(Québec et Montréal) Une centaine d’infirmières des urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) exigent la démission de la cheffe de leur unité, sans quoi elles quitteront leurs fonctions. Les signataires dénoncent une « ambiance toxique » et des « conditions de travail inhumaines ».

Une pétition signée par une centaine d’employées des urgences de HRM a été remise vendredi à la direction du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal pour réclamer le départ de la cheffe de leur unité, dont la gestion contribuerait au fort recours au « temps supplémentaire obligatoire » (TSO).

« Le nombre de TSO est en constante croissance et cela encourage les membres de notre équipe à quitter, créant ainsi des conditions de travail plus que déplorables », écrit-on dans le document que La Presse a pu consulter. Les signataires disent avoir noté une « dégradation fulgurante » de leurs conditions de travail depuis l’arrivée en poste de la gestionnaire en cause, en juillet. On lui reproche de « n’avoir rien mis en place » pour retenir le personnel, son « manque de soutien, d’écoute, d’empathie ».

Selon le libellé, « l’équipe complète de l’urgence » n’a plus confiance. « Si aucune action n’est mise en place » d’ici le 18 janvier, les signataires « remettront » leur lettre de démission.

La Presse rapportait en décembre le cri du cœur de neuf infirmières et infirmières auxiliaires de HMR qui ont dénoncé, à visage découvert, « des manigances » de gestionnaires pour les forcer à rester en poste. Mercredi, on rapportait aussi un « triste record » de TSO imposé la semaine dernière.

Lisez « Un “triste record” de temps supplémentaire obligatoire »

« C’est cruel »

Le président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Denis Cloutier, assure que le syndicat soutient la démarche de ses membres et qu’il s’agit d’une initiative des employés. « [Les travailleuses] sont réellement tannées et je les comprends. On leur impose un rythme de travail… le TSO, c’est cruel », a exprimé M. Cloutier. « Quand on les garde en TSO, ça fait des drames [personnels] chaque fois », a-t-il ajouté en entrevue.

M. Cloutier était présent vendredi lorsque la pétition a été remise au président-directeur général de l’établissement, Jean-François Fortin-Verreault. Le CIUSSS n’a pas voulu commenter la démarche des employées des urgences.

Au moins une centaine d’infirmières sur un total de 113 ont signé le document, rapporte le syndicat. La version consultée par La Presse vendredi après-midi contenait quelque 90 signatures. « C’est très majoritaire », a précisé M. Cloutier.

Au cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, on soutient avoir « pris connaissance de la situation ». « Le CIUSSS nous assure qu’il prend très au sérieux la pétition, tout comme nous. Cela étant dit, c’est sûr qu’on n’aime pas ce qui se passe et on est conscients des enjeux particuliers de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont », affirme son attaché de presse, Antoine De La Durantaye.

« Nos travailleurs et nos gestionnaires sur le terrain font un travail qui n’est pas facile, surtout dans la situation actuelle. On doit travailler tout le monde ensemble pour le bien de notre personnel, mais aussi pour s’assurer de la qualité des soins pour les patients », ajoute-t-il.

M. Dubé avait indiqué mercredi avoir demandé à M. Fortin-Verreault et au syndicat de lui expliquer pourquoi ils ne s’étaient pas encore entendus sur l’implantation de la gestion locale des horaires, une avenue que le ministre de la Santé estime prometteuse pour réduire le TSO. « HMR, c’est exactement ce que je vous expliquais par rapport à ceux qui ont plus de difficulté à implanter de nouvelles mesures », a soutenu M. Dubé. « Pourquoi il y a une trentaine d’hôpitaux qui ont réussi [à implanter l’autogestion des horaires] et qu’on n’a pas été capable à HMR ? », s’était-il aussi interrogé.

L’opposition veut des réponses

Sur Twitter, samedi, les partis de l’opposition ont rapidement exigé des réponses du ministre Dubé. Chez Québec solidaire (QS), le député local et critique en santé, Vincent Marissal, ne décolère pas au bout du fil. « On perd déjà assez de monde au CIUSSS ! Si toute l’équipe des urgences claque la porte, on va faire quoi ? On va fermer l’hôpital ? M. Dubé doit s’occuper de ce qui est urgent, ça fait partie de sa job. Je lui demande de rencontrer le personnel des urgences. Et ça va me faire plaisir d’y aller avec lui », soutient-il.

Décrivant une « ambiance pourrie » pour ces infirmières, M. Marissal dénonce au passage que pendant ce temps, le projet d’agrandissement de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont « est au point mort ». « Ce projet-là n’avance pas, il recule, c’est la réalité », dit-il.

Le critique du Parti québécois (PQ) en matière de santé, Joël Arseneau, a aussi dénoncé la situation. « À son arrivée au ministère de la Santé, [Christian Dubé] n’en avait que pour l’imputabilité. Qu’en est-il aujourd’hui ? Et le ministre, quelle responsabilité assume-t-il face à toutes ces crises ? », s’est-il interrogé, appelant à des explications du gouvernement Legault.

« [Christian Dubé] dit qu’il ne veut plus éteindre des feux. C’est de valeur, mais c’est une grosse partie de son job. Il ne peut pas laisser des situations comme ça continuer. C’est la qualité des soins et de la sécurité des patients qui est en jeu », a aussi martelé le député libéral de Pontiac, André Fortin.

Le CIUSSS avait assuré mercredi que le projet d’autogestion des horaires est en « implantation progressive » et que le « déploiement sera finalisé dans les prochaines semaines ». L’établissement indiquait que « la pénurie de personnel continue de demeurer un enjeu » et que « les gestionnaires agissent, de quart de travail en quart de travail, pour mettre en place toutes les mesures possibles permettant d’améliorer la situation ».