(Ottawa) Le Parti conservateur et le Bloc québécois pressent le gouvernement Trudeau de mettre fin au « supplice » que vit David Johnston en lui retirant son mandat de rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère, comme l’exige une motion adoptée mercredi par une majorité des députés à la Chambre des communes.

Au lendemain de ce vote sans précédent, le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre est revenu à la charge en exigeant le congédiement du rapporteur spécial et le déclenchement d’une enquête publique sur l’ingérence étrangère en bonne et due forme.

Il a réitéré cette demande tandis qu’un sondage révèle que seulement 27 % des Canadiens croient que David Johnston est « crédible » et « impartial » pour s’attaquer au dossier de l’ingérence étrangère.

Ce sondage, mené par la firme Léger pour le compte du National Post, donne un nouvel élan à la tempête politique qui secoue le gouvernement Trudeau depuis plusieurs semaines.

Mercredi, la Chambre des communes a formellement demandé à M. Johnston de tirer sa révérence en adoptant une motion parrainée par le NPD par un vote de 174 à 150.

Dans une déclaration émise après ce vote, le principal intéressé a réagi en disant qu’il « respecte profondément » que la Chambre des communes exprime ainsi son « opinion », mais il a insisté pour dire que « mon mandat émane du gouvernement » et qu’il a la ferme intention de le terminer.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du NPD Jagmeet Singh

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, s’est dit « très déçu » de la réponse de l’ancien gouverneur général, nommé en mars par Justin Trudeau pour se pencher sur les allégations d’ingérence étrangère. Il a soutenu, « avec tout le respect que je dois aux services rendus par M. Johnston », que cela « manque de sérieux ».

Nous sommes confrontés à une crise de confiance dans nombre de nos institutions et certains gouvernements étrangers tentent d’exploiter cette situation pour éroder davantage la confiance et attaquer l’intégrité de notre système électoral.

Jagmeet Singh, chef du NPD

« Je suis très déçu par le manque de compréhension de l’importance d’un tel vote appelant à son retrait et par la rapidité avec laquelle il a réagi à ce vote. J’aurais attendu d’un ancien gouverneur général une approche plus réfléchie et un plus grand respect de la volonté de la Chambre des communes », a-t-il ajouté.

Il a enchaîné en disant s’attendre à ce que « la suite soit très difficile pour M. Johnston », réitérant au passage sa demande au premier ministre de lancer une enquête indépendante.

La semaine dernière, M. Johnston a publié un premier rapport sur l’ingérence étrangère dans lequel il a notamment recommandé au gouvernement Trudeau de ne pas tenir une enquête publique indépendante sur l’ingérence chinoise, comme le réclament à hauts cris le Parti conservateur, le Bloc québécois et le NPD depuis plusieurs semaines.

M. Johnston a affirmé qu’une enquête publique ne serait pas utile parce que ses travaux devraient essentiellement avoir lieu en secret en raison de la nature délicate des renseignements touchant la sécurité nationale.

En principe, M. Johnston doit témoigner devant un comité parlementaire la semaine prochaine pour répondre aux questions des élus sur son rapport.

Malgré l’absence Justin Trudeau, jeudi, aux Communes, le dossier de l’ingérence étrangère a encore une fois été le sujet dominant de la période de questions. Conservateurs et bloquistes sont revenus à la charge pour réclamer cette fameuse enquête publique.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre

M. Johnston dit qu’il ne travaille pas pour le Parlement. Il travaille pour le gouvernement et le premier ministre. C’est cela le problème. Seulement 27 % des Canadiens ont confiance en lui pour effectuer ce travail. Va-t-il finalement congédier David Johnston et nommer un juge indépendant pour mener une enquête indépendante.

Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur

Le ministre de la Protection civile, Bill Blair, s’est porté à la défense de M. Johnston. « Je trouve que c’est injuste, voire offusquant que l’on mette en doute la loyauté de M. Johnston. Sa carrière de 50 ans au service de l’État démontre clairement que sa loyauté est au Canada. Je crois qu’il représente les meilleurs idéaux de travail inlassable, de dévouement, et d’humilité. On devrait tous apprécier qu’il persiste à vouloir servir le Canada ».

« Une puissance étrangère attaque notre démocratie. La majorité de la population inquiète demande une enquête publique. La majorité des élus de cette population demande une enquête publique. Et un seul homme, le premier ministre, se dresse contre la volonté de la population. Le premier ministre a comme seul compagnon David Johnston, un non-élu, qui se de son propre aveu se rapporte seulement au premier ministre », a lancé pour sa part le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien.