Des résidants d’établissements de santé gouvernementaux ont dû attendre plus de trois jours dans le noir de leur chambre avant d’être rebranchés au réseau d’Hydro-Québec à la suite de la tempête de pluie verglaçante alors qu’ils devaient pourtant être priorisés. Une situation inacceptable pour plusieurs proches aidants.

C’est le cas d’au moins deux CHSLD publics de Montréal, soit Notre-Dame-de-la-Merci, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, et Pierre-Joseph-Triest, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, a appris La Presse.

À noter, les fonctions essentielles de ces établissements, comme les lumières dans les couloirs et certains éléments des cuisines, par exemple, étaient alimentées par génératrice, mais pas les lumières dans les chambres des résidants.

Un proche aidant d’une résidante du CHSLD Pierre-Joseph-Triest, Jean Bazinet, ne comprend toujours pas comment sa cousine a pu être laissée dans le noir pendant ces trois longs jours.

Elle est paralysée, au lit 24 heures sur 24 et n’a que comme seule distraction et réconfort la télévision. Trois jours qui lui ont semblé cinq à n’avoir que ses pensées comme compagnie.

Jean Bazinet, proche aidant d’une résidante du CHSLD Pierre-Joseph-Triest

« Il y a au moins 300 pensionnaires, c’est incompréhensible », poursuit le proche aidant.

Des établissements de Québec absents de ses propres listes ?

Dimanche dernier, La Presse rapportait qu’au moins trois résidences privées pour aînés (RPA) de Montréal avaient dû patienter trois ou quatre jours avant d’être rebranchées au courant, même si elles devaient pourtant être priorisées selon ce qu’avait déclaré Hydro-Québec au début de la crise, la semaine passée1.

Selon la réponse alors fournie par un porte-parole d’Hydro-Québec, certaines RPA n’étaient pas enregistrées en tant que telles sur les listes de leur Organisation régionale de la sécurité civile, des organismes qui relèvent du ministère de la Sécurité publique (MSP), d’où ce délai.

Or, les CHSLD publics relèvent de centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS), donc directement de Québec. En ce sens, ils sont considérés comme des établissements de soins au même titre que des hôpitaux.

Interrogé mardi matin à savoir qui était responsable de s’assurer de la mise à jour de ces listes et pourquoi des CHSLD pourtant publics ne s’y trouvaient pas, le MSP n’a pas été en mesure de répondre à nos questions dans la journée.

« En communication continue »

Au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, dont relève le CHSLD Pierre-Joseph-Triest, on affirme pourtant avoir été « en communication continue avec la table de coordination régionale de la sécurité civile du Québec tout au long de la panne ».

« La situation de toutes nos installations était donc prise en compte d’heure en heure. Hydro-Québec a rétabli l’électricité au CHSLD Pierre-Joseph-Triest dimanche matin très tôt, et ce CHSLD a été le dernier de nos établissements à être rebranché », a indiqué l’adjoint au président-directeur général, Christian Merciari, sans préciser combien d’établissements avaient dû attendre plus de 24 heures avant d’être rebranchés.

On ajoute avoir « tenu les familles constamment informées » de la situation, ce que nie le proche aidant Jean Bazinet.

« Le CHSLD a un système de communication où ils envoient de l’information à tout le monde et non, ils ne nous ont envoyé aucune information. Pourtant, [ce système] fonctionne toujours puisque je viens de recevoir une communication à l’effet qu’ils vont installer un système de ventilation centrale », a-t-il expliqué mardi.

De la nourriture froide

Quant au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, dont relève le CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci, on n’a pas non plus été en mesure de répondre jusqu’ici à une série de questions envoyées mardi matin.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville

Selon Denyse Gagnon, dont une proche réside dans l’établissement, le bâtiment est resté débranché du réseau d’Hydro-Québec de mercredi à samedi soir, soit plus de 72 heures.

Si les ascenseurs et un néon sur trois dans les couloirs fonctionnaient grâce à une génératrice, ce n’était pas le cas de la ventilation ni du système de chauffage du monte-plats. Ainsi, la proche de Denyse Gagnon a dû manger froid, en plus de rester à ne rien faire dans sa chambre éclairée seulement par la lumière du jour.

Selon le site internet du CIUSSS, le CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci compte environ 200 lits sur trois étages et héberge des « personnes en grande perte d’autonomie ».

C’est des gens qui n’ont déjà pas un quotidien très agréable. Je trouvais ça effrayant. Comment ça se fait, ils n’ont pas été laissés sans nourriture, mais comment ça se fait que j’ai de l’électricité avant eux ?

Denyse Gagnon, dont une proche réside au CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci

« Par chance que ce n’est pas arrivé en pleine canicule ou à -30 °C. Je ne sais pas qu’est-ce qu’ils auraient fait. Avec ces génératrices, ils n’auraient pas pu chauffer toutes ces chambres-là », s’inquiète-t-elle.

Appelée à réagir, la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ) estime qu’Hydro-Québec « devra rendre des comptes à ce sujet ». « De manière générale, il est clair pour le Réseau FADOQ que les milieux de vie pour personnes aînées, surtout ceux qui hébergent des clientèles vulnérables, doivent être rebranchés en priorité », dit-on.

Le cabinet de la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, n’a pas répondu à une question posée par La Presse mardi.

1. Lisez l’article « Des aînés censés être priorisés ont dû patienter dans le noir »