(Ottawa) Le président américain Donald Trump a annoncé jeudi que son gouvernement imposera de nouveau des tarifs douaniers sur l’aluminium canadien.

M. Trump a signé un décret pour prélever des droits de 10 % sur les importations d’aluminium primaire en provenance du Canada.

« Le Canada a profité de nous, comme d’habitude, s’est-il défendu. Nos alumineries sont décimées par le Canada. C’est injuste pour nos emplois et nos formidables travailleurs de l’aluminium. »

Au cours d’un discours prononcé dans une usine de Whirlpool dans l’État stratégique de l’Ohio, M. Trump a vanté ses politiques fiscales visant à défendre, selon lui, les travailleurs américains. Il a notamment cité les conflits avec la Chine, le nouvel accord de libre-échange nord-américain et le recul du gouvernement canadien sur les produits laitiers.

Le spectre de nouveaux tarifs est apparu en juin lorsque les producteurs canadiens ont été incapables de stopper la production même si leurs clients habituels étaient paralysés par la pandémie. Les alumineries canadiennes — essentiellement au Québec — ont alors été forcées de fabriquer une forme d’aluminium plus générique et de l’expédier dans des entrepôts aux États-Unis.

Un certain nombre d’entreprises américaines se sont plaintes d’une augmentation soudaine des importations canadiennes d’aluminium aux États-Unis.

M. Trump a ajouté que l’imposition de droits douaniers au Canada avait été recommandée par le représentant américain au Commerce, Robert Lightizer.

Il a rappelé que son gouvernement avait accepté d’annuler les tarifs en 2019 parce que le Canada avait promis « de ne pas inonder notre pays de ses exportations et de ne pas nuire à nos emplois dans le milieu de l’aluminium, mais c’est exactement ce qu’il a fait. »

« Les producteurs canadiens ont rompu leurs promesses “, a soutenu M. Trump.

Réactions canadiennes

La vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, a déclaré jeudi soir que la décision de M. Trump “est injustifiée et inacceptable ».

« L’aluminium canadien ne compromet pas la sécurité nationale des États-Unis, a souligné Mme Freeland. L’aluminium canadien renforce la sécurité nationale des États-Unis depuis des décennies dans le cadre d’une coopération inégalée entre nos deux pays. Le Canada est un fournisseur fiable d’aluminium pour les fabricants américains générateurs de valeur ajoutée. »

Mme Freland a fait savoir que « le Canada a [vait] l’intention d’imposer rapidement des contre-mesures de valeur égale ».

L’annonce américaine a aussi fait grimacer les politiciens, les entreprises et les syndicats canadiens.

Le premier ministre du Québec, François Legault, s’est dit « très déçu de la décision de Donald Trump d’imposer des tarifs sur les importations d’aluminium ». Sur son compte Twitter, il a mentionné avoir demandé au premier ministre fédéral Justin Trudeau « d’imposer des tarifs sur des produits américains en représailles ».

Son ministre de l’Économie Pierre Fizgibbon a renchéri en qualifiant l’annonce « d’injustifiée » et en prédisant qu’elle « fera mal au secteur manufacturier des deux côtés de la frontière ».

La cheffe du Parti libéral Dominique Anglade a demandé à M. Legault « de former immédiatement une cellule de crise avec les acteurs concernés de notre industrie de l’aluminium pour trouver rapidement des solutions ».

À l’instar de M. Legault, l’Association de l’aluminium du Canada s’est dite « très déçue » et a exhorté le gouvernement fédéral à envisager « toutes les options de représailles ».

« Il n’y a pas de hausse marquée pour 2020 par rapport à 2019, les anomalies mensuelles ne provoquent pas une hausse marquée annuelle, elles sont simplement le résultat de l’évolution de la dynamique du marché en temps de crise », a déclaré le président et chef de direction de l’association, Jean Simard, dans un communiqué.

Le groupe a plutôt fait état d’une baisse de 2,6 % des exportations globales de produits primaires de mai à juin, alors que les importations américaines de métal primaire en provenance du Canada pour les six premiers mois de l’année 2020 ont été de près de 5 % inférieures à la même période en 2017.

Le syndicat des Métallos a fait écho aux demandes de représailles.

« Le gouvernement canadien doit répondre par des mesures tarifaires sur une vaste gamme de produits américains au vu du mépris de l’administration Trump de l’entente de 2019 et en l’absence de toute justification pour imposer une surtaxe de “sécurité nationale” sur l’aluminium canadien, a réclamé le directeur canadien des Métallos, Ken Neumann. Il est maintenant temps pour le Canada de défendre les travailleurs canadiens de l’aluminium. »

Le Bloc québécois a lui aussi demandé au gouvernement fédéral d’imposer des « contre-tarifs douaniers », d’investir les revenus provenant de ces contre-tarifs dans la modernisation et la transformation de l’aluminium au Québec et de rendre compte rapidement de l’état des sommes prélevées lors du dernier conflit et de son usage, tout en réservant les sommes résiduelles pour le secteur de l’aluminium du Québec.

« Nous devons faire preuve de force, de rigueur et de détermination pour protéger notre monde et notre secteur de l’aluminium, sans équivoque et sans compromis. Il faut aussi développer le marché intérieur en favorisant la transformation », a déclaré le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, par communiqué.

De son côté, le Parti conservateur a préféré s’en prendre à Justin Trudeau plutôt qu’à Donald Trump. « Le gouvernement Trudeau met le Canada dans une position plus faible pour contester ces tarifs en raison des concessions faites lors de la dernière ronde de négociations commerciales. Le Canada peut riposter uniquement sur les mêmes produits, ce qui désavantage notre pays sur le plan stratégique », ont déclaré les députés Richard Martel, Richard Hoback, Leona Alleslev et Collin Carrie dans un communiqué.

Au début de juillet, le premier ministre Trudeau avait demandé au président américain d’y réfléchir à deux fois avant d’imposer de nouveaux tarifs sur l’aluminium canadien. Il avait alors plaidé que les alumineries canadiennes, ralenties par la pandémie, reviendraient bientôt à la production d’aluminium spécialisé, à valeur ajoutée, pour le secteur automobile américain.