Le récupérateur de carcasses d’animaux Sanimax, souvent pointé du doigt pour les problèmes d’odeurs, s’est entendu avec Montréal pour mettre fin à une longue saga judiciaire. L’entreprise devra construire un garage d’entreposage et un système d’épuration de l’air d’ici 2025, ainsi qu’une usine de traitement des eaux d’ici 2027.

« On voit enfin la lumière au bout du tunnel. Ce qu’on espère, c’est qu’avec cette entente, les jeunes ne penseront pas à leur quartier d’enfance avec une odeur de carcasses animales en tête. Ça prouve que ça vaut la peine de défendre ses règlements environnementaux devant les tribunaux », martèle la VP du comité exécutif et mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, Caroline Bourgeois.

En entrevue, le chef de la direction de Sanimax, Martial Hamel, se dit quant à lui satisfait « d’avoir réussi à asseoir tout le monde et à trouver une entente satisfaisante ».

« Je le vois vraiment comme un nouveau départ. Ça va nous permettre de normaliser à nouveau nos relations avec la Ville, et ça va améliorer la communication. On est résolument tournés vers l’avenir », souffle-t-il à ce sujet, en avouant que la situation était devenue « compliquée » avec les nombreux litiges en cours.

D’abord spécialisée dans la récupération d’animaux de ferme morts, Sanimax accumule les plaintes de résidants depuis des années, soit pour des carcasses animales laissées en pleine rue, soit pour des problèmes d’odeurs. Depuis plus de dix ans, la Ville et l’entreprise avaient plusieurs recours devant la Cour pour régler des litiges reliés aux nuisances.

À l’été 2021, les villes de Montréal, de Lévis et de Saint-Hyacinthe avaient reçu un nombre de plaintes inégalé à l’endroit de l’entreprise. Depuis janvier de cette année-là, celle-ci avait à elle seule fait l’objet de 46 % des plaintes relatives à la qualité de l’air enregistrées dans toute la métropole.

Des projets majeurs

Trois projets majeurs seront inclus dans l’entente. Celle-ci inclut aussi le gouvernement du Québec, qui a participé de près aux négociations. D’abord, Sanimax devra construire d’ici mars 2025 un garage pour entreposer ses matières animales à l’intérieur, afin de réduire les odeurs.

Cette idée avait déjà été évoquée dans le règlement « sur les rejets à l’atmosphère », adopté en 2022 par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Or, Sanimax jugeait que ce règlement comprenait mal ses réalités.

D’ici décembre 2025, l’entreprise devra par ailleurs se doter d’un système principal d’épuration de l’air sur l’ensemble de son site. « En termes d’odeurs, ça va être un gain énorme pour les citoyens. C’est quelque chose dont on est fiers », se réjouit à ce sujet Mme Bourgeois.

L’entrée principale des camions de matière première sera quant à elle déplacée sur la 7rue et du réaménagement paysager aura lieu sur le boulevard Maurice-Duplessis. Sanimax devra enfin construire une usine de traitement des eaux d’ici juillet 2027 pour se plier aux normes environnementales de concentration d’ammoniac. Le nouveau bâtiment sera adjacent à l’usine actuelle.

En 2022, la justice avait donné jusqu’à mai 2024 à l’entreprise pour réduire radicalement la quantité d’ammoniac qu’elle envoie dans les égouts de Montréal et qui se retrouve directement dans le fleuve Saint-Laurent. L’entreprise disait alors être incapable de corriger la situation avant mai 2027, un message qui semble donc avoir été entendu.

Une consultation en vue

Tous ces changements seront rendus possibles grâce à la création d’une zone d’intervention spéciale (ZIS) sur le site. Une ZIS est une mesure que peut prendre le gouvernement pour fixer un territoire donné où des règles particulières remplacent la réglementation standard en matière d’aménagement et d’urbanisme.

Cela fera notamment en sorte que l’entreprise n’aura pas besoin de demander des changements de zonage à Québec pour construire son usine d’épuration des eaux. Une consultation publique devra toutefois avoir lieu au cours des prochains mois pour faire valider l’entrée en application de cette ZIS, comme le veut la loi.

Entre les lignes, on comprend que Québec, qui jouait un rôle de « facilitateur » dans les discussions, tenait surtout à préserver les implications de la chaîne alimentaire, les joueurs pouvant faire de l’équarrissage au Québec ne se comptant pas par milliers. L’usine montréalaise avait de surcroît menacé de fermer ses portes si l’administration Plante appliquait le règlement initial de la CMM.

« C’est l’aboutissement de plusieurs mois de travail. Je peux vous dire qu’il y a beaucoup de jus de bras en arrière de ces négociations », lance de son côté le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne. « Le gouvernement n’arrivait pas là en imposant quoi que ce soit. La confiance, ça a été progressif. On ne pouvait pas effacer toutes ces années de difficultés en quelques heures », ajoute-t-il, en saluant « l’ouverture » des deux parties.

Martial Hamel, lui, assure que son groupe mettra tout en place pour respecter les délais fixés par l’entente, tant pour le garage que pour le système d’épuration et l’usine de traitement des eaux. « On est déjà au travail pour respecter ces délais-là. Pour l’usine, par exemple, on est déjà en design d’ingénierie niveau 3 », dit M. Hamel. « On souhaite vraiment que cette entente-là soit la preuve qu’à travers le dialogue, on peut établir des solutions durables », conclut le PDG.