(Ottawa ) Le Bloc québécois dénonce sans ménagement les propos du ministre fédéral de la Santé Jean-Yves Duclos au sujet des réformes que doivent adopter les provinces avant d’obtenir une hausse substantielle des transferts en santé.

Le député bloquiste Luc Thériault accuse de ministre de faire la leçon aux provinces aux dépens de la santé des patients tandis que le gouvernement fédéral s’est montré incapable de gérer adéquatement des services essentiels comme les passeports, l’immigration, la pension de certains retraités et la paie des fonctionnaires au cours des dernières années.

« Je trouve cela indécent que le ministre Duclos fasse la leçon au Québec et aux provinces qui se sont démenés à travers une pandémie qui a fragilisé davantage un système qui était déjà fragilisé par un sous-financement chronique », a affirmé M. Thériault, qui est le critique bloquiste en matière de santé.

Dans une entrevue à La Presse, le ministre Duclos a décrit les réseaux de la santé comme un patient qui est « gravement malade », qui devra être transféré sous peu à l’urgence si rien n’est fait pour le rétablir.

(Re)lisez Entrevue avec le ministre Jean-Yves Duclos : Le système de santé est « gravement malade »

La maladie qui l’afflige –« la maladie des silos » – peut être guérie. Mais il faudra plus que de l’argent du fédéral pour y arriver, selon lui. Les provinces doivent faire les choses différemment, notamment en instituant un meilleur partage des données, a-t-il plaidé.

« Le système est gravement malade. Il est à l’urgence et on ne veut pas qu’il se rende aux soins intensifs. […] Il est à l’urgence parce qu’on n’a pas pris soin de lui avant », lance sans ambages le ministre Duclos.

« On parle de système de santé. Mais on n’a pas un système de santé au Canada ou au Québec. On a des morceaux qui pourraient faire un système dans son ensemble, mais ce n’est pas le cas parce que les morceaux de ce système travaillent indépendamment l’un de l’autre. C’est la maladie des silos. Et tout le monde reconnaît que c’est une maladie sérieuse », a-t-il dit.

« Notre système ne survivra pas si on ne fait pas des changements majeurs. […]. Il faut que les silos disparaissent pour que les gens puissent travailler davantage ensemble, qu’on reste centré sur le patient et qu’il y ait un meilleur partage de l’information », a-t-il avancé comme piste de solution.

À titre d’exemple, le ministre Duclos a souligné que les hôpitaux travaillent indépendamment des médecins de famille. Les médecins travaillent indépendamment des CLSC et des pharmacies et des soins de longue durée, énumère-t-il.

Résultat : il n’y a pas suffisamment de partage d’information sur la santé des gens entre les différents acteurs du réseau. Cela contribue largement à sa lourdeur, à son inefficacité et à son coût élevé.

Mais selon le député Luc Thériault, tous les experts qui sont venus témoigner devant le comité permanent de la santé de la Chambre des communes, durant la troisième vague de COVID-19, au printemps 2021, ont affirmé que le gouvernement fédéral avait contribué à affaiblir le réseau avant la pandémie en refusant d’y injecter suffisamment de fonds.

« Les maillons faibles du système de santé nous ont pété en pleine durant la pandémie. Et le ministre vient nous dire qu’il a une préoccupation pour le système de santé. […] Les experts nous ont dit que la logique du gouvernement Trudeau consistait à dire qu’il va régler les problèmes du réseau après la pandémie n’avait aucun sens, ni d’un point de vue médical ou d’un point de vue économique », a-t-il soutenu.

Il a rappelé qu’un diagnostic précoce permet de sauver des vies quand il faut traiter rapidement des patients. Or, il y plus de 160 000 personnes au Québec qui sont hors délais pour des chirurgies ou des interventions. « Quand on sait que trois à quatre semaines de délais augmentent le taux de mortalité de 6 à 8 %, c’est de cela qu’on parle. Qu’un ministre vienne nous dire qu’il est préoccupé pour sauver un système, moi, ce sont des patients que je veux sauver », a déclaré M. Thériault.

« Ce gouvernement fédéral n’est même pas capable de gérer les pensions comme il se doit. Il n’est pas capable de gérer les passeports. Il n’est pas capable de gérer ses paies. Mais il voudrait devenir celui qui va dire aux provinces quoi faire. Le plus cynique là-dedans, c’est qu’il ne sera jamais redevable devant la population », a ajouté le député bloquiste.

Au cours des dernières semaines, la guerre des mots entre Ottawa et les provinces s’est intensifiée au moment où les urgences des hôpitaux sont surchargées et que les travailleurs de la santé sont au bout du rouleau après plus de deux ans de pandémie de COVID-19 et l’arrivée de virus respiratoires.

Les provinces réclament une hausse annuelle des transferts en santé de l’ordre de 28 milliards de dollars, et cela sans condition. Selon les calculs des provinces, une telle hausse ferait en sorte qu’Ottawa paierait 35 % de la facture totale liée au système de santé contre 22 % aujourd’hui. Il y a deux semaines, les premiers ministres des provinces ont demandé à Justin Trudeau de convoquer une rencontre au début de la nouvelle année pour régler ce dossier.