(Québec) Le recours au « temps supplémentaire obligatoire » (TSO) a atteint un sommet aux urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) le week-end dernier, soutient le syndicat. Pas moins de 80 quarts de TSO ont été imposés en quatre jours, un « triste record », selon lui.

« C’est anormalement élevé », soutient le président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Denis Cloutier. Ces données, qui ont été comptabilisées par le syndicat, couvrent les journées complètes de vendredi à lundi, du 6 au 9 janvier.

À titre de comparaison, le syndicat a enregistré un total 220 TSO sur une période de 28 jours avant les Fêtes.

Le temps supplémentaire obligatoire, que le gouvernement Legault cherche à éliminer, force un travailleur à demeurer en poste après son quart pour pallier le manque de ressources. Des soignants se retrouvent alors à effectuer jusqu’à 16 heures de travail d’affilée.

Les urgences de HMR sont clairement parmi les urgences au Québec où il se fait le plus de TSO, ça ne fait aucun doute.

Denis Cloutier, président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

Le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal confirme que jusqu’à 80 TSO ont été imposés de vendredi à lundi derniers. L’établissement souligne que la fin de semaine a été particulièrement difficile aux urgences en raison d’un nombre élevé d’« absences ponctuelles ».

Jusqu’à six employés par quart étaient absents, ce qui s’est traduit par l’imposition de TSO dans le contexte de pénurie de personnel.

Cela survient moins d’un mois après le cri du cœur de neuf infirmières et infirmières auxiliaires de HMR lancé à visage découvert à La Presse. Les travailleuses avaient dénoncé des « manigances » pour imposer le temps supplémentaire obligatoire et les forcer à rester en poste.

Lisez l’enquête « “Temps supplémentaire obligatoire” : des “manigances” pour les forcer à rester »

Selon M. Cloutier, les urgences de HMR sont coincées « dans une spirale » de TSO qui finit par « engendrer des absences ». Des infirmières rapportaient en décembre qu’elles puisaient dans leur banque de congés maladie pour s’absenter après un quart de travail en TSO.

Des données à la hausse à Montréal

Le nombre d’heures de TSO, qui ne doit être ordonné qu’en dernier recours par la direction, a d’ailleurs bondi au cours des dernières semaines dans les urgences de Montréal, qui sont secouées par une crise d’occupation.

Le taux d’heures supplémentaires obligatoires a atteint, au 17 décembre, près de 2 % (1,94 %) de l’ensemble des heures travaillées par le personnel en soins infirmiers et cardiorespiratoires, selon une nouvelle mise à jour du tableau de bord du ministre de la Santé, Christian Dubé. Ce taux était de 0,38 %, toujours pour les urgences, à Montréal, en date du 19 novembre dernier.

Dans le cas des urgences de HMR, l’établissement indiquait en décembre que le taux d’heures travaillées en TSO a atteint 5,9 % du 9 septembre au 7 décembre, ce qui est beaucoup plus que le taux régional.

« La pénurie de personnel continue de demeurer un enjeu pour nous, a soutenu le porte-parole du CIUSSS de l’Est, Christian Merciari. Nos gestionnaires agissent, de quart de travail en quart de travail, pour mettre en place toutes les mesures possibles permettant d’améliorer la situation. »

L’établissement cite notamment la collaboration avec les cliniques de santé du territoire qui ont permis de rediriger « 43 % des patients ayant des priorités cliniques » moins urgentes et l’ouverture d’une quarantaine de lits en hébergement pour libérer des lits.

« Ces mesures et plusieurs autres […] ont permis de maintenir un taux d’occupation moyenne de 119 % aux urgences de HMR dans les sept derniers jours », ce qui est inférieur à la moyenne actuelle, qui est 130 %.

Dubé veut des explications

Christian Dubé a affirmé mercredi qu’il avait demandé au PDG du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Jean-François Fortin-Verreault, et au syndicat de lui expliquer pourquoi ils ne s’étaient pas encore entendus sur l’implantation de la gestion locale des horaires, une avenue que le ministre de la Santé estime prometteuse pour réduire le TSO.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Dubé, ministre de la Santé

« HMR, c’est exactement ce que je vous expliquais par rapport à ceux qui ont plus de difficulté à implanter de nouvelles mesures », a indiqué M. Dubé.

Pourquoi il y a une trentaine d’hôpitaux qui ont réussi [à implanter l’autogestion des horaires] et qu’on n’a pas été capable à HMR ?

Christian Dubé, ministre de la Santé

Le CIUSSS assure de son côté que le projet d’autogestion des horaires est en « implantation progressive » et que le « déploiement sera finalisé dans les prochaines semaines ».

Le syndicat demeure sceptique : « [L’autogestion des horaires], c’est quelque chose qui va être apprécié dans les équipes qui vont être généralement autosuffisantes, lorsque les gestionnaires vont être en moyen d’accorder les journées demandées par les employés », rappelle M. Cloutier. Selon lui, la pénurie de personnel est pour l’heure trop importante aux urgences de HMR.

Radio-Canada rapportait en décembre que le Conseil du trésor avait refusé l’implantation d’un projet pilote développé entre le syndicat et la direction de l’hôpital pour réduire le TSO aux urgences.

Qu’est-ce que le TSO ?

  • Oblige les travailleurs à rester au travail après leur quart de travail régulier
  • Entre 4 et 8 heures (le plus souvent 8 heures aux urgences)
  • Payé au même tarif que les heures supplémentaires normales
  • N’est pas comptabilisé si une entente survient entre un gestionnaire et un employé ; on parle alors de « temps supplémentaire »