(Ottawa) Alors que le Canada est aux prises avec une pénurie de médicaments pour enfants, le premier ministre Justin Trudeau n’est pas convaincu que produire davantage d’analgésiques en sol canadien soit la bonne solution pour s’attaquer au problème.

« Je ne sais pas si ce serait la bonne chose à faire pour le Canada de commencer à produire nous-mêmes plus de médicaments, ou si nous ne serions pas mieux de renforcer nos partenariats sur la chaîne d’approvisionnement », a affirmé M. Trudeau en entrevue la semaine dernière avec La Presse Canadienne.

La pénurie de médicaments pour enfants sévit depuis plusieurs mois partout au pays, forçant des parents à trouver de nouvelles façons de gérer la fièvre et la douleur de leurs enfants. Le problème est d’autant plus important puisqu’il survient au moment où les cas de virus respiratoire syncytial et d’influenza connaissent des hausses fulgurantes.

Afin de réduire les effets de ce problème, le gouvernement a été pressé d’investir davantage dans la production locale de ces médicaments, mais M. Trudeau n’est pas convaincu qu’il s’agisse là de la meilleure façon de dépenser l’argent des contribuables.

« Si tout d’un coup nous avions une pénurie d’oranges au Canada, peut-être les gens crieraient qu’il faut construire plus de serres pour faire pousser plus d’oranges au Canada », a imagé M. Trudeau.

« Ce ne serait peut-être pas la meilleure façon de dépenser notre argent », a-t-il souligné.

Le premier ministre a tout de même assuré qu’il compte bien régler la pénurie de médicaments pour enfants en adoptant l’approche la plus efficace possible, même si cela le force à trouver d’autres endroits dans le monde qui peuvent fournir ces médicaments.

Comparer des pommes avec des oranges

L’analogie de M. Trudeau concernant une fictive pénurie d’oranges pour illustrer la situation actuelle du manque de médicaments pour enfants n’a pas plu au porte-parole en matière de Santé du NPD, Don Davies.

Selon lui, « comparer des oranges à des médicaments essentiels dont des gens ont besoin pour ne pas mourir, c’est une terrible analogie ».

M. Davies estime plutôt que le Canada a besoin d’une stratégie nationale qui favoriserait à la fois de bonnes relations avec le secteur privé et un fabricant du secteur public.

« Est-ce qu’on veut vraiment être vulnérables aux aléas et aux vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement mondiales et des décisions prises par le secteur privé ? » s’est-il interrogé à haute voix.

Miser sur les importations

Pour les médicaments qui sont actuellement en pénurie, le gouvernement fédéral mise d’abord sur les importations. Santé Canada a d’ailleurs importé près de 1,9 million de bouteilles de produits, a rappelé mardi une porte-parole de l’agence fédérale.

Elle a assuré que le fédéral « utilise tous les outils à sa disposition pour aider à atténuer la pénurie » et « travaille de manière proactive avec les entreprises pour faciliter les importations de produits étrangers ».

Toutefois, des pharmaciens ont prévenu que les importations d’urgence pourraient ne pas suffire à répondre à la demande actuelle.

« La plupart des pharmacies imposent des limites d’achat et rappellent aux gens de n’acheter que ce dont ils ont besoin », a souligné le mois dernier la vice-présidente des affaires pharmaceutiques de l’Association canadienne des pharmacies de quartier, Shelita Dattani.

Avec toute la question de l’approvisionnement en vaccins contre la COVID-19 pendant la pandémie, la dépendance du Canada envers les chaînes d’approvisionnement pour se procurer des biens essentiels a été remise en question.

Pour la professeure à la faculté de pharmacie de l’Université de Toronto Jillian Kohler, les gouvernements devraient être beaucoup plus proactifs lorsqu’il s’agit d’assurer un approvisionnement fiable en produits pharmaceutiques.

Selon elle, la pénurie d’analgésiques pour enfants témoigne de la dépendance « très problématique » du Canada envers l’international et le secteur privé.

« Il faut qu’on considère les produits de santé comme une sécurité sanitaire, comme quelque chose qui relève de la sécurité nationale », a-t-elle estimé.

« Et compter sur le secteur privé, que ce soit au Canada ou à l’étranger, c’est risqué. »