Qu’en pensent l’industrie et les camionneurs ?

« Presque tous les chauffeurs sont d’avis que l’ajout de miroirs antéviseurs est une solution utile ou très utile pour détecter efficacement les usagers vulnérables en milieu urbain », écrit Sébastien Bédard, ingénieur au ministère des Transports du Québec (MTQ), dans une synthèse des résultats d’une étude menée avec Polytechnique Montréal en 2017 et 2018.

Jean Chartrand, président de la Section locale 106 du syndicat des Teamsters, indique que l’association de camionneurs soutient « pleinement l’adoption des miroirs antéviseurs » pour les camions, bien qu’elle ne soit pas une « panacée ». « Ces dispositifs sont non seulement bénéfiques pour la sécurité des usagers de la route, mais ils facilitent également la tâche des camionneurs lorsqu’ils doivent manœuvrer dans des espaces restreints ou stationner dans des lieux compliqués. »

À l’Association du camionnage du Québec (ACQ), le président-directeur général Marc Cadieux affirme qu’il ne s’opposerait pas à un renforcement législatif qui n’est pas « mur à mur ».

Si un camion est en grande promiscuité avec le tissu urbain, oui, les antéviseurs seraient grandement souhaitables.

Marc Cadieux, président-directeur général de l’ACQ

M. Cadieux précise que chaque mort ou chaque blessé grave impliquant un camion entraîne « non seulement une facture de société, mais aussi une facture corporative ». C’est sans compter les nombreux chauffeurs aux prises avec des chocs « nerveux » ou post-traumatiques après un accident.

L’ACQ est moins convaincu de l’utilité des antéviseurs sur le réseau autoroutier, comme le soutient d’ailleurs la recherche. « Si on est réaliste, sur les grandes routes d’un pays nordique, plus il y a d’équipements qui accumulent de la neige, moins ça devient utile », note M. Cadieux.

Comment New York a-t-il légiféré ?

IMAGE TIRÉE D’UNE FICHE DE LA VILLE DE NEW YORK

Selon le règlement en vigueur dans la ville de New York, les antéviseurs (cross over mirrors) doivent permettre de voir une cible de trois pieds à un pied devant le camion.

En 2011, l’État de New York a pris les devants. Le gouverneur démocrate Andrew Cuomo a ratifié une loi pour rendre obligatoire l’installation d’un antéviseur (cross over mirror) sur tous les véhicules commerciaux de plus de 26 000 livres enregistrés dans l’État de New York et circulant dans les villes de plus de 1 million d’habitants, à l’exception des autoroutes.

M. Cuomo était persuadé que cette « étape nécessaire » allait sauver des vies. Un garçon de 4 ans venait d’être tué sur son tricycle après avoir disparu sous le nez d’un camion de livraison à Brooklyn. « Il faut que la législature de l’État agisse et qu’elle le fasse maintenant, avant qu’une autre vie précieuse ne soit interrompue », avait déclaré le maire de l’époque, Michael Bloomberg, en conférence de presse.

Le règlement est entré en vigueur dans la ville de New York en 2012 ; les miroirs doivent permettre de voir une cible de trois pieds à un pied devant le camion.

À l’échelle des États-Unis, 71 % des piétons tués par un poids lourd se trouvaient devant le véhicule lors de la collision, selon une étude du département de Transports américain publiée en mai 2020.

Que dit la loi au Québec ?

« Tout véhicule, autre que la motocyclette et le cyclomoteur, doit être muni d’au moins deux rétroviseurs en bon état, solidement fixés et placés, le premier à l’intérieur, au centre de la partie supérieure du pare-brise, et l’autre, à l’extérieur à gauche du véhicule », indique la SAAQ.

Le règlement fédéral sur la sécurité des véhicules automobiles exige quant à lui que les camions neufs soient aussi équipés d’un rétroviseur extérieur du côté passager.

La majorité des camions de livraison disposent en outre de miroirs convexes – à grand angle – installés à l’avant de leur capot. L’Association du camionnage du Québec verrait d’un bon œil que Transports Canada les exige auprès des constructeurs.

La SAAQ conseille de ne pas retirer les rétroviseurs convexes au profit des miroirs antéviseurs ; lorsque cela est possible, ces derniers doivent être ajoutés à l’arsenal sécuritaire.