(Québec) Devant l’explosion des coûts du projet de tramway de la capitale, le gouvernement Legault retire le dossier des mains de Bruno Marchand et demande à la Caisse de dépôt, artisan du REM, de trouver le meilleur projet pour Québec.

Le premier ministre avait convié le maire de Québec mercredi en fin de journée pour faire le point sur l’épineux projet de tramway. François Legault a annoncé à Bruno Marchand un remaniement complet de ce dossier porté par la Ville depuis plus de cinq ans.

À la sortie de la réunion, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a annoncé que le gouvernement avait confié à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) le mandat de « nous arriver avec le meilleur projet structurant pour la Ville de Québec » à juste coût. Elle réévaluera les « besoins de mobilité » dans la capitale.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault

La Caisse « a déjà montré son expertise en matière de projet de transport collectif » avec le REM à Montréal, a-t-elle fait valoir. Le plan B du maire Bruno Marchand fera partie des options étudiées.

La Caisse aura six mois pour faire son travail. « On ne veut pas reporter aux calendes grecques », a insisté le ministre responsable des Infrastructures, Jonatan Julien. Le gouvernement a obtenu l’« engagement » du patron de la Caisse, Charles Emond, que le mandat peut se réaliser dans cet échéancier. « Ça devient le projet du gouvernement », a précisé Jonatan Julien.

Des travaux sont en cours à Québec pour accueillir un tramway, « et on va convenir [avec la Ville] sur ce qu’on arrête et ce qu’on continue », a dit M. Julien. Ce sont près de 500 millions de dollars de travaux qui ont déjà été engagés pour le projet de tramway, et qui seront payés par le gouvernement du Québec.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre responsable des Infrastructures et de la région de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien

Les deux ministres n’ont pas voulu dire si un REM pour Québec – un train léger automatisé en site propre – serait une option intéressante aux yeux de la Caisse. Rappelons que la Caisse n’a jamais caché son ambition d’exporter le modèle qu’elle a développé dans la métropole.

Ce mandat d’étude confié à la CDPQ n’est pas inédit. Le gouvernement lui a donné un mandat similaire afin de déterminer « la solution optimale pour un projet de mobilité structurant pour la Rive-Sud de Montréal ». Ce mandat ne semble pas avoir été assorti d’un pareil délai de six mois, cependant. La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, disait en août à La Presse attendre des nouvelles de la Caisse depuis un an et demi.

Comme le gouvernement reprend le projet, il faut s’attendre à ce que la future agence en matière de transport en devienne responsable. Comme La Presse l’a révélé dès la mi-août, le gouvernement Legault a l’intention de créer une nouvelle agence pour gérer les projets de transport collectif et, peut-être, les chantiers routiers majeurs. On ajoutait alors que les projets des villes, comme le tramway de Québec et celui en gestation à Gatineau, pourraient être confiés à cette agence.

Marchand « déçu »

Le maire s’est dit « déçu » à l’issue de sa rencontre en tête à tête avec le premier ministre, lors de laquelle François Legault lui a annoncé sa décision. Aux dires du maire, le premier ministre n’a pas retenu son plan B. Celui-ci faisait de la Ville le maître d’œuvre de ce projet de transport en commun dont le coût a plus que doublé pour s’établir à 8,4 milliards.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Le maire de Québec, Bruno Marchand

On a eu une très bonne discussion avec le premier ministre, où on s’est parlé tous les deux dans le blanc des yeux, seuls lui et moi.

Bruno Marchand, maire de Québec

« Je lui ai présenté le plan pour que la Ville réalise le projet de transport structurant qu’est le tramway, a-t-il ajouté. Ce n’est pas l’option qu’il va retenir. Évidemment, j’en suis déçu. »

Malgré cette déception, le maire Bruno Marchand a dit avoir assuré M. Legault de sa collaboration. Selon lui, la décision du gouvernement ne signe « pas nécessairement » la mort du tramway. Le gouvernement a en effet laissé entendre que tous les modes de transport sont sur la table.

« Ça peut passer du SRB à un REM, un métro ou un tramway. Il y a plusieurs modèles de transport lourd. Je ne suis pas un spécialiste de ce qu’est le transport lourd, mais définitivement, on ne l’a pas à Québec », avait déclaré plus tôt mercredi le ministre Jonatan Julien.

La décision du gouvernement est un coup dur pour l’hôtel de ville de Québec. Régis Labeaume avait dévoilé le projet de tramway en 2018. Il était alors estimé à 3,3 milliards. Une étude commandée par la Ville à la firme Systra était venue confirmer le choix du tramway, tout comme deux études payées par le gouvernement du Québec en 2020.

« L’échec rendu à ce niveau d’avancement n’est jamais positif et personne n’en sortira indemne. C’est un jour sombre pour la capitale et pour le Québec », a réagi le directeur général de l’organisme Vivre en Ville, Christian Savard.

Le maire Bruno Marchand a remporté les dernières élections municipales en faisant sien le projet de son prédécesseur. L’explosion des coûts et les sondages défavorables – le dernier en date montrait un appui de 36 % au projet – ont semblé refroidir le gouvernement Legault.