(Montréal) Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a annoncé vendredi 1 452 000 $ supplémentaires pour prévenir les surdoses, qui sont en hausse dans le Grand Montréal. Pour les organismes concernés, ces nouvelles sommes ne serviront qu’à rétablir les services.

« On manquait de bonnes nouvelles, et là, on en a », s’est réjouie Annie Aubertin, directrice générale de Spectre de rue, présente aux côtés de Lionel Carmant en conférence de presse. L’an dernier, l’enveloppe de l’organisme avait été réduite, le forçant à diminuer les heures de service du centre d’injection supervisée.

Les sommes de 300 000 $ accordées respectivement à Spectre de rue, à Cactus Montréal, à L’Anonyme et à Dopamine, des organismes en prévention des méfaits, permettront de redonner un « souffle », selon la directrice générale. Le financement, qui sera renouvelé chaque année, assurera une stabilité dans les heures de service, afin d’éviter qu’un usager se retrouve face à une porte fermée, a souligné Jean-François Mary, directeur de Cactus Montréal, aussi présent pour l’annonce.

La « tempête » n’est toutefois pas finie, soutient Annie Aubertin. Elle souligne que la question des surdoses s’inscrit dans une crise plus large, notamment un manque de logement et de services en santé mentale.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Annie Aubertin et Lionel Carmant dans les bureaux de l’organisme Spectre de rue

Des « miettes » dans une situation critique

« Ce qui a été annoncé ce matin, c’est des miettes quand on constate l’ampleur et les ravages de la crise de l’itinérance et des opioïdes à Montréal », a réagi Benoit Langevin, porte-parole de l’opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal en matière d’itinérance, par courriel. D’après M. Langevin, le gouvernement du Québec ne répond pas à l’augmentation importante des besoins et ne fait que rétablir ce qui a été coupé.

Sur Twitter, la mairesse Valérie Plante a accueilli la « bonne nouvelle », tout en soulignant l’importance de « poursuivre les efforts pour plus de logements sociaux, plus de ressources dédiées et plus de services en santé mentale ».

« Un pas à la fois », a indiqué Lionel Carmant, qui se dit conscient de l’augmentation de l’itinérance. « Si on met tous les efforts sur une chose, on rate le reste. »

Le ministre a laissé entendre que 200 logements supervisés pourraient être annoncés prochainement pour les quartiers Ville-Marie et Hochelaga.

Questionné à propos du manque de leadership du gouvernement en matière d’itinérance, le ministre a affirmé ne « jamais avoir lancé la balle » à quelqu’un d’autre. « Je suis là pour appuyer, a-t-il déclaré. Il faut que les municipalités me disent où vont aller les services et qui va les gérer. »

La conseillère municipale et responsable du dossier de l’itinérance au comité exécutif de la Ville de Montréal Josefina Blanco a salué l’annonce. Elle n’a pas l’impression que le gouvernement remet la responsabilité de la crise d’itinérance entre les mains de la Ville.

« Les municipalités sont les experts, avec les organismes communautaires qui sont en première ligne », a souligné la conseillère municipale.

« La situation demeure critique, a-t-elle ajouté. La solution est collective. »

Des services dignes d’une « salle d’urgence »

Chaque jour, environ 200 personnes utilisent la salle de consommation de Cactus Montréal, située rue Berger, dans l’arrondissement de Ville-Marie. « C’est quasiment une [salle d’] urgence », a estimé Jean-François Mary, le directeur général de l’organisme.

Pour les organismes concernés, le financement supplémentaire « change le jeu totalement », a-t-il affirmé. Or, le directeur général est conscient qu’il s’agit d’« une pierre dans un édifice ».

Dans sa vision à long terme, Annie Aubertin souhaiterait que les services soient accessibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ce que ne permettent pas les sommes actuelles.

Pour la directrice générale de Spectre de rue, le centre d’injection supervisée n’est qu’un des besoins des personnes qui y ont recours, et le financement demeure alors « cloisonné ».

La décriminalisation des drogues pourrait également « éviter une stigmatisation inutile », selon Annie Aubertin. La question n’est pas dans les cartes du gouvernement, a précisé Lionel Carmant.

« Je suis là pour les aider, pas pour les cacher », a tenu à souligner le ministre, en faisant référence aux usagers des services des quatre organismes.

Une somme de 252 000 $ ira aussi à la Direction de santé publique pour le développement de nouveaux services de consommation supervisée et de vérification des drogues, alors que de nouvelles substances font des victimes.