(Québec) La Ville de Québec et les gouvernements ont déjà investi 527 millions de dollars dans le projet de tramway aujourd’hui en péril, a indiqué Bruno Marchand jeudi. Le maire a par ailleurs assuré qu’il n’avait nullement l’intention de démissionner même si la CAQ lui a retiré le projet de transport structurant de la capitale.

« Ce matin, aux approvisionnements de la Ville, le téléphone a failli exploser. Tout le monde appelait : “On continue, on ne continue pas ?” », a indiqué le maire de Québec au lendemain de la décision du gouvernement Legault de confier à la Caisse de dépôt et placement (CDPQ) la mission de revoir le projet de transport en commun structurant.

« Les gens demandaient : “Qu’est-ce qui arrive avec les appels d’offres, les travaux prévus l’été prochain, le déboisement commencé, le bureau de projet, les salaires, les expropriations… ?” »

La décision de Québec de retirer à la Ville la gestion de son propre projet de transport en commun a semblé prendre tout le monde par surprise à l’hôtel de ville.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le maire de Québec Bruno Marchand

La Ville a entamé depuis des mois de nombreux travaux en prévision de ce projet qui semblait sur les rails. Ce sont donc 527 millions qui ont déjà été dépensés ou engagés par la Ville. Mais ce chiffre pourrait encore gonfler, a prévenu le maire. Il se situera entre 527 et 900 millions en bout de course.

La Ville avait par exemple réaménagé certaines artères en vue de l’arrivée du tramway, déplacé des égouts, des réseaux filaires, payé des expropriations, etc.

Or, la décision du gouvernement Legault pourrait signer l’arrêt de mort de ce projet et de son tracé. Québec a confié le mandat à la CDPQ de « nous arriver avec le meilleur projet structurant pour la Ville de Québec ».

Le premier ministre François Legault a indiqué jeudi vouloir « regarder les coûts-bénéfice de chaque scénario », soit le métro, le train léger et le tramway. M. Legault a indiqué que la solution retenue pourrait finalement s’avérer être le tramway en milieu urbain. « On ne l’exclut pas », a-t-il dit, même si la Caisse a surtout fait sa marque dans des projets de train léger vers les banlieues.

Chose certaine, la CAQ n’exclut pas non plus d’abandonner carrément le projet défendu depuis 2018 par la Ville de Québec. Est-ce que ce demi-milliard, ou plus, sera alors jeté à la poubelle ? Pas entièrement, fait remarquer le maire. « Il y avait des travaux nécessaires dans certains cas. Mais d’autres ne l’étaient pas, ils l’étaient pour le tramway. »

Ces dépenses ont jusqu’à maintenant presque toutes été assumées par le gouvernement du Québec.

Le maire Bruno Marchand indique que ces centaines de millions déjà dépensés et les possibles pénalités avec le fournisseur de matériel roulant Alstom sont maintenant l’entière responsabilité du gouvernement Legault. C’est le gouvernement qui a « repris le ballon » de ce projet.

Marchand maintient le flou sur son avenir

Le maire de Québec a par ailleurs indiqué qu’il n’entendait pas démissionner. « Non, jamais vous n’allez me voir démissionner. Oubliez ça. S’il y en a qui le souhaitent, oubliez ça, a-t-il dit. Les gens m’ont fait confiance pour quatre ans. C’est sûr que je me rends au bout de mon temps. »

Bruno Marchand, qui refuse de dire s’il va se représenter en 2025 à la mairie de Québec, a ajouté « qu’il y aura un après » pour lui. « Ne préparez pas les funérailles trop vite. »

Charles Emond a posé des conditions

C’est au cours des derniers jours seulement que le gouvernement a sollicité le PDG de la Caisse, Charles Emond, pour le mandat d’étudier le projet de Québec. M. Emond a posé deux conditions, selon nos informations.

La première, c’est qu’il n’y ait pas de conflit avec le maire. Il demandait de s’assurer que Bruno Marchand accepte de collaborer ; il ne voulait pas revivre une confrontation semblable à celle qu’il a connue avec la mairesse de Montréal, Valérie Plante, dans le dossier du REM de l’Est. Finalement, Bruno Marchand s’est résigné mercredi soir à collaborer avec la Caisse lors de sa rencontre avec François Legault.

La deuxième condition, c’est qu’il n’y ait aucune restriction dans les analyses de mode de transport, que l’on ne limite pas la Caisse à l’option du tramway. Cette condition n’a posé aucun problème.

La Caisse n’a toutefois toujours pas reçu du gouvernement la lettre de mandat officielle précisant sa demande et ses attentes.

Le choix de confier ce mandat à la Caisse n’est pas complètement inédit. Ce n’est pas la première fois qu’elle se penche sur le projet de Québec. En 2016-2017, sous la présidence de Michael Sabia et la vice-présidence de Christian Dubé, elle avait analysé sommairement l’idée de faire un SRB ou un tramway. L’actuel vice-président exploitation de CDPQ Infra, Denis Andlauer, faisait d’ailleurs partie d’un comité consultatif formé par la Ville.

La Caisse n’avait pas manifesté son intérêt pour le projet, d’autant qu’elle se lançait alors dans la réalisation du REM à Montréal. « Ce n’était pas rentable » pour elle, expliquait M. Labeaume en 2018. « Pour eux autres, ce n’est pas un projet commercial. On n’a pas la densité de Montréal », ajoutait-il.

Ce n’est pas la première fois non plus que le gouvernement Legault charge la Caisse d’étudier un projet structurant de transport collectif. Avec un résultat bien mitigé. Il lui avait demandé d’étudier un nouveau système de transport collectif pour l’Est de Montréal. La Caisse avait décidé d’aller de l’avant avec un REM de l’Est, mais le gouvernement lui a retiré le projet l’an dernier.

Québec l’avait chargé d’étudier deux prolongements du REM, l’un vers le sud, pour relier les secteurs de Chambly et de Saint-Jean-Sur-Richelieu, l’autre vers le nord, pour desservir le centre de Laval. La Caisse a rejeté la première option et a peu d’intérêt pour la seconde. Toujours à la demande du gouvernement, elle étudie depuis 2020 un projet à Longueuil dans l’axe du boulevard Taschereau.

Avec Isabelle Ducas, La Presse