(Québec) La ville de Québec a la réputation d’être une « ville de chars », l’une des municipalités comptant le plus de kilomètres d’autoroutes par habitant au pays. Un peu trop au goût de l’hôtel de ville, qui demande formellement au gouvernement de réduire deux autoroutes près de son centre-ville.

Le maire de Québec a fait parvenir une lettre datée du 25 janvier à deux ministres du gouvernement, Geneviève Guilbault et Jonatan Julien, leur demandant formellement « d’entamer les étapes qui mèneront aux travaux de conversion de l’autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain ».

Cette voie rapide construite au début des années 1970 en pleins quartiers populaires relie la colline Parlementaire aux banlieues de l’Est. La Ville s’inquiète de sa dangerosité. Un accident a fait quatre morts sur cette autoroute en 2021, dans l’arrondissement de Beauport. Un autre accident frontal lundi a relancé le débat.

« C’est un enjeu de sécurité, mais aussi de pollution de l’air. Quand le rapport [sur la qualité de l’air à Limoilou] est sorti la semaine dernière, un des premiers enjeux [était le] transport routier », a expliqué cette semaine le maire de Québec, Bruno Marchand.

La demande formelle de la Ville de Québec pour Dufferin-Montmorency – entre Henri-Bourassa et le pont de l’île d’Orléans – s’ajoute à une autre demande pour la transformation d’une partie de l’autoroute Laurentienne en boulevard urbain. Cette autoroute qui va vers le nord termine sa course en plein quartier Saint-Roch.

Selon des données de l’Association des transports du Canada qui datent de 2010, Québec compte 1,09 km d’autoroute pour 1000 habitants. Elle est deuxième au pays à ce chapitre, derrière Calgary (1,2), mais devant Montréal (0,83).

La Ville envisage de développer les pourtours de ces deux sections d’autoroute qui ressemblent actuellement à des tranchées aux portes du centre-ville. « Des discussions sont en cours. Nos demandes sont claires. On les a faites auprès des ministres concernés, de façon répétée », a indiqué M. Marchand.

La transformation de ces sections d’autoroute en boulevards urbains suscite un consensus au conseil municipal.

« Je salue le geste du maire d’envoyer une communication officielle au gouvernement du Québec », a dit cette semaine le conseiller indépendant Jean-François Gosselin. L’ancien chef de l’opposition avait lancé sa carrière en politique municipale en attaquant la « guerre à l’auto » de Régis Labeaume et en défendant un troisième lien.

« Je suis content de l’unanimité qu’on a. Ça dépasse les partis », a constaté le chef de l’opposition officielle, Claude Villeneuve.

Le MTQ aura le dernier mot

Mais l’unanimité des élus de Québec ne pèsera pas lourd si le ministère des Transports du Québec (MTQ), qui est responsable de ces autoroutes, oppose une fin de non-recevoir.

En mai 2022, une dizaine de maires avaient publié une lettre ouverte dans La Presse déplorant le peu d’écoute du MTQ devant leurs demandes pour la sécurisation de routes dont il a la responsabilité.

« Le ministère des Transports devrait être un partenaire incontournable pour réaliser cet objectif », écrivaient les maires, notamment ceux de Joliette et de Marieville. « Nous observons le contraire : des obstacles majeurs ralentissent les actions visant la sécurisation des routes sous la gestion du MTQ qui traversent nos municipalités. »

Pour l’instant, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, ne se prononce pas franchement sur la transformation en boulevard urbain de Dufferin-Montmorency. Elle insiste plutôt sur les modifications apportées au tronçon accidentogène, comme l’installation d’un radar photo le 3 février.

Je veux rassurer tout le monde : les données démontrent que ce segment est sécuritaire. Cela dit, nous continuons d’analyser les différents paramètres. Comme partout ailleurs, notre priorité, c’est la sécurité.

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, par l’entremise de son cabinet

Ce n’est pas la première fois que Québec demande moins d’autoroutes, souligne Alexandre Turgeon, directeur général du Conseil régional de l’environnement de la Capitale-Nationale.

Il rappelle que le maire Jean-Paul L’Allier réclamait déjà la transformation de l’autoroute Laurentienne en boulevard urbain. La mairesse de Sainte-Foy Andrée Boucher demandait la même chose pour l’autoroute Duplessis, dit-il.

« Mais ce n’étaient pas des demandes avec autant de pression. Et c’étaient les années 1990, on était dans la course au déficit zéro, il n’y avait pas d’argent. C’était demandé, mais il y avait une sorte de fatalisme. Là, c’est différent », croit M. Turgeon.

L’écologiste ne se fait pas d’illusions : la transformation de ces deux tronçons d’autoroute est loin d’être acquise. Mais il pense que ce n’est pas impossible. « Geneviève Guilbault a montré dans plusieurs dossiers qu’elle sait écouter et comprendre les enjeux », dit-il.

Une autre question plane dans ce dossier : le projet de troisième lien cher à la CAQ doit sortir à Québec près de l’autoroute Laurentienne, là même où la Ville réclame un boulevard urbain.