Après une flambée du « temps supplémentaire obligatoire » l’été dernier, le CISSS de Laval s’est attelé à réduire le recours au travail forcé en mettant sur pied son plan « zéro TSO ». Depuis le mois d’août, le TSO a fondu de 70 % aux urgences, soutient la direction.

« On s’est dit : qu’est-ce qu’on peut faire de plus ? explique la directrice des ressources humaines, des communications et des affaires juridiques, Julie Lamarche. On a eu un été difficile en matière de TSO, on ne veut plus vivre ça, ce n’est pas tenable pour [les employés]. »

La saison estivale a été occupée avec la période des vacances combinée à une nouvelle vague de COVID-19. Juillet a été un mois marqué par le recours au TSO, particulièrement aux urgences. Les départements d’obstétrique et de néonatalité n’ont pas non plus été épargnés. Au moins 100 quarts de travail imposé ont été appliqués seulement aux urgences de juillet à la mi-septembre, rapporte la direction.

Cet épisode difficile a été un élément déclencheur de la démarche de l’établissement, indique-t-on.

Il faut souligner qu’en juillet dernier, le Tribunal d’arbitrage a aussi sévèrement blâmé le CISSS, après le dépôt d’un grief, pour avoir « exercé son droit de gérance de façon abusive et contraire à la convention collective » en ayant recours au TSO de « façon systématique ».

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L’établissement a donc voulu faire un nouveau « tour de roue » pour établir et bonifier les mesures en place dans le but d’éviter le TSO, qui ne doit d’ailleurs être utilisé qu’en « dernier recours », selon le Ministère. Est né le plan « zéro TSO » en septembre.

« Notre objectif est zéro [TSO]. Ce n’est pas encore ça, mais on a vraiment une nette amélioration », affirme la directrice des soins infirmiers, Élaine Cardinal.

Pour la période du 14 août au 10 septembre, le CISSS a comptabilisé 180,75 heures travaillées en TSO. Du 4 décembre et au 31 décembre, le volume a fondu à 54,75 heures de TSO. Il s’agit d’une diminution de 70 % en quatre mois, malgré certaines variations, se félicite l’établissement.

L’établissement se réjouit de sa performance du début d’année alors que les urgences sont très sollicitées partout au Québec. Le TSO a été nécessaire lors des quarts de nuit des 7 et 9 janvier pour un total de 8,42 h.

Il faut comprendre que le plan « zéro TSO » vise aussi à ce que les quarts en temps supplémentaire obligatoire soient les plus courts possibles. Ainsi, le 9 janvier, 1,17 h seulement a été imposée en TSO. Habituellement dans le réseau, on parle de quarts de travail de 4 à 8 heures.

Une « priorité organisationnelle »

Une liste d’étapes à franchir avant d’ordonner du TSO a été élaborée par le CISSS de Laval, qui fait de l’élimination des heures supplémentaires obligatoires une « priorité organisationnelle ».

« Ça donne du poids [à nos actions] », illustre Mme Cardinal.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Josée Sylvestre, Élaine Cardinal et Julie Lamarche, aux urgences de la Cité-de-la-Santé de Laval

Parmi les mesures du projet « zéro TSO », l’établissement prévoit la réaffectation d’une équipe propre (ou équipe volante) dans les secteurs où il manque de personnel. On permet aussi le déplacement volontaire d’une ressource d’un autre service vers les urgences, par exemple.

Les gestionnaires sur place et les conseillères-clinique en soins infirmiers sont aussi appelés en renfort pour éviter un TSO.

« [Le gestionnaire] ne prendra pas en charge des patients lui-même, mais il va être sur le terrain avec la cheffe de secteur », indique Mme Cardinal.

Une conseillère-clinique qui devait par exemple donner une formation, elle ne la donnera pas, elle va aller sur le terrain. Tout le monde participe.

Élaine Cardinal, directrice des soins infirmiers

L’utilisation des lits est aussi revue dans l’objectif de « réduire les besoins de main-d’œuvre ». On évitera par exemple d’ouvrir une section de débordement si le personnel n’est pas en nombre suffisant, dit-on.

L’établissement dit aussi compter sur une « centrale de soins », c’est-à-dire une banque d’infirmières et d’infirmières auxiliaires qui peuvent être déplacées d’un secteur à l’autre lors des quarts de soir et de nuit. « C’est vraiment quelque chose qu’on a développé à Laval », précise la coordonnatrice des activités de remplacement, Josée Sylvestre.

Pour favoriser l’attractivité du personnel dans les quarts plus difficiles, l’établissement soutient ne plus afficher de postes uniquement de jour, mais plutôt des postes de « rotation » en s’engageant à ce qu’au moins 50 % des heures travaillées soient effectuées de jour.

L’autogestion des horaires, un projet cher aux yeux du ministre de la Santé Christian Dubé pour réduire le TSO, est en voie d’être déployée dans 22 départements du CISSS de Laval, dont les urgences.

Le syndicat reste prudent

Bien qu’il salue la volonté de la direction de réduire le recours au TSO, le Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (SIIIAL-CSQ) affirme pour l’heure ne pas constater de changements de « façon marquée » puisque le TSO vient « par vagues ».

« C’est une demande des membres de vouloir annuler le TSO. On voit que la haute direction travaille fort à essayer de trouver des solutions parce qu’il faut aussi penser à la rétention », explique le président Déreck Cyr, qui souligne que 894 membres ont quitté le CISSS entre 2020 et 2022.

« C’est bon, on ne peut pas être contre la vertu », assure-t-il. Une mesure qui vise le déplacement de personnel fait cependant tiquer le syndicat, qui rappelle que les mouvements doivent être volontaires et respecter la convention collective. « Pour le reste, on trouve qu’il y a de bonnes idées [dans le plan “zéro TSO”] », conclut le représentant syndical.

En bref

Le temps supplémentaire obligatoire doit être imposé en dernier recours et force un employé à demeurer en poste après son quart de travail habituel en raison d’un manque de main-d’œuvre et devant un risque de rupture de services.