La situation aux urgences de l’Hôpital général du Lakeshore, à Pointe-Claire, est « très difficile » et « cristallisée dans les mauvaises habitudes », a révélé jeudi un rapport d’enquête indépendant. Afin d’améliorer ces conditions, un bâtiment modulaire accueillera temporairement les urgences dès novembre prochain.

L’enquêtrice indépendante Francine Dupuis a noté « des lacunes significatives » dans l’organisation des services et a formulé 135 recommandations, a-t-elle annoncé en conférence de presse jeudi.

Elle rapporte une « culture » toxique aux urgences, y compris de nombreuses tensions entre les professionnels, les cadres, les urgentologues et les spécialistes. « Beaucoup d’énergie est consacrée à se défendre et à blâmer l’autre », note l’enquêtrice dans son rapport.

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L’enquêtrice indépendante Francine Dupuis, jeudi en conférence de presse

En février, le quotidien Montreal Gazette avait révélé qu’il y avait eu, au cours des quatre dernières années, un nombre croissant de décès de patients qui auraient pu, selon le personnel des urgences, être évités et dont les véritables circonstances n’avaient jamais été communiquées aux familles.

On rapportait notamment l’histoire d’un policier à la retraite avec des pensées suicidaires qui s’est donné la mort après avoir été laissé sans surveillance dans un couloir pendant plus de 14 heures.

Devant ces révélations troublantes, le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait demandé le déclenchement d’une enquête indépendante.

De nombreux problèmes étaient pourtant déjà connus. Un rapport rédigé par la médiatrice Marie Boucher, déposé en octobre dernier, qualifiait les urgences de l’hôpital de « bombe à retardement » pour le personnel soignant et les patients. Elle avait soumis une série de recommandations à la direction.

Un bâtiment temporaire

Pour améliorer les conditions du personnel et répondre à la vétusté des urgences, un bâtiment modulaire accueillera temporairement les urgences dès novembre prochain, a annoncé jeudi le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

« L’urgence a été bâtie dans les années 80. C’est un bloc carré avec des salles d’examen et des champs de vue qui ne sont pas idéals », a déclaré Dan Gabay, président-directeur général du CIUSSS.

Ce nouveau bâtiment permettra d’offrir à la population et aux employés « une urgence conforme aux normes et des civières supplémentaires », a indiqué le CIUSSS par voie de communiqué. Cet établissement temporaire accueillera également le groupe de médecine de famille universitaire qui permettra de rediriger les patients des urgences classés dans l’échelle de priorité parmi les cas les moins graves (niveaux 4 et 5).

« De la poudre aux yeux »

De nombreux syndiqués se sont présentés à la conférence de presse, pancarte à la main, pour faire valoir leur point de vue. « C’est de la poudre aux yeux », a lancé Johanne Riendeau, présidente du Syndicat des professionnelles en soins de santé de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

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Plusieurs syndiqués de l’Hôpital général du Lakeshore se sont présentés à la conférence de presse pour faire valoir leur point de vue, jeudi.

Elle déplore que les rapports et leurs recommandations s’accumulent sans avoir d’effet concret sur la situation des employés. « Il y a 135 recommandations dans le rapport. Dans le rapport d’une experte qu’on a eu en octobre 2022, il y avait 14 recommandations et l’employeur tarde à les appliquer », ajoute-t-elle.

« Nous voulons bien croire en ce rapport, mais il est difficile d’y croire, surtout quand il est dit qu’il y aura un virage technologique et la numérisation des dossiers quand nous savons que ça fait bientôt 10 ans que c’est implanté dans le secteur de l’ancien CSSS Dorval-Lachine-LaSalle. Présentement, il y a seulement les CLSC et deux départements à l’hôpital de LaSalle où les dossiers sont numérisés », a renchéri la présidente locale du Syndicat québécois des employées et employés de service, Maryse Valiquette.

Des employés des urgences ont tenu un sit-in la fin de semaine dernière. « Il y a un manque criant d’infirmières à l’urgence du Lakeshore. Dimanche, il manquait six infirmières sur treize, a déclaré Mme Riendeau. C’est difficile de faire rouler une urgence quand il manque d’expertise. »