Malgré leur statut prioritaire, des résidences pour aînés (RPA) de Montréal ont été privées d’électricité pendant plus de quatre jours puisqu’elles n’étaient pas inscrites sur les listes de la Sécurité publique. Hydro-Québec entend apporter des correctifs tandis que des proches de résidants dénoncent une gestion « inacceptable ».

Au moment où des dizaines de milliers de clients attendaient toujours de retrouver l’électricité, aux résidences Providence Notre-Dame-de-Grâce et Westmount One, dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, le courant n’est revenu que dimanche en début de soirée.

Ainsi, des personnes âgées, quoique autonomes, sont restées plongées dans le noir dans leur appartement pendant quatre jours, selon des témoignages d’employés rencontrés sur place et de proches recueillis par La Presse.

« Ce n’est du tout vrai que les RPA ont été rebranchées en premier, a déploré l’une d’elles. Il y a peut-être de la lumière dans les couloirs, mais dans les appartements, il fait noir. »

Des RPA non enregistrées

En effet, les hôpitaux, les CHSLD et les résidences pour aînés devaient être rebranchés en priorité, a annoncé Hydro-Québec plus tôt cette semaine.

Questionné si certains de ces établissements n’avaient toujours pas de courant en fin de matinée dimanche, le vice-président, opérations et maintenance, chez Hydro-Québec, Régis Tellier, a répondu qu’« à [s]a connaissance, non […] à moins qu’il y ait un évènement en ce moment ».

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Le vice-président, opérations et maintenance, chez Hydro-Québec, Régis Tellier, lors d’une conférence de presse dimanche.

En soirée, un porte-parole de la société d’État, Francis Labbé, a toutefois offert un nouvel éclairage sur la situation. En effet, a-t-il admis, certaines RPA n’étaient pas enregistrées en tant que telles sur les listes de leur Organisation régionale de la sécurité civile.

« Ce qu’on découvre, c’est qu’il y a parfois des organismes qui sont des RPA dans les faits, mais peut-être pas inscrites comme telles ou qui ne se sont pas manifestées comme telles », a-t-il indiqué en ajoutant que ces RPA n’étaient donc pas « remontées au niveau où elles auraient dû ».

Hydro-Québec entend réviser ses procédés à la suite de cet épisode, précise Francis Labbé. « On reviendra là-dessus, pour voir si on a les bons codes et toutes les informations. »

Coincé dans un ascenseur

Cette situation a toutefois causé bien des maux de tête à des proches de résidants comme au Manoir Outremont, où l’électricité est revenue samedi après-midi, trois jours après le début de la panne.

Propriété de la société de gestion Cogir, l’établissement privé d’une douzaine d’étages compte plus de 300 logements, dont une unité de soins pour les personnes atteintes de troubles cognitifs.

Mercredi, un résidant est resté pris pendant au moins une heure dans un ascenseur en panne, affirme sa fille, Pascale Lacroix, dont les deux parents résident au Manoir Outremont.

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Le Manoir Outremont a manqué de courant pendant quatre jours.

« Ils m’ont appelée à 17 h 30 pour me dire qu’ils ne trouvaient pas mon père, et ils l’ont sorti de l’ascenseur à 18 h 20 », lâche Mme Lacroix, dont les courriels à la direction du Manoir Outremont sont restés sans réponse.

Jeudi, la résidence l’a contactée afin qu’elle vienne chercher ses parents.

Elle a hébergé temporairement son père chez elle, mais sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, est restée dans l’unité prothétique sans chauffage et sans lumière pendant tout ce temps.

« Ça fait trois ans qu’elle n’est pas sortie, elle ne nous reconnaît pas », explique Mme Lacroix.

« C’est inacceptable »

Frantz André n’en revient pas de ce qu’il a vu à l’intérieur du Manoir Outremont, où habite sa mère.

« Il n’y avait pas d’ascenseur, pas de lumière. Les gens devaient descendre les escaliers dans le noir », dénonce-t-il. Âgée de 93 ans, sa mère a été très affectée par le froid. « Elle n’est pas comme avant. »

Selon lui, toutes les résidences devraient avoir une génératrice à leur disposition au cas où une panne perdurerait plusieurs jours. « C’est inacceptable. Une compagnie comme celle-ci aurait dû avoir un protocole d’urgence. Tout le monde était affolé », témoigne-t-il.

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Frantz André

Certains résidants ont été hébergés par leur famille, le temps que le courant revienne. C’est notamment le cas de Vivianne qui ramenait sa mère à la résidence, dimanche avant-midi.

« Je ne trouvais pas ça sécuritaire de la laisser ici. Il n’y avait plus de lumière dans les escaliers. Imaginez s’il y avait eu un feu », dénonce celle qui n’a pas souhaité être identifiée par son nom complet.

Martin Côté, dont la mère est aussi une résidante, se questionne sur le temps qu’Hydro-Québec a mis pour rebrancher l’établissement privé. « Pour une résidence de 300 appartements, je trouve ça vraiment surprenant que la panne ait duré aussi longtemps », note-t-il.

Une intervention du politique

Joint dimanche, le président de la Société de gestion Cogir, Frédéric Soucy, a défendu la gestion de l’entreprise de la panne au Manoir Outremont.

L’établissement était bel et bien doté d’une génératrice au diesel qui permettait d’alimenter les lumières des couloirs, certains éléments de la cuisine de l’établissement et un ascenseur d’urgence, dit-il.

Des lampes de poche et des bracelets fluorescents ont été distribués à tous les résidants qui se sont également fait offrir des repas même si leur bail n’en prévoyait pas, et le personnel a été doublé.

L’entreprise est toutefois intervenue samedi matin auprès du cabinet des ministres de la Santé et de l’Énergie lorsqu’elle a constaté que la RPA était le seul bâtiment sur sa ligne électrique à ne pas avoir été rebranché.

Cogir n’avait toutefois pas d’explication à fournir à savoir pourquoi le Manoir Outremont a dû attendre si longtemps avant d’être rebranché. « On va probablement le demander dans les prochains jours », dit-il.

Les résidants du Manoir Royal Saint-Eustache, une autre RPA gérée par Cogir, ont aussi dû attendre jusqu’à samedi avant de retrouver l’électricité, tandis que d’autres établissements de l’entreprise ont pu être rebranchés plus tôt.

Hydro en voie d’atteindre son objectif

Si la tendance se maintient, Hydro-Québec sera en mesure de redonner le courant à 95 % de ses clients avant lundi comme promis, même si certains foyers devront se résigner à patienter plus longtemps.

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Des émondeurs étaient bien occupés durant la fin de semaine de Pâques à couper les branches et les arbres gênant le passage ou jugés dangereux.

Vers 21 h 45, il restait toujours 44 924 clients privés d’électricité. Montréal demeurait la région la plus touchée avec 29 832 clients sans électricité alors qu’ils étaient environ 190 000 au même moment, la veille.

L’Outaouais (6239), la Montérégie (5580) et Laval (3138) suivent avec le plus grand nombre de clients d’Hydro-Québec toujours privés d’électricité.