Dans le cadre d’une réunion lundi pour trouver des solutions urgentes à la crise haïtienne en Jamaïque, le premier ministre Justin Trudeau s’est engagé à fournir 80,5 millions de dollars supplémentaires pour venir en aide au pays saccagé par la violence des gangs armés.

Ce qu’il faut savoir

  • Une réunion d’urgence menée par la CARICOM en Jamaïque lundi réunissait plusieurs acteurs pour trouver des solutions à la crise en Haïti.
  • Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a promis une aide financière additionnelle de 80,5 millions de dollars à Haïti. Les États-Unis vont aussi augmenter leur soutien.
  • Les pressions s’intensifient pour la création d’un « collège présidentiel » et le déploiement d’une force multinationale menée par le Kenya.
  • Un puissant chef de gang haïtien brandit la menace d’une augmentation du « chaos » si la communauté internationale poursuit sur sa voie actuelle.

« Les gens d’Haïti ont besoin que nous nous concentrions sur leur bien-être et leur sécurité », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau pendant la conférence de presse menée par la CARICOM. Ce bloc commercial régional caribéen a tenu une réunion urgente lundi en Jamaïque pour trouver des solutions à la crise que traverse Haïti depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021.

Depuis la fin de février, la situation s’est encore dégradée. De puissants gangs armés ont incendié des commissariats de police, causé la fermeture des principaux aéroports internationaux, bloqué les activités du port et libéré plus de 4000 détenus. Plusieurs ambassades occidentales ont été évacuées pendant la fin de semaine.

Justin Trudeau a participé à la réunion à distance, tandis que l’ambassadeur du Canada aux Nations unies, Bob Rae, se trouvait sur place.

« Le Canada va continuer d’être là en soutien à une solution menée par Haïti », a ajouté M. Trudeau. Un peu plus tôt, il avait annoncé un soutien financier additionnel de 80,5 millions de dollars, a confirmé le bureau du premier ministre.

Les États-Unis ont aussi précisé lundi augmenter leur contribution financière. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a promis 100 millions supplémentaires pour financer le déploiement d’une force multinationale, et 33 millions de plus en aide humanitaire.

PHOTO ANDREW CABALLERO-REYNOLDS, FOURNIE PAR REUTERS

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken

Vers un gouvernement de transition ?

Les discussions de lundi ont mené à une proposition, convenue entre les dirigeants caribéens et les parties prenantes haïtiennes, pour accélérer la création d’un « collège présidentiel », a annoncé Antony Blinken.

Ce collège prendrait des mesures concrètes – qui n’ont pas été précisées – pour répondre aux besoins du peuple haïtien et permettre le déploiement imminent d’une force multinationale dirigée par le Kenya.

Le président guyanais, Irfaan Ali, s’est dit convaincu d’avoir trouvé un terrain d’entente.

Je pense que nous pouvons tous être d’accord : Haïti est au bord du désastre. Nous devons prendre des mesures rapides et décisives.

Irfaan Ali, président du Guyana

Le premier ministre jamaïcain, Andrew Holness, a pour sa part affirmé que la réunion représentait un premier pas.

« Il est clair qu’Haïti se trouve désormais à un point critique, a-t-il déclaré. Nous sommes profondément affligés de constater qu’il est déjà trop tard pour un trop grand nombre de personnes qui ont beaucoup trop perdu aux mains des gangs criminels. »

Le Canada a discuté avec le premier ministre Henry

Bloqué à Porto Rico après avoir été empêché de rentrer à Port-au-Prince, le premier ministre haïtien, Ariel Henry, a échangé à distance avec les membres de la CARICOM au cours de la réunion, lors de laquelle il a finalement accepté de démissionner, tard lundi soir.

PHOTO SIMON MAINA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le premier ministre Ariel Henry s’est rendu au Kenya début mars.

Les pressions s’intensifiaient sur le premier ministre pour qu’il démissionne ou accepte un conseil de transition. Nommé par Jovenel Moïse, M. Henry aurait dû quitter ses fonctions début février, ce qu’il n’avait pas fait. Haïti n’a connu aucune élection depuis 2016.

En conférence de presse, Justin Trudeau avait affirmé plus tôt en soirée avoir discuté avec son homologue haïtien et l’avoir « remercié pour tout le travail qu’il continue de faire ».

Dans la foulée, M. Trudeau avait réitéré sa confiance dans la transition politique du pays. « Je sais qu’en allant de l’avant avec une forme de conseil présidentiel de transition, alors que les gens vont se réunir et mettre de côté leurs différences pour bâtir un avenir ambitieux, le peuple d’Haïti va être bien servi », avait ajouté le premier ministre.

Un peu plus tôt, l’ambassadeur à l’ONU Bob Rae avait aussi affirmé sur les ondes de Radio-Canada que les autorités canadiennes s’étaient entretenues avec le premier ministre haïtien. M. Rae n’avait cependant pas voulu dévoiler le contenu de cet échange.

Les gangs brandissent la menace d’un « chaos encore plus grand »

Au moment où les dirigeants se réunissaient à huis clos, Jimmy Chérizier – considéré comme le chef de gang le plus puissant d’Haïti – a affirmé aux journalistes que si la communauté internationale continue sur la voie actuelle, « cela plongera Haïti dans un chaos encore plus grand ».

« Nous, les Haïtiens, devons décider qui sera à la tête du pays et quel modèle de gouvernement nous voulons », a assuré cet ancien policier d’élite, mieux connu sous le nom de « Barbecue ».

Dans les derniers jours, des dizaines de personnes ont été tuées et plus de 15 000 sont sans abri après avoir fui les quartiers attaqués par les gangs. La nourriture et l’eau diminuent à mesure que les magasins vendant aux Haïtiens démunis sont à court de marchandises.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a exhorté lundi les gangs haïtiens à « cesser immédiatement leurs actions déstabilisatrices », notamment les violences sexuelles et le recrutement d’enfants.

Affaires mondiales Canada a mis à jour ses conseils aux Canadiens en Haïti dimanche, conseillant de « se mettre à l’abri sur place ; faire le plein de produits de première nécessité (nourriture, eau et médicaments) ; et de limiter ses déplacements ».

Aucun vol d’assistance ou de rapatriement de Canadiens en Haïti n’est prévu par le gouvernement du Canada à ce stade, a indiqué l’agence fédérale par communiqué lundi.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press

Lisez « Cinq clés pour mieux comprendre la crise »

Rectificatif
Une version précédente indiquait que le Canada allait fournir une aide additionnelle de 91 millions de dollars. L’information avait été rapportée par l’Agence France-Presse. Le bureau du premier ministre a indiqué à La Presse mardi que le montant est plutôt de 80,5 millions de dollars.

En savoir plus
  • 2901
    Nombre de Canadiens en Haïti inscrits au service d’inscription des Canadiens à l’étranger
    source : Affaires Mondiales Canada
    60
    Demandes reçues par Affaires mondiales Canada depuis le 3 mars concernant les voyages et la sécurité en Haïti
    source : Affaires Mondiales Canada