Après avoir connu une certaine accalmie durant les Fêtes, les salles d’urgence de la province sont plus occupées que jamais. Le taux d’occupation moyen des urgences de la province s’élevait à 130,7 % mardi, un sommet jamais atteint depuis janvier 2020. Un engorgement dû au manque de personnel. Résultat : le délai de prise en charge des patients s’accroît.

« Le temps des Fêtes a quand même bien été. On a gardé les virus sous contrôle […]. Mais là, les hôpitaux sont paralysés », dit le DGilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec.

À l’hôpital du Suroît, à Salaberry-de-Valleyfield, le taux d’occupation des urgences était de 270 % mardi matin. On y comptait 81 patients sur civière alors que la capacité réelle est de 32 civières. « Je n’ai jamais vu ça… J’ai aussi 21 patients qui attendent depuis plus de deux jours d’avoir un lit aux étages », affirme le DBernard Richard, chef adjoint du service des urgences du CISSS de la Montérégie-Ouest.

Pourtant, le nombre de patients qui se présentent aux urgences n’est pas si élevé dans la province. On y enregistrait environ 9600 visites quotidiennes mardi, alors que la moyenne pour ce temps-ci de l’année est plutôt de plus de 11 000, explique le DBoucher.

« Une chance que l’achalandage n’est pas très élevé. J’ai eu 23 ambulances jusqu’ici aujourd’hui. Si on avait atteint 45 ambulances comme on le voit des fois, ça aurait explosé », disait le DRichard en fin d’après-midi mardi.

Les Québécois nous aident et sont peu nombreux à venir aux urgences. Une chance […], mais le système est paralysé, car on manque de personnel. Depuis le 1er janvier, la pénurie de personnel est particulièrement criante. C’est ce qui fait peur pour les prochains mois.

Le DBernard Richard, chef adjoint du service des urgences du CISSS de la Montérégie-Ouest

Le DRichard explique que beaucoup de personnes qui étaient venues prêter main-forte dans les hôpitaux durant les Fêtes sont retournées vaquer à leurs occupations.

Certains établissements sont plus touchés que d’autres par la pénurie de main-d’œuvre. Aux urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal, « il y a eu du temps supplémentaire obligatoire tout le week-end », note le DBoucher. La situation est également particulièrement criante dans Lanaudière (taux d’occupation de 200 %), dans les Laurentides (159 %) et en Outaouais (158 %).

Un protocole pas utilisé partout

Avant les Fêtes, le ministre de la Santé, Christian Dubé, annonçait l’adoption d’un « protocole de surcapacité » pour aider à alléger la situation dans les urgences. Ce protocole, proposé par la cellule de crise pour les urgences mise sur pied par le gouvernement, prévoyait notamment que les étages d’hospitalisation des hôpitaux doivent accepter de prendre plus de patients, même s’ils débordent, afin d’alléger la pression aux urgences.

Dans la pratique, ce plan n’est pas appliqué partout, déplore la Dre Judy Morris, présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec. « Certains hôpitaux font des choses pour répartir la pression des urgences. Mais d’autres, non. Le fardeau est encore mis sur les équipes des urgences. Nous, on ne peut pas dire : “On est plein” », dit-elle.

« J’ai un patient qui attend depuis 10 jours aux urgences d’être hospitalisé… », illustre le DRichard.

Le DBoucher reconnaît que certains hôpitaux ne peuvent mettre en pratique le protocole de surcapacité, car le manque de personnel y est trop criant. « Ça prend quand même des installations sécuritaires pour le faire », dit-il.

La Dre Morris souligne que l’automne dernier, les urgences avaient été particulièrement achalandées alors que le virus respiratoire syncytial circulait en même temps que la COVID-19 et la grippe. Après l’accalmie du temps des Fêtes, « on croise les doigts pour que ça ne revienne pas », dit-elle.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse