(Québec) Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, dit être à l’écoute des agriculteurs en difficulté. Les partis de l’opposition lui demandent toutefois d’en faire plus, et l’UPA estime qu’après les beaux discours, il doit agir pour endiguer leur « véritable ras-le-bol ».

« C’est une année record qui démontre que ça a été une année excessivement difficile. Mais ce que ça démontre aussi, c’est que dans un premier temps, il y a tout un écosystème qui est en place de soutien pour les producteurs, et cet écosystème, quand ça va mal, ça fonctionne, et quand ça va très mal, ça fonctionne », a affirmé le ministre jeudi lors d’une mêlée de presse à l’Assemblée nationale.

La Presse rapportait jeudi matin que la Financière agricole du Québec verserait plus de 1 milliard de dollars pour compenser les pertes et soutenir le revenu des producteurs assurés auprès d’elle, l’année 2023 ayant été très dure pour les agriculteurs du Québec en raison de la crise dans l’industrie du porc, des champs inondés, du gel hâtif et de la sécheresse, notamment.

« Ce sont des temps qui sont difficiles. Il y a déjà eu des temps difficiles dans le passé, et ce sont des temps difficiles [à travers lesquels] on va passer », a-t-il dit. M. Lamontagne a affirmé que certains agriculteurs étaient « plus durement touchés que d’autres », et qu’il travaillait « tous les jours » pour les déterminer lesquels. « On ne veut laisser tomber personne », a-t-il dit.

Grogne

Mais ces versements n’apaisent pas la grogne au sein des associations de producteurs, qui tonnent haut et fort que le programme d’assurance récolte n’est plus adapté aux nouvelles réalités climatiques. Frappés par une sécheresse historique, des producteurs de foin de l’Abitibi estiment par exemple ne pas avoir été indemnisés à la hauteur de leurs pertes. Les producteurs de petits fruits de la Montérégie font les mêmes critiques.

Le président de l’Union des producteurs agricoles, Martin Caron, estime que ces sommes ne vont pas freiner le « ras-le-bol » des agriculteurs. Des manifestations doivent d’ailleurs avoir lieu un peu partout au Québec dans les prochaines semaines.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Martin Caron, président de l’Union des producteurs agricoles

« Quand il y a des mobilisations comme on en a vu à Rimouski, La Malbaie, pensez-vous qu’ils n’ont pas autre chose à faire avec leurs tracteurs ? Quand on sort des entreprises pour aller dans le chemin, c’est parce qu’il y a un véritable ras-le-bol », a-t-il dit.

L’UPA demande une révision rapide des programmes d’aide, qui ne tiennent pas compte des changements climatiques et de la réalité des agriculteurs, dont le revenu net a chuté de façon dramatique avec la hausse de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt.

L’UPA cite Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui prévoit une chute du revenu net agricole de 49,2 % en 2023 et de 86,5 % en 2024, et affirme qu’il faut remonter au premier gouvernement de Maurice Duplessis et au troisième de Mackenzie King pour trouver un revenu net aussi bas au Québec.

« Larmes aux yeux »

L’organisation a l’appui des partis de l’opposition à Québec. Le libéral André Fortin croit que les manifestations agricoles pourraient « mener à une situation comme en Europe », à moins que « le gouvernement agisse ».

Il demande une révision urgente des programmes de la Financière agricole, et souligne que « le montant qui a été octroyé l’an dernier, ce n’est pas de la bonté du gouvernement de la CAQ, mais plutôt le résultat d’une saison désastreuse, et le paiement d’assurances auxquelles souscrivent les agriculteurs ».

La députée solidaire Alejandra Zaga Mendes estime que « la colère gronde, et la détresse aussi ». Elle rapporte que lors d’une rencontre avec la relève agricole la semaine dernière à Shawinigan, elle a vu des « agriculteurs, les larmes aux yeux, qui ne savent pas comment ils vont faire pour arriver à la fin du mois ». « Ils ne savent plus où se tourner », a-t-elle dit.

Le péquiste Pascal Bérubé était présent lors de la manifestation à Rimouski le 8 mars. « Ce qui se passe là est majeur et va enflammer le reste du Québec, là, il y a des mobilisations importantes partout. Ce qui a été annoncé [mercredi] n’est pas suffisant pour une raison évidente, une grande part va à la filière porcine. Puis, encore là, ça ne sera pas suffisant, là, les coûts sont énormes », a-t-il dit.

Avec la collaboration de Daphné Cameron, La Presse