À la merci de gangs meurtriers, Haïti fait face à une nouvelle escalade de la violence menaçant la sécurité de millions de personnes. Cinq clés pour mieux comprendre la crise – et ce qui pourrait arriver ensuite.

Une flambée de violence

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Des véhicules carbonisés gisent au centre de la capitale, Port-au-Prince.

La crise politique et sécuritaire en Haïti est entrée dans une nouvelle phase au cours des derniers jours. À Port-au-Prince, les groupes armés se sont emparés du port, ont assiégé l’aéroport international et ont attaqué les deux plus grands centres carcéraux au pays, contribuant à l’évasion de milliers de prisonniers. Un couvre-feu d’un mois a été imposé dans la capitale, où des échanges de tirs ont retenti vendredi soir entre la police et les gangs criminels. « C’est le chaos total », résume le porte-parole de Solidarité Québec-Haïti, Frantz André. Pendant ce temps, le premier ministre haïtien, Ariel Henry, est bloqué à Porto Rico, aucun avion ne pouvant atterrir à Port-à-Prince.

Un scrutin promis

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Mardi, Jimmy « Barbecue » Chérizier, un ancien policier devenu le chef de la plus grande alliance
de gangs armés d’Haïti, a menacé le pays de « guerre civile » si Ariel Henry ne démissionne pas.

Plus tôt la semaine dernière, un éminent chef de gang a appelé à renverser ce qu’il reste du gouvernement haïtien, menaçant de déclencher une « guerre civile » si le premier ministre ne démissionnait pas. En Haïti, la dernière élection remonte à 2016. « Le pays ne compte actuellement aucun élu », souligne le sociologue Frédéric Boisrond. Après l’assassinat du président Jovenel Moïse, en 2021, Ariel Henry s’était engagé à tenir des élections avant le 7 février 2022. Sauf qu’il n’a pas respecté sa promesse, s’accrochant au pouvoir. Ces dernières semaines, de nombreuses manifestations ont eu lieu réclamant son départ, menant parfois à des affrontements violents.

Une crise humanitaire intenable

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Devant la violence dans leur quartier, des Haïtiens quittent leurs domiciles, en route vers un refuge.

Déjà critique, la situation humanitaire est devenue catastrophique en Haïti. « Il n’y a pas d’essence, il n’y a pas de nourriture, il y a des bandits partout », énumère en créole Violine*. Redoutant les affrontements de plus en plus fréquents à Port-au-Prince, Violine ne sort plus de chez elle, soutient Frantz André, qui a traduit ses propos. Depuis le début de l’année, près de 1200 personnes ont été tuées du fait de la violence armée, d’après un récent bilan de l’ONU. Plus de 300 000 personnes ont été déplacées en l’espace d’un an – dont au moins 15 000 au cours de la semaine dernière.

*Nom fictif pour protéger son anonymat

Une aide internationale tardive

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Des membres de la Police nationale haïtienne érigent un périmètre près du Palais national.

À la crise qui s’exacerbe de jour en jour, Frédéric Boisrond ne voit qu’une solution possible. « La communauté internationale a la responsabilité de protéger la population haïtienne », estime-t-il. En octobre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU avait donné le feu vert à l’envoi d’une mission multinationale en Haïti menée par le Kenya. Mais son déploiement a été retardé par la justice kényane et un manque de financement. « Cela fait des mois, voire des années, que la police haïtienne n’arrive pas à maintenir ces gangs-là », fait valoir le journaliste québécois d’origine haïtienne Jean Numa Goudou.

Un gouvernement de transition

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Un jeune garçon se tient au milieu d’une salle de classe transformée en refuge pour déplacés.

Devant la récente flambée de violence, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a convié des représentants des États-Unis, de la France, du Canada et de l’ONU à une réunion lundi en Jamaïque. « Des questions cruciales pour la stabilisation de la sécurité et la fourniture d’une aide humanitaire urgente » seront abordées, a précisé le président de la CARICOM, Mohamed Irfaan Ali, qui est aussi président du Guyana. Récemment, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a plaidé pour une « transition urgente » vers un gouvernement « inclusif ».