a fait valoir le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, dans un communiqué.

Le corridor Appalaches-Maine attend encore l’approbation de la Régie de l’énergie du Canada, dont la décision est attendue avant la fin du printemps. On devrait retrouver plus de 275 travailleurs sur le chantier au Québec, un chiffre qui devrait atteindre 400 en période de pointe des travaux.

Parallèlement aux opposants du Maine, le corridor énergétique est également contesté par cinq communautés autochtones du Québec et la Nation innue du Labrador, qui ont demandé à la Régie de l’énergie de bloquer le projet. Avec une communauté autochtone du Maine, elles ont aussi formulé la même demande à l’administration démocrate du président Joe Biden.

Elles reprochent à la société d’État de vouloir engranger des profits avec son projet sans avoir offert une compensation pour l’utilisation de leurs terres ancestrales depuis des décennies pour produire de l’hydroélectricité.